Idée reçue numéro 3 : la philosophie
C’est bien connu, les veg/végé sont une espèce de tribu d’écolo-intégristes, ils risquent leur vie avec une alimentation carencée, ce sont les pires donneurs de leçon de l’histoire de l’humanité, ils prêchent un retour en arrière bien avant l’ère civilisée. Avant l’invention de l’élevage, même !
Scoop : il existe autant de types de végétalisme/végétarisme/veganisme que d’individus qui s’en réclament. Je me considère “vegan” (en anglais) parce que je n’aime pas l’appellation française qui me fait un peu trop penser à un ruminant. La souffrance animale n’est pas ma préoccupation première, en témoigne la prise RAID chargée d’atomiser tout insecte volant qui s’aviserait d’entrer dans mon espace aérien. Je suis pour la recherche médicale contre le SIDA, le cancer et les maladies orphelines, donc je soutiens les tests sur les animaux dans ces cas. Mais je suis aussi pour les tests sur les cellules souches d’embryon voire le clonage humain thérapeutique (toujours à des fins de recherche/guérison). Je considère qu’on ne peut pas déclarer que la vie est sacrée donc on ne touche pas aux embryons, mais qu’on peut charcuter les singes, parce que, bon, c’est juste des singes. Alors que les cellules souches d’un embryon, eh bien… c’est juste des cellules, en fait !
En revanche, torturer (parce que c’est littéralement de la torture) les lapins et les chats pour tester des crèmes hydratantes et des rouges à lèvres, c’est UN PEU abusé (alerte euphémisme). Même chose pour la mise au point de pilules de régimes type Médiator ou autres auto-bronzants miracles : laissons les animaux tranquilles si la recherche n’est pas justifiée… L’humanité ne s’en portera pas plus mal.
Scoop numéro 2 : il y a des cons partout, chez les mangeurs de viande comme chez les végétaliens. J’en ai connus de ces moralisateurs-culpabilisateurs insupportables, c’est vrai. Mais j’en connais tout autant (beaucoup plus en fait, mais statistiquement c’est normal) chez les omnivores. Genre ton pote étudiant qui te met en garde contre tes carences, lui dont le bac à légumes du frigo n’a jamais connu que les canettes de Heineken et qui considère que la base tomate de la pizza compte comme un légume (ne riez pas : aux États-Unis, c’est officiel). Mais j’ai aussi le cliché du veg’ qui ne jure que par son éthique infiniment supérieure à la tienne : « Tu n’imagines pas le coût écologique de ton steak haché« … Sauf qu’il vient en fait du département d’à côté et que son tofu de la marque superbio-hors de prix est importé… du Japon. Par avion. Donc bon. TA GUEULE !
J’ai été personnellement choquée par la violence de certaines réactions de la part des quelques personnes qui “savent” pour mon “régime”. Je pèse mes mots. “C’est débile”, “C’est dangereux”, et autres jugements hâtifs prononcés sans savoir, sans comprendre et surtout sans chercher à comprendre.
Je ne critique jamais le contenu de l’assiette de quelqu’un, même si cette personne attaque la mienne. De fait, mes collègues ont été jusqu’à présent les plus compréhensifs, étant donné que je ne fais jamais aucune remarque sur ce qu’ils mangent. Mais je sens à travers leurs questions ingénues tout le poids des idées reçues. “Tu as le droit de manger du poisson ?” demande-t-il en considérant mon assiette de poireaux-brocolis à côté de son pavé de saumon-riz. Oui, j’ai le droit de manger du poisson. Nous sommes en démocratie, je suis athée, je mange ce que je veux.
Et c’est là tout le fondement de “la philosophie”. Je mange ce que je veux. J’ai peu de choix dès que je mange en collectivité, mais c’est bien le problème : pourquoi n’aurais-je pas le choix ? Pourquoi n’aurais-je pas le droit de manger ce que je veux ? Il y a 8 ans, au Canada, je découvrais le “veganism” ; aujourd’hui, je constate que ce mode de vie s’y est banalisé. On trouve assez facilement des alternatives végé un peu partout. En France, les restaurants proposent viande ou poisson, il y a parfois un choix végétarien mais à base de fromage.
