Ce vendredi 13 novembre, j’étais au Stade de France. Là où tout a commencé, mais aussi là où il ne s’est presque rien passé. Très « peu » de victimes heureusement, pourtant le choc est bien là.
Un match « normal »
Le Stade était plein, la Marseillaise était belle, la fête promettait d’être grandiose. Et pourtant. Évidemment, on a entendu les deux grosses détonations après le premier quart d’heure de jeu. Évidemment, elles étaient plus fortes que le bruit des pétards habituels lors des manifestations sportives. Mais comment se douter que deux monstres s’étaient fait exploser à quelques centaines de mètres ? Comment imaginer l’inimaginable ? Les faits étaient pourtant là.
On n’a rien vu. Je n’ai rien voulu voir.
Parole d’habituée, le réseau téléphonique et Internet est très mauvais au Stade de France. Pourtant, à la mi-temps j’ai pris le temps d’essayer d’actualiser mon application de foot six fois. La raison ? Je voulais savoir si Gignac allait rentrer sur le terrain. Idiot, n’est-ce pas ?
La nouvelle était tout autre : deux « bombes » avaient explosé et le président devait quitter les lieux par mesure de sécurité. J’ai levé le nez et remarqué un hélicoptère qui survolait l’enceinte du stade. Si j’ai compris ? Toujours pas.
Le match a continué. On était dans l’ambiance. L’équipe de France jouait bien. Tout se déroulait « normalement ». Pourtant, l’hélico a continué de survoler le Stade. Probablement par raison de sécurité.
J’ai quand même envoyé un SMS à une amie, je croyais qu’un « truc bizarre » se produisait. Elle m’a rassurée : sûrement des supporters un peu agités.
À la quatre-vingtième minute, on m’a dit qu’une fusillade avait éclaté dans le dixième arrondissement. Il y aurait des morts. J’en ai parlé à mon copain. Pourtant, encore une fois, on n’a pas assemblé les pièces du puzzle. On ne réalisait pas et bêtement, naïvement, on croyait à un règlement de comptes…
Tout était là, sous notre nez. Mais l’évidence ne s’imposait pas. Pas encore.
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Sortir, rentrer chez soi
Finalement, le téléphone a sonné. La famille, paniquée. Je ne comprenais pas tout. « Fusillade. Morts. Une cinquantaine de morts… PRISE D’OTAGE BATACLAN. ». Effectivement on nous a dit de sortir par telle sortie, à cause « d’événements extérieurs », rien de plus.
Nous sommes sortis du Stade, à la fois paniqués et très pressés : on voulait rentrer. Mettre ça derrière nous.
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Et puis le mouvement de foule. Quelqu’un a hurlé. Des dizaines de personnes se sont retournées et ont couru. Je suis tombée. On m’a marché dessus. À ce moment-là, j’ai cru qu’un « détraqué » nous tirait dessus comme d’autres l’avaient fait à Charonne, au café ou à la Fontaine. J’ai pensé que c’était fini. Que pour moi, tout était fini. On m’a relevée, et j’ai couru. J’ai couru pour retourner dans le stade.
Ça y est. D’un coup, le mot était lancé. Nous vivions des attentats.
Je ne pensais plus. Je tremblais. Je suffoquais. Nous n’avions aucune information sur ce qui se passait ailleurs, seulement qu’un nombre impressionnant de personnes avaient trouvé la mort, assassinées par des kamikazes. Étions-nous les prochain•e•s ? Les CRS ne savaient visiblement pas tout. Plusieurs personnes ont pu partir, libérant du réseau. On a appris les informations au compte-gouttes.
Après une heure à se terrer dans l’enceinte du stade, on a rejoint la station de RER. Non sans peur de nouvelles attaques. Encore une heure nous serait nécessaire pour que le train parte. Le moindre bruit faisait sursauter toute la rame.
Plus rien ne sera comme avant
En arrivant chez moi, vers 2h du matin, j’ai pris conscience que ce que j’avais vécu n’était rien. Que des gens agonisaient au Bataclan, et ailleurs. Que le nombre de morts était hallucinant, et que rien ne serait plus comme avant.
Une question reste : pourquoi ? Je sais déjà que je n’oublierai jamais cette sensation et cette peur. Et pourtant, je sais que j’ai eu une chance incommensurable ce vendredi 13.
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