Le 1er novembre, c’est la journée mondiale du véganisme. L’occasion pour moi de réfléchir à ce qui a changé dans ma vie, depuis que je suis « officiellement » — pour moi-même, disons, devenue végane, en mai 2012.
Je voulais écrire un témoignage beaucoup plus personnel que cette auto-interview, initialement publiée en juillet 2015 : mon véganisme expliqué aux sceptiques.
Parce que c’est sans doute la plus grande différence que je note entre mes débuts de végane, et ma situation actuelle : je n’ai plus besoin de m’expliquer.
J’aurais aimé écrire que si je n’ai plus à « expliquer mon régime aux sceptiques », c’est parce que la société a considérablement évolué en 5 ans. C’est vrai, en partie : je vis à Paris, et il n’a jamais été aussi facile de trouver des resto végétaliens ou a minima végé-friendly dans la capitale. En quelques années, leur nombre a explosé.
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Je rencontre de plus en plus de gens sensibilisés au végétarisme, au véganisme, et je suis de moins en moins confrontée à des réactions négatives. Mais c’est d’abord et avant tout parce qu’en 5 ans, j’ai radicalement changé mes fréquentations.
Ce témoignage a eu une première version, qu’Anouk a relue. Je l’avais sollicitée car c’est son texte, publié à l’occasion de la journée mondiale du végétarisme le 1er octobre, qui m’avait donné envie de partager ma propre expérience.
C’est elle qui m’a fait remarquer que j’avais complètement omis cet aspect de ma vie, ces 5 dernières années.
Le véganisme est une tendance croissante dans la société, c’est vrai, mais les véganes restent très peu nombreux, rapportés à la population française (moins de 2%). Dans mon entourage en revanche, le ratio n’est pas du tout le même.
Alors voilà ce qui a vraiment changé dans ma vie, depuis que je suis devenue végane, il y a 5 ans.
Depuis que je suis végane, j’ai changé d’environnement professionnel
En mai 2012, je suis encore auditrice interne dans un grand groupe industriel français. Je passe plusieurs jours par semaine sur le terrain, je déjeune et dîne au resto très souvent, et je n’en peux plus de manger de la viande et des produits laitiers.
C’est en partie ce qui me pousse à arrêter : je n’y prends plus aucun plaisir, et je ne me sens pas du tout en forme.
Je deviens végétalienne sans le dire à personne, parce que ça ne regarde que moi. Mais ça se voit vite, que je mange différemment, que je pose beaucoup de questions aux serveurs, que je commande des plats hors carte.
On me fait des remarques, j’invoque des raisons de santé — ce qui n’était pas faux, mais c’était omettre volontairement toute une partie de mes motivations.
Un an plus tard, j’ai quitté cette entreprise (suite à un burn out), mais je sais déjà que mon prochain travail devra me permettre d’être végétalienne sans que ça ne pose de problèmes à qui que ce soit : ce n’est déjà plus négociable pour moi.
Arrivée chez madmoiZelle, bien sûr, personne ne me fera aucune remarque sur ce que je mange ou non ; seulement des questions de curiosité, quelques débats respectueux et intéressants… Mieux : j’ai la liberté de traiter des sujets qui touchent à l’écologie et au végétarisme.
C’est avec le recul que je réalise à quel point ce changement a été un véritable luxe pour la néo-végane que j’étais. Un an à peine après ma transition, j’évoluais dans un environnement professionnel totalement en phase avec mes valeurs.
Sans doute est-ce la raison pour laquelle je n’ai jamais été en colère ou agressive sur les réseaux sociaux. Je n’ai jamais ressenti l’impatience et la frustration de celles et ceux qui doivent constamment défendre, expliquer, débattre de leurs choix.
Ça vient peut-être de là, pour eux, mais ça ne m’est personnellement jamais venu à l’idée d’aller provoquer un débat ou une dispute dans les commentaires d’un article sur les réseaux sociaux.