L’industrie agro-alimentaire ne nous laisse que peu d’options, elle aussi. J’ai toujours jeté un oeil aux compositions des produits, maintenant je le fais en magasin et dès que je lis 3 ingrédients “non identifiés” (chimiques), je repose. Même si le produit est végétarien. Et quand il y a marqué “gélatine”, si ce n’est pas précisé “gélifiant végétal”, c’est du porc. Désolée si j’en choque certain-e-s mais… Il y a de la gélatine de porc dans les fraises Tagada. Voilà. Pourquoi, sérieux ? Parce que dans le cochon tout est bon ? Ces élevages industriels cruels pour les bêtes qui en font logiquement des viandes de mauvaise qualité, qui polluent la Bretagne à coups de marées d’algues vertes toxiques, que font-ils de « bon » ?
La dimension écologique, respect de la vie en général (humaine ou animale) est importante dans “la philosophie” veg/végé, et une fois encore, chacun place le curseur où il le sent. Moi je porte de la laine, et je tolère le miel bio. D’autres non. Sont-ils plus “intégristes” ? Non. Chacun fait ses propres choix en harmonie avec ses besoins, ses envies, ses convictions. Le veganisme/végétarisme est un choix qui libère de tous ceux qu’on nous impose. J’ai grandi avec ces standards, ils n’ont pas toujours eu cette sensation de contrainte, mais quand ils ont commencé à peser, j’ai choisi de m’en détacher. Être végé/vegan, ce n’est pas exclure, interdire, rejeter, refuser, tous ces qualificatifs négatifs et au symbolisme violent que j’entends autour de moi.
Être veg ou végé, c’est choisir, adhérer, varier, diversifier, ouvrir, être curieux, aventurier… Peut-être même pionnier. Est-ce que cela veut dire que les autres sont obtus, fermés, ou pire… conformistes ? Certainement pas. Si je dois être considérée comme militante, considérez que je milite pour que chacun ait le choix, librement. La polémique sur le halal m’avait passablement agacée pendant la campagne présidentielle, ainsi que le débat sur le menu des cantines scolaires. Comme s’il existait un modèle de repas, comme si ce modèle était unique, devait l’être. Qui plus est aux âges de la découverte ! Quelle tristesse que ce steak-patates qui revenait chaque semaine sous une autre forme ! Depuis que je m’intéresse aux “autres cuisines”, je vais de découvertes en surprises.
Idée reçue numéro 4 : le plaisir et la contrainte
Comme je viens de le souligner, la philosophie veg/végé repose sur le choix. La contrainte n’est que la résultante d’un cadre culturel plutôt strict. Si vous dites que vous êtes allergique à 12 657 produits, on vous plaint. Si vous dites que vous ne souhaitez pas manger tel ou tel type d’aliments, c’est le drame. Si en plus vous avez l’outrecuidance d’être « d’apparence musulmane » et de ne pas manger de porc, vous ne faites pas d’effort pour vous intégrer.
Parce que la cuisine est un art en France, laisser d’autres considérations que le pur « plaisir » dicter le contenu de votre assiette est une offense aux bons-vivants et au savoir-vivre. Pourtant, le végétalisme/tarisme n’est pas incompatible avec notre culture de la table, au contraire
: privilégier les meilleurs produits, les plus sains, les préparer avec respect ; non pas implorer Mère Nature avant de sacrifier les carottes, mais ne pas noyer tous les plats dans le beurre ou la crème fraîche ; c’est préparer les ingrédients dans le but de préserver leur propre arôme. C’est préparer un repas compatible avec toutes les philosophies, toutes les religions, afin de garantir la convivialité du repas. Quelqu’un veut un steak dans son assiette ? Très bien. En revanche, s’il y a du lard dans la potée de haricots, vous excluez nécessairement ceux qui ne souhaitent pas en consommer.
