« Je ne suis pas prête à revivre quatre jours de douleurs par mois, en restant couchée », lâche Cécilia, 33 ans. Diagnostiquée comme touchée par l’endométriose il y a cinq ans, la jeune femme n’avait plus trop de douleurs depuis une opération en 2017. Mais après avoir été vaccinée contre le Covid-19, en juillet 2021, elle a constaté des changements importants en rapport avec sa maladie.
L’endométriose affecte, d’après les estimations, une personne menstruée sur dix. En plus de causer des douleurs aiguës durant les cycles menstruels, la maladie, selon son avancée, peut être très handicapante au quotidien.
« Depuis que j’ai été opérée, j’ai mal quatre à cinq heures avant mes règles », indique Cécilia. Des symptômes « supportables » qui lui permettaient de vivre une vie quasi normale. Mais depuis le vaccin, les douleurs se sont intensifiées, comme un « réveil » de la maladie. La jeune femme indique :
« J’ai saigné pendant ma semaine d’ovulation, ce qui ne m’était pas arrivé depuis des années. »
Endométriose et vaccin : les témoignages se multiplient
Comme elle, de nombreuses personnes témoignent de ces recrudescences de douleurs, spécifiquement liées à leur endométriose, après avoir été vaccinées.
« Ce que je peux observer au niveau de nos réseaux sociaux, c’est qu’il y a beaucoup de témoignages de reprises de douleurs et symptômes qui étaient endormis », souligne Nathalie Clary, présidente de l’association ENDOmind, spécialisée dans l’action, la prise en charge des patientes et le développement de la recherche sur l’endométriose. Difficile pour elle de savoir que répondre à ces femmes inquiètes :
« Ça mérite que l’on se penche sur la question, mais il faut l’avis de médecins éclairés. »
À ce jour, aucune étude scientifique ne peut valider ou invalider l’hypothèse que le vaccin a un impact sur les cycles menstruels, ni le fait qu’il a des effets spécifiques chez les personne atteintes d’endométriose.
Pourtant, Cécile, 30 ans, a vécu la pire crise d’endométriose de sa vie après avoir reçu le vaccin Pfizer.
Diagnostiquée en 2017, elle vit tous les mois avec des douleurs aiguës liées à sa maladie. Quelques heures seulement après avoir fait le vaccin, en août 2021, elle a eu l’impression « qu’on lui arrachait l’ovaire ». Trois semaines après, dans le cadre du suivi de son endométriose, elle consulte pour une échographie endovaginale ; la sage-femme lui annonce qu’elle a probablement fait une torsion ovarienne.
Pour Cécile, aucun doute : cela s’est passé durant sa crise post-vaccin, crise qui est apparue hors du moment de ses règles.
Marina, 45 ans, a elle aussi vécu des effets secondaires importants liés à son endométriose après avoir fait le vaccin. Elle a prévenu la plateforme de signalement d’effets indésirables du ministère de la Santé, écrivant :
« Je vous joins le compte rendu de l’IRM qui montre l’étendue des lésions et une image de kyste atypique situé sur l’ovaire gauche de cinq centimètres. L’échographie de contrôle réalisée 15 jours après montrait une très nette diminution de ce kyste et les marqueurs tumoraux étaient normaux. »
« Les aggravations d’endométriose ne sont pas, à ce jour, un effet indésirable rapporté après vaccination contre la Covid-19 », lui a-t-on répondu. Son signalement a été transmis à l’Agence Nationale de sécurité du médicament qui publie tous les quinze jours des rapports pharmacovigilance sur les effets secondaires des vaccins.
Vaccin, cycle menstruel et endométriose : les alertes se multiplient
En février 2021, Kate Clancy, professeure en anthropologie à l’université de l’Illinois, a partagé sur Twitter un formulaire pour recueillir des témoignages sur des changements dans les cycles de règles après la vaccination contre le Covid-19. Elle a reçu plus de 19.000 réponses en une semaine.
En août, plusieurs comptes Instagram militants français (@mecreantes, @lamenstruelle…) ont mis en avant des effets du vaccin sur les cycles menstruels.