Depuis que je suis végane, je suis en phase avec mes valeurs
Depuis le début, être végane est mon choix personnel et intime, pas un combat que j’ai embrassé en adoptant cette bannière. Je fais en sorte que mon militantisme s’exprime par l’exemple : j’essaie au maximum d’être le changement que je voudrais voir dans le monde, c’est déjà beaucoup de travail.
J’éprouve mes choix et mon éthique au quotidien, je trouve des compromis que je fais évoluer selon les circonstances.
C’est ma façon de vivre mon véganisme, mais ça ne veut absolument pas dire que je suis irréprochable. J’ai l’ambition d’incarner un exemple, je n’ai pas la prétention d’être parfaite. Quand je suis en rando itinérante en Corse, au Maroc ou en Savoie, je mange ce que je peux.
Parfois, en soirée, en voyage, hors de mon quotidien, je grignotte un bonbon, un encas, un plat tout prêt qui n’est pas végane : je n’en meurs pas plus que lorsque je bois « le verre de trop », et je n’ai pas à me flageller sur l’autel de Gaia, Mère Nature et Déesse Créatrice de la Vie…
Ce qui est important pour moi, c’est de vivre et d’agir selon mes convictions, pas d’être parfaite. Je n’ai jamais eu envie de « me priver », le but de mon véganisme est de me rendre la vie plus simple et plus belle ; pas complexe et frustrante !
Depuis que je suis végane, ma socialisation a évolué
Avant, j’avais souvent la sensation d’être « celle qui dérange ». Il fallait penser le choix du resto en fonction de moi, je devais penser à mes propres repas lorsque je voyageais en groupe.
5 ans plus tard, je ne suis plus la seule à signaler un régime alimentaire spécifique lorsque l’on organise un repas à plusieurs.
Ça m’est déjà arrivé plus d’une fois même, d’être en majorité à table ! Sans pour autant savoir que les convives seraient végétalien•nes ou végétarien•nes !
De plus en plus de gens enlèvent certains aliments de leur régime, de façon temporaire ou permanente, en semaine seulement, par préférence ou par nécessité sanitaire, quelles que soient leurs raisons.
Alors, de plus en plus souvent, je ne suis plus seule à demander « un régime spécial ». C’est arrivé progressivement, si bien que je ne dirais même pas qu’il s’agit d’un soulagement : juste une évolution des habitudes.
Mon régime n’est donc plus, dans mes cercles, une exception ni une anomalie. Ce n’est même plus un sujet de discussion, ce qui est un véritable luxe, j’en ai conscience !
Depuis que je suis végane, avec ma famille, ça va mieux
Si je parle de « luxe » à propos de l’évolution de la perception sociale de mon véganisme, c’est surtout parce que côté famille, cette évolution a été beaucoup plus lente.
Je viens du fin fond de la Moselle, j’ai été élevée entre les choucroutes, les quiches lorraines, les potées de haricots à la wurst, les lentilles au lard, les blanquettes de veau et autres Flammenküche.
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Forcément, rentrer un jour pour annoncer à mes parents et mes grands-parents que je ne mange désormais plus rien de tout ça, c’était un peu une rupture brutale : c’est pas toi, c’est moi, j’ai changé, je ne veux plus de ça dans ma vie.
Même si je n’ai jamais reproché à ma famille l’éducation alimentaire que j’avais reçue, nul doute que ce changement radical pouvait être perçu comme une remise en cause de cet héritage. Comme si j’étais rentrée un jour en disant : ce que vous m’avez toujours mis dans l’assiette est mauvais pour moi, pour la planète, ce n’est ni éthique ni bon pour la santé.
Je pense avoir mis trop longtemps à comprendre comment, dans ce cadre familial, mon choix pouvait être perçu, interprété. Et c’est sans doute ce qui a ralenti, au sein de ma famille, le processus d’acceptation et de normalisation dont j’ai pu bénéficier dans mes autres cercles.
Cinq ans plus tard, ça va mieux. Peut-être aussi parce que j’ai beaucoup plus clairement exprimé ma colère, non pas contre l’éducation alimentaire que mes parents m’ont donnée, mais contre les mauvaises informations qui leur ont été données, à eux.
