L’histoire commence par un beau jour d’été, une piscine, et surtout des règles. Ma mère donne alors ce qui semble être le Saint-Graal à la gamine de 15 ans que j’étais, frustrée de ne pas pouvoir aller me baigner : un tampon !
Je cours aux toilettes, j’essaie de le mettre, et là, c’est un échec. J’essaie avec un autre : ça ne passe toujours pas, ça fait mal, très mal. J’abandonne.
Je retente ma chance le lendemain matin, mais la douleur est toujours là, rien ne rentre. Je laisse tomber et je me résigne à ne pas me baigner durant quelques jours, tant pis.
La découverte du vaginisme
Puis je tape pour la première fois sur Internet une recherche, pour trouver un semblant de réponse, savoir pourquoi ça semble si simple chez les autres et pas chez moi, d’enfiler un pauvre tampon.
Et un mot récurrent revient : « vaginisme ». Le vaginisme, c’est tout simplement la contraction involontaire des muscles à l’entrée du vagin. À cause de ça, rien (ou presque) ne peut passer.
Et là, la peur arrive. Celle déjà de ne lire que des avis négatifs, de personnes qui doivent survivre avec ça… et encore mieux, la seule solution serait ce que l’on appelle un kit de dilatateurs. Ça a l’air glacial, ça fait peur, bref, tout pour décourager n’importe qui.
Un an plus tard, je retente le coup du tampon, qui passe enfin ! Mais non sans mal, car je suis à deux doigts de m’évanouir, et en plus il est très mal mis. Mais bon, je suis contente, je me dis que je ne peux pas avoir de vaginisme — comme si c’était aussi simple.
Le vaginisme peut en effet permettre de passer malgré tout un doigt, un tampon… Mais ça s’arrête souvent là.
Plus tard arrivent les premiers moments de tests solitaires de sexualité. La masturbation se passe bien, avec du plaisir, jusqu’au fatidique jour où j’essaie d’introduire un doigt. Qui ne passe pas.
Le vaginisme peut permettre de passer malgré tout un doigt, un tampon… Mais ça s’arrête souvent là.
Alors je cherche une excuse dans l’optique de « non j’ai pas de vaginisme, tout va bien ». Je me dis qu’il me faudrait peut-être un objet, quelque chose qui ne soit pas moi en quelque sorte.
J’achète un godemichet, ça ne passe pas. Alors je me dis que ça passera sûrement le jour où je le ferai avec quelqu’un d’autre, car c’est peut-être le fait de contrôler l’action qui me rebute !
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Vient le jour fatidique où je décide de faire quelques galipettes avec quelqu’un et… l’échec est total. Malgré toute mon envie, la pénétration est impossible tant j’ai mal.
Je me rends à l’évidence : j’ai bel et bien un vaginisme et tout un monde s’écroule sous mes yeux.
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Le vaginisme, quand notre corps nous refuse un acte désiré
Le plus dur à ce moment, c’est de savoir qu’on a envie de la pénétration — même si on sait que ce n’est pas LE truc qui fait tout l’acte, qu’il y a des tas d’autres manières de faire l’amour.
Mais ça, ne pas pouvoir le faire, c’est voir son corps qui ne nous obéit pas, c’est avoir l’impression de ne pas avoir de contrôle sur soi-même, sur quelque chose qui semble normal. Car j’ai rarement entendu que ça peut ne pas passer, que ça peut bloquer et être douloureux comme pas permis…
On nous montre généralement la pénétration comme un acquis, alors qu’en fait ce n’est pas le cas. Et on commence à complexer, à se sentir différente, et à ne pas savoir quoi faire.
Par ailleurs, « la contraction peut survenir avec tous les partenaires, ou certains seulement ; elle peut même concerner l’insertion d’un tampon ou d’un doigt ».
Les causes du vaginisme primaire peuvent être multiples. Il est assez rare que ça soit pour une raison organique, comme une malformation. En effet, la source en est généralement psychologique :
« Lorsque le vaginisme est primaire, on retrouve souvent une éducation stricte, religieuse, culpabilisant la sexualité ; parfois ce sont les parents qui refusent le partenaire, ce qui perturbe la jeune fille et sa sexualité. Le partenaire est parfois maladroit ou inexpérimenté, ne sachant pas comment procéder. »
Le corps refuse alors la pénétration :
« Le vaginisme est un mécanisme de défense contre l’intrusion du pénis. Le plus souvent, il est lié à la peur de la douleur ou de la pénétration du pénis, vécue comme agressive ; il s’agit parfois d’une véritable phobie. Il peut être provoqué par une méconnaissance de son sexe, ou une crainte de la grossesse ou de son identité de femme. »
À 19 ans, j’ai donc décidé de prendre un rendez-vous avec un gynéco, pour voir si on pouvait faire quelque chose.