L’Agence nationale de la sécurité du médicament, dans son point de situation sur la surveillance des vaccins contre le Covid-19 publié le 06 août dernier, a également indiqué avoir reçu des alertes pharmacovigilance sur des troubles menstruels.
Pour le vaccin Pfizer, 261 cas de troubles menstruels ont été relevés dont 30 graves avec une amélioration dans les jours suivants. Pour le Moderna, 49 troubles menstruels ont été déclarés, dont 6 graves, avec une amélioration les jours suivants également. Dans les deux cas, l’ANSM déclare :
« Nous ne pouvons pas à ce jour établir de lien entre la vaccination et les troubles menstruels, les causes de ces troubles pouvant être multiples. »
D’autres États ont pourtant publié des alertes concernant de possibles effets sur les règles, à l’instar des États-Unis ou du Royaume-Uni.
Le National Institute of Health (NIH), l’agence nationale de recherche sur la santé aux États-Unis, a annoncé en août 2021 la création de cinq bourses dédiées à des études sur des liens potentiels entre les vaccins contre le Covid-19 et la perturbation des cycles. D’un montant de 1,67 millions de dollars, les bourses ont été attribuées à des équipes de l’université de Boston, de l’école de médecine de Harvard, de l’université John Hopkins, de l’université d’État du Michigan et de l’université de santé et de sciences de l’Oregon.
Toutes les études seront dirigées par des femmes, et « Une de ces études sera dédiée à l’endométriose », précise Candace Tingen, chercheuse et directrice de la santé et des maladies gynécologiques à l’Institut national de la santé (NIH).
« L’étude tentera d’évaluer s’il y a des différences d’effets secondaires après le vaccin entre les personnes atteintes d’endométriose et les personnes qui n’en ont pas. »
Pour l’instant, la scientifique reste prudente : « On ne sait pas encore s’il y a une corrélation entre les vaccins contre le Covid-19 et l’endométriose », déclare-t-elle. Et d’ajouter :
« Tout ce que je peux dire, c’est que biologiquement c’est possible.
S’il s’agit d’une réponse hormonale au vaccin, celui-ci peut affecter l’endomètre de la même manière que l’endométriose le fait. Cela peut aussi être lié au système immunitaire, aux protéines ou cellules immunitaires, vu que l’endométriose est une maladie inflammatoire, il est possible que le système immunitaire réponde au vaccin. Ces deux aspects peuvent affecter l’endomètre et donc l’endométriose ».
Logique, donc, que les femmes atteintes d’endométrioses ressentent des effets après leur vaccin ? C’est en tout cas ce qu’a répondu à Victoire* son ostéopathe, spécialisée dans l’endométriose : « Elle m’a dit que le vaccin déclenche une tornade immunitaire, donc c’est normal qu’avec un terrain inflammatoire le corps réponde ».
La jeune femme a elle aussi vu certains de ses symptômes se réveiller après un an d’apaisement.
Les essais cliniques médicaux ignorent-ils les femmes ?
Dans son livre Unwell women, Elinor Cleghorn recontextualise les biais de genre qui existent en médecine :
« Historiquement, la médecine a pathologisé ce que signifie être une femme et ce que c’est que de vivre dans un corps de femme, à tel point que ne pas “aller bien” a été normalisé dans la société et la culture. »
L’autrice y explique, à travers les siècles, comment la médecine a exclu les femmes de certains essais cliniques ou n’a pas toujours reconnu leurs maladies, comme par exemple l’endométriose.
Se pourrait-il que ce soit le cas pour les essais cliniques des différents vaccins contre le Covid-19 ? C’est une hypothèse avancée par celles qui ont soulevé des effets indésirables sur les règles, ou même sur l’endométriose.
« Il y a quand même moins d’études sur les questions de santé des femmes », estime Nathalie Clary, citant le dernier rapport du Haut Conseil à l’égalité (HCE). L’organisme a formulé plus de 40 recommandations avec quatre objectifs : « mieux soigner, mieux rechercher, mieux prendre en compte les conditions de vie et l’environnement et mieux former ».
