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Valentine // Source : Canva
Déclic

Valentine, 27 ans : « Notre sexualité dépendait uniquement de son désir »

Dans Déclic, le nouveau format de Madmoizelle, des personnes nous racontent leur prise de conscience féministe et ce que cela a changé pour elles. Aujourd’hui, Valentine raconte comment, malgré une prise de conscience qu’elle estime tardive, le féminisme imprègne aujourd’hui toutes les sphères de son quotidien, jusque dans son travail…
  • Prénom : Valentine
  • Âge : 27 ans
  • Occupation : Journaliste et podcasteuse
  • Lieu de vie : Région parisienne

Comment décririez-vous votre rapport au féminisme ?

Je qualifierai mon rapport au féminisme de « très présent » : il est partout dans ma vie.

À quand remonte votre déclic féministe ?

Jusqu’à mes 19 ans, je n’étais pas du tout féministe. J’avais cette croyance (débile) qu’on n’avait pas besoin de se battre, qu’on était l’égale de l’homme. Tout ce que j’ai pu vivre au lycée, ce sexisme ambulant, les insultes, et même deux harcèlements (par deux garçons différents) ne m’ont pas mis la puce à l’oreille. Parce qu’à l’époque, on nous disait que les hommes étaient comme ça, qu’on les excusait, et qu’il fallait prendre sur soi. 

C’est lorsque j’ai vécu ma première relation, et surtout lorsque celle-ci s’est terminée, que j’ai eu le déclic. C’était une relation toxique. Nous étions à distance, lui dans ma région natale, et moi à Paris pour mes études. Il m’interdisait de sortir en boite de nuit, je n’avais pas le droit d’avoir des amis garçons, il me faisait vivre un enfer lorsque je sortais le soir (même pour voir mes sœurs…). Je devais tout sacrifier pour lui.

Sans parler de notre sexualité, qui était orientée en fonction de son désir, de ses envies. J’étais son objet, son trophée. Il a raconté à tout le monde notre première fois, dans les détails. Imaginez le traumatisme pour moi, la honte… 

J’étais malheureuse, mais « par amour », j’acceptais tout. J’ai compris par la suite que c’était un schéma que je reproduisais, parce qu’on nous apprend à nous sacrifier pour l’homme, à l’excuser.

C’est aussi la rencontre avec une fille de ma fac, peu de temps après ma rupture, qui a changé énormément de choses. Elle était très féministe, et m’en a beaucoup parlé. Et c’est là que je me suis rendu compte de tout ce qu’on subissait, nous les femmes, sans rien dire. Parce qu’on nous avait appris que c’était normal. 

J’ai commencé à m’intéresser au sujet sérieusement, à travers des articles (donc ceux publiés sur Madmoizelle) puis à en discuter autour de moi. J’étais à la faculté de Paris 8 qui déjà à l’époque était très engagée sur les questions d’égalité femme-homme, bien avant #MeToo

Comment le féminisme infuse-t-il votre vie aujourd’hui ?

Ma vision du féminisme dicte ma manière de travailler. Par exemple, j’écris beaucoup pour la rubrique santé. Donc j’essaye de proposer des sujets qui préoccupent les femmes et qui sont encore tabous, comme le vaginisme, les violences conjugales chez les ados, les interruptions involontaires de grossesse (qu’on appelle fausse-couche), etc. Le féminisme est vraiment un moteur dans ma recherche de sujets.

Depuis quelques mois, je travaille aussi sur des thématiques histoire et sciences, j’essaie donc de mettre en avant « les oubliées de l’histoire ». Que ce soient des scientifiques, des informaticiennes ou des historiennes. J’ai aussi un podcast, En Marge, qui donne la parole à celles et ceux qui ne l’ont pas. J’échange avec des femmes à qui l’on tend rarement le micro (des travailleuses du sexe, des femmes addicts aux drogues) et qui, pourtant, font partie du combat féministe.

Ensuite, le féminisme est dans ma vie quotidienne. Dans mon couple, évidemment, qu’il s’agisse d’argent (les interventions de Titou Lecoq m’ont aidée à comprendre beaucoup de choses dans ce domaine), mais aussi dans notre sexualité, dans notre place d’homme et de femme dans une relation hétéro (casser les clichés, non la femme ne doit pas toujours gérer la charge émotionnelle du couple, oui l’homme peut aussi aller voir un psy quand ça va pas). 

Depuis que mes sœurs sont mères, je me rends compte qu’il y a beauuuuucoup de travail à faire aussi vis-à-vis de la maternité, la charge mentale qui est loin d’être une affaire réglée dans 99% des couples hétéro, sans parler du congé paternité qui dure moins d’un mois (un mois pour apprendre à connaître son enfant, c’est tout ???). 