Pour avoir pris quelques cours de cuisine avec des chefs et pour avoir été longtemps amatrice de restaurants, la viande est souvent « l’ingrédient star », tout l’art consistant à l’accommoder, l’accompagner, l’assaisonner, bref, c’est avec légumes, épices, jus, assaisonnements que le Chef exécute sa magie. Et pour réussir un plat d’excellence, la viande doit être de toute toute toute première qualité. On est bien loin des steaks surgelés, des saumons d’élevage gavés d’antibiotiques ou de poulets qui n’ont jamais connu une basse-cour. Étant donné que je n’ai pas les moyens de manger à une table étoilée à chaque repas, j’opte pour l’option plaisir abordable (et santé, accessoirement, hein.) Je ne sais pas si je pourrais à présent m’assoir à une table étoilée et apprécier le repas s’il n’est pas végétalien. Pour l’instant, non. Mais si nos habitudes changeaient collectivement, si l’impact global de la consommation de produits animaux diminuait significativement, je n’aurais sans doute plus de problème éthique avec la « grande cuisine » ; mais je ne désespère pas que cette cuisine s’oriente naturellement vers davantage de plats veg/végé. J’ai hâte de tester le Gentle Gourmet Café parisien !
Dans la même logique, si je vivais au bord de la mer, je consommerais volontiers des produits marins, dans la mesure où ils ne sont pas pêchés industriellement avec ces chalutiers qui ramassent tout dans leurs filets. Comme nous nous obstinons à ruiner la faune océane pour « le plaisir » de pouvoir manger des chips de crevette et des poissons panés surgelés… J’ai choisi de m’en passer. Le plaisir n’y est pas.
Je manque certainement des trucs fous. Il paraît que les ailerons de requin, c’est divin. Mais la cruauté de cette récolte m’interdit d’y goûter : sans ses ailerons, le requin meure au fond de l’eau (car on les lui découpe, puis on le rejette à l’eau – normal). Accessoirement, tous les cannibales de l’histoire criminelle réelle ou fictive ont toujours vanté le goût incroyable de la viande humaine, POURTANT – étrangement – ça ne me motive pas vraiment non plus. C’est fou comme le côté « cruauté insupportable » a le don de couper l’appétit… Et encore une fois, la notion de « cruauté insupportable » varie selon les individus.
Idée reçue numéro 5 : Les veg/végé deviennent vite agressifs dès qu’on parle de bouffe
La tolérance n’a pas de camp, c’est justement ce qui la caractérise. Trop de gens lèvent les yeux au ciel ou se permettent des commentaires quand je demande s’il y a du beurre dans les légumes. Qu’ils devinent “ma philosophie” ou s’imaginent que je suis “au régime”, leurs assomptions me fatiguent chaque jour un peu plus. Et parfois, je craque, prise au piège dans cette dimension paradoxale où je devrais m’excuser d’être différente, de m’écarter de cette norme culturelle toute relative et objectivement de plus en plus difficile à défendre, que ce soit d’un point de vue économique, écologique ou sanitaire. Parfois, un veg/végé vous répondra dans un aboiement agressif. Peut être parce que votre question n’était pas neutre. Peut être parce que vous êtes la personne de trop aujourd’hui, à faire peser le poids de la différence sur ce que lui considère comme une évidence. En règle générale, je choisis d’ailleurs de mentir si je suis prise à partie. Je suis intolérante au lactose, voilà. Sujet suivant.
En l’espace de quelques mois, je suis tellement habituée à mon mode de vie (et à la débrouillardise en collectivité) que j’oublie complètement que le contenu de mon assiette peut surprendre. C’est tout naturellement que je me retrouve surprise face à certaines réactions que je ne peux que considérer comme excessives !
Alors pour conclure… Comment survivre en étant vegan ?