Dans son mémoire de fin d’étude en ingénierie de la santé, Raphaëlle Davesne explique également qu’il « existe des différences entre les femmes et les hommes dans leur physiologie ; dans l’absorption des médicaments, leur élimination, leur sécurité et efficacité ; les effets indésirables liés aux traitements… »
Malgré ces études sur les biais de genre dans la santé, à aucun stade de la vaccination il n’a été demandé aux femmes interrogées par Madmoizelle si elles étaient atteintes d’endométriose. Celles qui ont demandé conseil auprès du personnel médical en amont du rendez-vous n’ont reçu aucune contre-indication concernant le vaccin.
« Les femmes métabolisent certains médicaments différemment, guérissent différemment », rappelle pourtant Candace Tingen. Pour elle, il est important de répondre aux questions que se posent les femmes « en utilisant la science », d’où l’attribution des cinq bourses pour cinq études précises.
« Un de nos buts est de montrer que le vaccin est sans danger. Pour l’instant, les données que nous avons, qui proviennent d’études sur d’autres vaccins, montrent que les effets secondaires liés aux règles ne durent pas car les cycles se régulent souvent tous seuls. Pour l’endométriose également, nous pensons que les effets secondaires ne dureront pas. »
« Je ne suis pas contre ce vaccin mais j’aurais aimé savoir à quoi m’attendre »
« Au début je n’avais même pas fait le rapprochement avec le vaccin », explique Cécilia. Ce lien, elle l’a fait à la lecture des premiers articles liés à la vaccination et la potentielle perturbation des cycles menstruels.
Selon Marina, il n’est pas question de remettre en cause le vaccin :
« Je ne suis pas contre ce vaccin, je l’ai fait pour de bonnes raisons, mais j’aurais aimé savoir à quoi m’attendre. »
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Avec tous les témoignages sur les effets secondaires du vaccin pour les femmes atteintes d’endométriose et le peu de réponses des autorités de santé, le doute a fini par s’installer chez certaines d’entre elles.
« Je suis atteinte d’endométriose et je fais partie des personnes qui hésitent grandement à se faire vacciner notamment à cause des répercussions éventuelles sur cette maladie », raconte Alexandra, qui ajoute :
« C’est un peu facile de répondre aux femmes qui signalent leur dérèglement que c’est dû au stress […] J’ai l’impression qu’encore une fois, on ne nous prend pas au sérieux.
Ça fait 15 ans que je vis avec l’endométriose et seulement quatre ans que les médecins ont reconnu que j’étais atteinte de cette maladie ! […] Beaucoup ne se rendent pas compte de l’enfer que c’est ».
Car c’est bien là qu’est logée la peur de celles qui, atteintes d’endométriose, hésitent à se faire vacciner : revivre l’enfer de la maladie, après avoir connu des années d’errance médicale et une prise en charge complexe.
À lire aussi : On a identifié le gène responsable de l’endométriose ! « Y a plus qu’à » trouver le remède, maintenant…
Crédit photo : Sora Shimazaki / Pexels
*Le prénom a été modifié
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Les Commentaires
Je veux dire, des syndromes grippaux, c'est connu que les vaccins peuvent en donner, donc la question est posée. Mais les vaccins, une façon générale, c'est pas forcément connu comme impact sur les règles, d'autant plus que c'est facile de ne pas faire le lien avec le vaccin ...
En général en faisait un essai clinique, il y a les potentiels effets secondaires qui sont spécifiquement demandés + ce que le patient a pu observer (donc il peut dire ce qu'il veut)
Si on doit anticiper des questions pour chaque potentiel syndrome encore non connu, c'est quand même compliqué ...
Il y a un tas de choses sur lequel le vaccin aurait pu avoir des modifications potentielles donc bon, on pas fini si on rentre des cases pour tout.
D'autant plus que visiblement, en ayant des millions de vaccins administrés, le lien n'est pas encore très clair, donc sur quelques milliers de patients en test, ça ne se serait sûrement même pas vu même si ça avait été demandé