Et enfin, évidemment, dans mes choix politiques. Lorsque je vote, lorsque je m’exprime sur la place publique…

Avez-vous laissé de côté certaines habitudes, défait certaines croyances, ou posé de nouvelles limites ?

Déjà, mon rapport aux hommes s’est transformé. Aujourd’hui, c’est très important que l’égalité femme-homme soit respectée avant toute chose. Dans mes amitiés comme dans mon couple : répartition des tâches ménagères, gestion de l’argent, indépendance financière, respect de l’autre. Je ne laisse rien passer.

Plus personne – et encore moins un homme – ne dicte quoi que ce soit dans ma vie. Je viens d’une famille à l’ancienne, où mon père dictait ma vie et celle de mes sœurs (voire de ma mère, en tout cas avant). Ensuite, je suis tombée dans une relation où mon partenaire me disait que faire. Après ça, je me suis dit plus jamais. J’ai besoin de sentir que je suis aux manettes de ma vie, d’être indépendante et ça mon entourage le sait et le respecte. 

En 2019, j’avais 23 ans, j’avais un projet d’aller un mois en Asie du Sud-Est avec mon copain, et mon père a tout fait pour m’en dissuader, à coups de négociations et de disputes. Je venais de finir mes études. Ce n’était, pour lui, pas raisonnable de partir en voyages alors qu’il fallait trouver du travail. Non seulement, j’y suis quand même allée, mais j’ai trouvé un CDI à mon retour. À partir de ce moment-là, il a compris que son avis de père ne comptait plus autant qu’avant.

Comment vos proches ont-ils accueilli ce déclic ?

Il faut savoir que je suis la petite dernière, nous sommes trois sœurs. Dans ma famille, au début, je n’étais pas prise au sérieux. Il y avait encore ce discours de « pas tous les hommes ». J’ai aussi mis du temps à leur expliquer ce que j’avais vécu dans ma première relation, et pourquoi le féminisme s’est retrouvé sur mon chemin. 

Et puis il y a eu #MeToo. Ça a changé tellement de choses. Avant, les hommes de mon entourage (et certaines femmes) se permettaient de dire « mais elle était habillée comment ? » lorsque l’on parlait de harcèlement de rue ou d’agressions sexuelles.

Aujourd’hui, même si certains le pensent, ils n’osent plus le dire. Tant mieux !

Dans ma famille, j’ai vu un vrai avant/après. Ma mère a eu une prise de conscience, et elle se rebelle maintenant contre mon père, pour se faire davantage respecter, pour qu’il s’occupe des tâches, au même titre qu’elle. Je suis vraiment fière d’elle, c’est un exemple pour moi. Mes sœurs, c’est pareil, à des degrés différents. Ma sœur la plus proche en âge est aussi engagée que moi, elle a deux filles, et son féminisme est très présent dans l’éducation qu’elle leur donne. Ma sœur ainée, c’est plus mitigé. Elle est engagée sur certains sujets, mais a aussi des avis très différents des nôtres sur d’autres questions.

Globalement, je dirais donc que mon entourage est sensibilisé, mais il ne faut pas oublier que je suis certainement dans un microcosme de journalistes citadins… Ce n’est pas représentatif des gens de mon âge, et encore moins de la population générale !

Votre féminisme est-il parfois source de frictions autour de vous ?

Oui, ça peut aller de débats enflammés entre amis à certaines disputes dans mon couple. Parfois, mon copain me reproche de lier les problèmes de la terre au rapport homme-femmes. Ou de dire que tout est tout le temps de la faute des hommes…

À mes yeux, beaucoup de choses sont liées à ça, c’est vrai.

Le changement climatique et le capitalisme font partie intégrante du patriarcat. C’est un système qui « tient » grâce à toutes les inégalités qu’il crée.

Valentine

Alors oui, ne mettons pas tout dans le même sac. Mais rien ne sert de garder des œillères non plus.

Et puis, un jour, j’ai entendu mon copain dire au téléphone que l’une de mes qualités, c’était que j’étais engagée et que j’avais des convictions. Donc, il a beau en avoir marre parfois, ce n’est pas quelque chose qu’il aimerait voir disparaître chez moi !

Avez-vous l’impression d’être arrivée au bout de votre éveil féministe ?

Non, je continue mon éducation ! Tout simplement car je lis la presse engagée sur les réseaux sociaux, donc je m’informe tous les jours. Grâce à mon métier, j’ai l’opportunité de rencontrer et discuter avec des militantes, de faire des recherches, d’en apprendre davantage. 

La boîte à outils féministe de Valentine
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