Mais entre-temps, je devais faire des tests sanguins. Je suis allée dans un planning familial, où j’ai discuté avec une gynéco. On est inévitablement tombées sur ce sujet. Et là, devant moi, il y avait quelqu’un qui savait que ça existait, et surtout, qui m’apprenait qu’on pouvait changer la donne.
La première chose était de prendre rendez-vous avec un gynécologue-sexologue. Parce que dans le vaginisme, il y a une part physique, mais aussi psychologique.
Un gynéco n’est pas formé pour ça, et beaucoup de femmes sont désemparées parce que le praticien n’a aucune solution pour elles — cela peut être une pure catastrophe qui renforce le sentiment de mal être.
Ça tombait bien, il y avait un gynécologue-sexologue au planning. Le rendez-vous pris, j’ai beaucoup appréhendé, mais j’avais enfin l’impression que ça allait changer. Et effectivement, ça allait changer.
Soigner le vaginisme
Par chance, je suis tombée sur quelqu’un de spécialisé dans ce genre de soucis. Il était à l’écoute, compréhensif… et surtout, il n’utilisait pas de dilatateurs — ces instruments me faisaient horriblement peur.
On a démarré par de simples exercices, comme regarder dans un miroir l’ensemble des organes génitaux, nommer le tout, dissocier chaque partie, regarder comment ça bougeait si je touchais…
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Dit comme ça, ça doit paraître anodin, voire inutile. Alors que c’est essentiel, parce que
peu de femmes connaissent vraiment ce qu’il se passe en bas, et que j’avais besoin de ces éclairages.
Il m’a guidée dans la découverte de mon corps, pour comprendre comment j’étais faite et comment cela fonctionnait.
Il m’a guidée dans la découverte de mon corps, pour comprendre comment j’étais faite et comment cela fonctionnait.
Après ça, on est passés à l’étape des doigts. Il fallait d’abord que je passe un doigt à l’entrée de mon vagin, que je sente comment ça se passait à l’intérieur, et me rende compte que c’était grand, élastique.
Cette étape permettait d’assimiler le fait que tout venait juste de l’entrée, des muscles, mais que le reste était détendu.
On a continué à progresser, et avec ses exercices j’ai réussi à mettre plusieurs doigts. Je me sentais bien parce que j’avançais, parce que ça ne bloquait plus comme avant, parce qu’on voyait une issue à ce problème.
Dès que l’avancée a été suffisante, le gynéco-sexologue m’a envoyée voir une kiné spécialisée dans tout ça. On ne va pas se mentir, au début c’était intimidant, j’avais un peu peur.
Justement, la première séance servait à installer une base de confiance : on a commencé les exercices sur un ballon, et la kiné m’a expliqué en quoi les séances consisteraient. Il s’agissait d’apprendre à différencier les différents muscles entourant le vagin, et apprendre à les détendre.
Certains jours, les exercices se faisaient sur des ballons, des galettes… Et d’autres, elle glissait un doigt pour me faire sentir les différentes parties et m’aider à les gérer pour bien détendre tout ça.
« Le vaginisme est une contraction réflexe ; le traitement consiste à modifier ce réflexe et il passe d’abord par une meilleure connaissance de l’anatomie féminine, puisque les patientes n’ont souvent pas conscience de leur vagin, ni de sa capacité à accueillir le pénis.
Expliquer le mécanisme de la contraction réflexe aidera à mieux comprendre son trouble, à ressentir ce phénomène, puis à le modifier. »
Il y a plusieurs types de traitements, selon les causes du vaginisme, comme « l’apprentissage de l’anatomie, une thérapie comportementale, psychologique et/ou sexuelle, et parfois une thérapie de couple ».
Le vaginisme dans le couple peut en effet, s’il n’y trouve pas forcément ses sources, être très délicat à gérer.
Le vaginisme et le couple
Quand j’ai commencé ma vie sexuelle, je suis tombée sur un gars compréhensif, qui n’a jamais insisté pour faire de la pénétration et pour qui ça n’a jamais été une source de problèmes : on faisait d’autres choses, c’est tout.
Mais je suis aussi tombée sur un gars qui m’a jetée dehors à cause de cette pénétration impossible.