Et ça se voit de plus en plus, parce que depuis 5 ans, le véganisme a gagné en légitimité scientifique. Les documentaires qui vulgarisent les études et les recommandations alimentaires à la fois pour la santé et pour la protection de l’environnement sont de plus en plus nombreux. Earthlings a convaincu bien des véganes autour de moi, même si c’est toujours Cowspiracy que je conseille, comme source pédagogique et sans violence, pour entrer dans le sujet.
What the Health, disponible sur Netflix, a ses défauts, mais il a le mérite de souligner clairement le paradoxe d’une alimentation inadaptée, couplée à une sur-médication fondamentalement inefficace — ce paradoxe est poussé à son paroxysme dans la société américaine, toile de fond de ce documentaire militant.
Végane depuis 5 ans : je suis en bonne santé
En devenant végane, j’ai dû apprendre à équilibrer mes repas. Car « il faut manger de tout » est un adage de sagesse populaire, pas un conseil nutritionnel.
« De tout » ne veut pas dire de tous les aliments, mais bien de tous les apports nutritionnels dont notre corps a besoin.
Avant, je mangeais un peu à l’aveugle, un peu comme tout le monde, sans trop me poser de questions. J’étais carencée en fer comme énormément de femmes (perdre du sang tous les mois entraîne une perte de fer plus ou moins importante, qu’on arrive plus ou moins bien à compenser par son alimentation). J’étais souvent malade : au moins une gastro par an, qui durait une bonne semaine.
Je chopais environ tous les virus et toutes les saloperies qui traînent. J’allais chez le médecin une fois tous les 3 mois environ.
Depuis que je suis un régime végétalien, je vais chez le médecin une fois par an, pour obtenir mon certificat médical de pratique d’un sport. Quand je tombe malade, désormais, c’est à cause de la pollution de l’air…
Je ne saurais plus dire à quand remonte ma dernière gastro… Et si vous m’aviez connue il y a 10 ans, cette affirmation vous aurait surpris•es.
Je dois faire attention à équilibrer mon alimentation, c’est vrai, mais c’est là quelque chose que je recommanderais à tout le monde, que l’on soit végétalien•ne ou non. Encore une fois, « manger de tout », ce n’est pas synonyme de « manger équilibré ».
Depuis que je suis végane, je vais mieux
Ça ne fait que 5 ans que je suis végane, mais ça fait 14 ans que j’ai découvert la philosophie du véganisme, de ce mode de consommation, de ses implications.
Ça veut dire que pendant 9 ans, lorsque j’étais encore au lycée, puis une étudiante fauchée, j’avais déjà au fond de moi ces convictions, mais pas les moyens de les mettre en oeuvre.
Je n’avais pas la liberté de choisir mes repas, pas les moyens de faire coïncider mes convictions avec mes valeurs.
C’est pendant ces 9 ans que ma vie était frustrante, où je me sentais contrainte, où j’avais la sensation de me priver, de me forcer, de « manquer », dans la vie.
C’est depuis que j’ai conquis la liberté et le pouvoir d’aligner mes actes de consommation avec mes convictions (notamment en accédant à l’indépendance économique, on ne va pas se mentir), que je vais mieux.
Le véganisme est aujourd’hui une base solide, dans ma vie. Par dessus, je développe d’autres activités, d’autres réflexions pour me permettre d’aller vers toujours plus de bien-être.
Quelque part, pour moi, devenir végane n’est pas un aboutissement. C’est au contraire, un point de départ.
Cinq ans plus tard, je suis fière du chemin parcouru, c’est vrai. Mais surtout sereine et optimiste vis-à-vis de tout ce qui m’attend, à l’avenir !
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Les Commentaires
De la même façon, "guérir" en 15 jours j'ai trouvé bullshit aussi voir malsain en faisant miroiter une solution miracle qui n'en est pas une. Au final, il aurait très pu faire un documentaire sur l'équilibre alimentaire plus que sur le véganisme en lui même...