Sachez pourquoi vous le faites, pourquoi vous l’êtes. Soyez convaincu-e-s au fond de vous-même et ne laissez personne attaquer vos convictions. Un petit malin me cite forcément de temps en temps une source scientifique certifiant que je me condamne à une mort certaine (et douloureuse). Bon. Je ne suis pas le porte-parole de la communauté veg, je n’ai pas en tête les nombreuses références qui circulent entre nous, les argumentaires, les infos santé-nutrition… Je me renseigne au fur et à mesure, je pose des questions, j’essaie… je cherche ma voie. À mon rythme, pour moi-même.
Faites-vous plaisir ! Le veganisme n’est pas une contrainte, c’est un changement. J’ai pris des cours de cuisine végétalienne (Parisien-ne-s, foncez sur le site d’Ôna), et si cuisiner est vraiment devenu un plaisir, manger l’est encore plus !
Last but not least… Armez-vous de patience (et d’une pointe de cynisme en cas de besoin) si vous évoluez en environnement hostile. Mon conseil ? Ne perdez jamais votre sang-froid. Pourquoi se laissez aller à une répartie agressive alors que tant de traits d’esprits sont possibles ?
Et pour aller plus loin : comme je vous le disais dans la première partie, il n’y a pas une recette de l’équilibre alimentaire figée pour tous, donc je serai inapte à vous recommander tel ou tel lien/site (surtout en n’ayant moi-même aucune qualification dans ce domaine). J’ai des amis vegan depuis plus de 5 ans, je leur envoie régulièrement des mails pour leur demander des conseils, leurs réponses me suffisent.
Si vous voulez des informations, je vous conseille de vous rapprocher de l’association végétarienne de France : on s’y fera un plaisir de vous donner des conseils nutritionnels. Profitez-en ! Contrairement aux idées reçues (ces grosses bâtardes), les végétarien-nes/lien-nes ne sont pas une secte, vous êtes bienvenu-e-s si vous voulez “juste voir” ou “juste avoir quelques recettes” ou “juste une question”. On ne vous mangera pas. Promis. (T’AS COMPRIS LA BLAGUE ?)
Vous pouvez également rencontrer d’autres veg/végé sur Facebook (il y a des groupes), sur Meet Up (pour les Parisien-ne-s notamment) ; un réseau social Vegedia existe également. Si vous êtes à l’aise en anglais, Vegweb vous réchauffera le coeur (et l’estomac) !
La consommation de produits animaux est au coeur du modèle économique de la filière agricole. Comprenez que ces gens rechignent à ce qu’un autre mode de consommation soit popularisé. La chasse aux infos est périlleuse, ce n’est pas surprenant… J’avoue, quand j’ai appris qu’en France, on avait rendu le lait obligatoire dans les cantines pour relancer l’industrie laitière et pas pour des raisons de santé, j’ai eu le même choc qu’en apprenant que le Père Noël n’existait pas. C’est un fait, les intérêts de l’industrie agro-alimentaire passent parfois avant les préoccupations sanitaires… leurs lobbies sont plus puissants, plus efficaces. Et puis au fond, ils vendent des yaourts, pas des armes de destruction massive, on ne va pas non plus en faire un fromage (ENCORE UNE BLAGUE !).
Et puisque le sujet en intéresse beaucoup, je ne m’interdis pas de revenir dans quelques semaines avec des liens vers des sites de cuisine veg testés et approuvés… Peut être même la recette du carrot cake (si vous êtes vraiment sympathiques) !
Ce sujet est tellement vaste, nous n’avons fait que l’effleurer. Merci, d’ailleurs, à BleuKobalt pour son témoignage !
Un autre monde gastronomique est possible : VIVE LES ASSIETTES LIBRES !
Et si le film que vous alliez voir ce soir était une bouse ? Chaque semaine, Kalindi Ramphul vous offre son avis sur LE film à voir (ou pas) dans l’émission Le seul avis qui compte.
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