Il m’a dit qu’il me recontacterait quand le problème serait réglé, parce que là il ne pourrait pas prendre son pied et c’était nul — sachant qu’il n’a rien tenté, et que ce n’était pas comme si j’avais pris mon pied aussi…
C’était franchement difficile d’être carrément mise à la porte et d’entendre qu’il reviendrait vers moi mais seulement quand ça serait plus open… Ça rappelait le fait que d’une part je ne savais pas du tout contrôler mon corps, et d’autre part que la pénétration est vue comme le Saint-Graal de la fesse.
Pour les plans cul comme pour les copains/copines, c’est ainsi clairement quitte ou double, et ça peut être sacrément destructeur de se trouver face à une personne qui ne comprend pas/n’accepte pas le vaginisme.
Et puis cela peut compliquer son traitement et compromettre sa guérison !
Par chance, mon premier copain, avec qui je suis actuellement, est lui très compréhensif, et très patient. Quand on fait de la pénétration, il comprend que ça fasse mal, que je grimace… tout en voulant continuer.
Je suis bien consciente que tout le monde n’a pas la même chance, et qu’on peut tomber sur des gens culpabilisants à souhait, qui nous considèrent comme « anormale ».
Dans ma famille, personne n’est au courant. Ma mère sait que je vais voir un kiné pour des soucis sexuels, mais sans plus. Et au niveau des amis, seulement certains sont au courant.
Je n’en parle pas beaucoup, parce qu’il y a un aspect un peu honteux (alors qu’il n’y a pas de honte à avoir), et pas mal de gens ne comprennent pas, deviennent hyper blessants dans leurs propos…
Pourtant, le vaginisme touche beaucoup de personnes ; pour le fun fact, j’avais un ami qui était très compréhensif quand je lui ai expliqué, et quelques mois plus tard, le hasard a fait qu’il s’est mis en couple avec un garçon qui faisait… du vaginisme de l’anus !
Il bloquait sur la pénétration anale, et du coup il me racontait que comme moi, il prenait son temps, il y allait palier par paliers… Comme quoi le vaginisme touche plus de personnes qu’on ne le pense !
Il n’y a ainsi rien d’« anormal » dans le vaginisme, tout comme il n’y a pas non plus de fatalité.
Le vaginisme n’est pas une fatalité
À l’heure actuelle, sept mois après ma première consultation, mon vaginisme est presque guéri !
J’arrive à pratiquer la pénétration, bien que la douleur soit parfois présente au début. Mes séances avec la kiné sont terminées : il ne me reste qu’à continuer à faire des exercices.
En effet, les médecins m’ont mise en garde quant au fait que pour guérir du vaginisme, il faut faire comprendre au corps que tout va bien, que non je n’aurai pas mal avec la pénétration, que c’est une chose normale, en répétant chaque jour les mêmes gestes.
Or mon année scolaire est très remplie, trop pour pouvoir être pleinement détendue et penser à faire mes exercices correctement chaque jour… Mais hormis cela, je peux dire que je suis guérie, parce que maintenant j’ai enfin un contrôle sur mon corps, et je me sens bien, je me sens mieux.
Je témoigne donc aujourd’hui pour montrer que le vaginisme n’est pas une fatalité, et qu’il ne devrait pas être vu comme tel. À l’heure actuelle, c’est compliqué, car on en parle jamais, il n’y a personne pour nous dire « Oui, ça arrive que ça ne passe pas », et on n’ose pas en parler, à des amis, à sa famille…
C’est également handicapant pour plein de choses qui peuvent paraître anodines. Quand on voit que la cup c’est génial, mais qu’on sait pertinemment que ce n’est pas pour nous (il y a bien sûr les serviettes lavables, mais on en parle encore peu).
Quand on demande une serviette hygiénique, pas parce qu’on aime pas les tampons comme les gens le pensent, mais juste parce qu’on est incapable d’en mettre.
Quand on doit passer des examens pour une suspicion d’endométriose, et qu’il faut faire une échographie externe et interne… et que le médecin fait culpabiliser de ne pas pouvoir faire l’interne, et rappelle ainsi qu’il n’est pas « normal » de ne pas pouvoir faire une chose aussi « bête ».
C’est pourquoi il est important d’en parler, pour montrer qu’il n’y a rien d’anormal, et que cela peut s’arranger !
Pour aller plus loin :
- L’association Les Clés de Vénus informe et soutient les femmes dans les troubles et maladies de la sexualité, et propose une liste de professionnels qualifiés.
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