Précédemment dans #62jours : Que montre l’aiguille de ma boussole ? Mes valeurs
C’est bien plus qu’une pensée introspective, que je m’apprête à dérouler. C’est un changement de paradigme.
Moi, Clémence Bodoc, control freak de mon état, et grande rationnelle anti-émotive devant l’Éternel, je m’apprête à écrire noir sur blanc le nouveau cap que je souhaite prendre.
Que je souhaite ? Que j’affirme prendre, séance tenante. Fini de déconner.
Tu peux pas passer tout un été à dérouler des belles histoires pour devenir ta meilleure alliée, et continuer à nier LA leçon la plus importante de tout ce fouillis d’outils et de préceptes.
Elle m’a été donnée deux jours avant celle qui m’a appris à « faire ma propre trace », dont je parlais vendredi 11 août.
Je te remets le contexte : 4 mois après un burn out, je suis au fond du gouffre. On est en avril, ça skie encore bien à Val d’Isère, et j’ai besoin de changer d’air, dans tous les sens du terme.
Je choisis une semaine de snowboard encadrée avec l’UCPA, en me disant d’avance que je planterai le groupe pour me balader solo si ça me saoule d’être entourée d’autres gens (j’allais vraiment, vraiment pas bien).
Troisième jour de stage, il neige. Je ne sors jamais quand il neige, c’est insupportable : on ne voit rien, il fait froid, et quand je dis on ne voit rien, c’est : on ne voit RIEN.
Mais cette fois, je me dis que le terrain changeant me fera bosser un peu mes virages, et puisque la sortie n’est pas annulée, je vais rester avec le groupe.
On se retrouve dans une piste bleue, sous la neige, et attention instant révélation : on ne voyait rien DU TOUT. J’étais extrêmement frustrée, parce que pour pouvoir faire mes virages, j’ai besoin de VOIR où passe ma planche.
Est-ce une motte de neige, ou au contraire, une zone un peu dégarnie ? Comment est l’inclinaison de la pente à cet endroit précis ? Comment est le terrain tout autour ?
Tant de questions auxquelles j’ai besoin de répondre pour pouvoir exécuter mes virages sereinement. Naturellement, puisque j’y vois rien, je suis super tendue, je me plante 2-3 fois. Et c’est là que le moniteur intervient.
« T’es trop raide, sois plus souple, détends-toi ! »
« J’arrive pas, je vois rien !! »
« Si tu vois rien, c’est pas grave ! Vas-y au feeling ! »
Je. Quoi ?
« Vas-y au feeling » : pas la pire leçon à recevoir
Donc, puisque je ne vois pas où passe ma planche, je devrais me fier à mes sensations. Je résiste encore quelques instants parce que je suis méga têtue quand je veux, puis je décide de prendre une grande inspiration, afin d’essayer de mettre en pratique ce conseil saugrenu : y aller « au feeling »
Ô miracle, c’est vrai que j’ai pas besoin de VOIR l’état de la neige devant moi, puisque je peux le SENTIR sous ma planche.
J’ai assez d’expérience pour pouvoir reconnaître le type de terrain, et sentir l’inclinaison de la pente est plutôt intuitif.
Je termine la descente beaucoup plus détendue, et surtout, sans me planter.
Dans la vie aussi, j’y vais au feeling
Ce conseil a fait mouche, encore une fois parce que j’étais à ce moment de ma vie où j’étais complètement perdue. La minute d’avant, j’avais une carrière toute tracée devant moi, l’instant d’après j’ai perdu toutes mes perspectives et je ne sais plus où je vais.
Je ne vois plus devant moi… Alors je reste sur place, en attendant que l’horizon se dégage. Mais sur ma planche de snowboard comme dans la vie, j’avais une autre option.
Si mes yeux me trahissent, je peux toujours me laisser guider par mes sensations. Sur une planche de surf ça passe par les jambes, et dans la vie, ça passe souvent par les tripes, dans mon cas.
Et surtout, j’ai percuté une idée essentielle ce jour-là, sur cette piste : dans la vie non plus, je ne verrais jamais clairement devant moi.
Si j’attends que le ciel s’éclaircisse pour prendre des décisions, je suis en train de me mentir.
Il n’y a QUE « le feeling » qui puisse me guider
À moins d’avoir une boule de cristal ou je ne sais quel don de voyance, il est impossible de prédire l’avenir, de voir le futur. On ne peut que spéculer, prévoir… Ce sont donc mes propres projections qui me servaient de perspective. Je n’ai jamais vu le futur, et je n’ai pas acquis cette capacité après mon burn out.
Mais j’avais appris à avancer comme ça, dans la vie : à projeter les jours, les semaines voire les années à venir, et suivre le cap que je m’étais fixée.
Sauf qu’au moindre épisode orageux sur mes projets, je perdais souvent les moyens de continuer dans la même direction.
Je me retrouvais souvent exactement comme sur ma planche de snowboard : crispée, incapable d’avancer, en redoutant la chute.
La boussole de mes valeurs me guide(ra)
Ça doit faire 4 ans que je marine ce conseil, que je le ressors, intérieurement. C’est tellement évident, et pourtant, si difficile à mettre en oeuvre.
C’est quoi, le « feeling » que je suis censée écouter, suivre ? Parce qu’entre Maître Yoda et ma Mean Girl intérieure, on va dire que mes sensations sont assez contradictoires.
Mais je crois que ça y est. Après 48 jours d’introspection, j’ai enfin réussi à débloquer la mise en pratique de ce conseil.
Pour commencer, il a fallu libérer mes émotions, les positives comme les négatives : toutes mes émotions, que j’arrête enfin de combattre et de refouler.
Ensuite, pour pouvoir me guider au feeling, dans la vie, il me manquait un instrument indispensable : une boussole. De quoi retrouver mon cap chaque fois que les circonstances me font virer de bord.
C’est chose faite depuis hier, avec la boussole de mes valeurs.
Même dans le brouillard du quotidien et les tempêtes passagères, je saurai désormais garder le cap. Et si je doute, j’interrogerai mes tripes : ce sont elles qui pilotent.
J’avance au feeling, désormais. C’est la seule façon de ne plus me trahir.
— Julien, si tu me lis: encore merci !
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