Mon père est un passionné de navigation : il a son permis, passe la majorité de ses vacances en Bretagne et répète que s’il gagne au Loto, il s’achètera un voilier et fera le tour du monde. Malheureusement pour lui, je ne suis pas du même avis : passer dix jours dans quinze mètres carrés, exposée aux embruns, dans une coque de bois dont je ne comprends pas le fonctionnement, ce n’est pas trop mon truc. J’aime visiter des monuments, et avoir une certaine liberté, pouvoir m’arrêter quand je le souhaite.
Alors, comment nous réconcilier ? Comment passer des vacances ensemble pas trop déprimantes ?
La solution était toute trouvée : on a choisi le house boat, ou pénichette – ou « camping-car qui flotte », expression que j’utilise régulièrement pour faire comprendre à mes amis ce dont il s’agit.
Le house boat, qu’est-ce que c’est ?
Tout dépend du luxe de votre bateau, mais généralement il s’agit d’une embarcation longue de dix à quinze mètres, pouvant accueillir de deux à huit, voire dix personnes. Elle ne va pas très vite (quinze kilomètres/heure maximum, pour bien admirer le paysage) et le confort varie. Sur la plupart des house boats, il n’y a pas l’électricité, juste une prise allume-cigares (pour le portable), et une « vraie » prise que l’on peut relier à une borne sur la berge quand on en trouve (j’y reviendrai).
Le frigo et le four fonctionnent donc au gaz, ce qui n’empêche pas de cuisiner – au contraire ! L’un des grands intérêts de ce mode de séjour (et de transport relatif) est de pouvoir descendre du bateau le matin, faire un tour au marché du coin et cuisiner le midi ce que l’on a acheté. On peut ainsi déjeuner sur la terrasse du bateau, faire une petite sieste
et repartir si on le souhaite…
C’est pas la Floride, mais presque.
Côté sanitaires, cela se gâte légèrement. Disons que c’est le charme du house boat. À moins de mettre le prix fort, vous aurez une douche sans beaucoup de pression et des toilettes marines, mécaniques — il faut pomper pour faire venir l’eau dans la cuvette, et pomper encore pour faire descendre les déchets dans la fosse à eaux grises (que vous n’aurez pas à vider à la fin du séjour, je vous rassure).
Quant au pilotage, il est assez aisé, mais pour une première fois il est plus sage de venir avec une personne qui a déjà navigué, qui connaît la longueur des bateaux et sait faire quelques nœuds, ne serait-ce que pour ne pas vous retrouver dérivant au milieu du canal un matin. Il n’y a aucun risque d’avoir le mal de mer : le bateau bouge très peu, même la nuit.
Où peut-on naviguer ?
Partout ! Sur tous les canaux navigables de France, en Irlande, en Pologne et en Allemagne. Cela dépend bien sûr des agences de location mais la plupart proposent toutes ces destinations.
Personnellement, j’ai fait deux voyages en house boat. La première fois, c’était en août 2011 : je suis partie seule avec mon père sur le mythique canal du Midi, entre Lattes et Capestang (en gros, de Montpellier à Béziers). Je suis repartie avec lui et une amie en juillet 2013 sur le canal latéral à la Loire, pour faire un aller-retour à Plagny (dans la Nièvre, en Bourgogne).
En effet, il faut savoir que les agences proposent majoritairement des aller-retours, afin de ne pas aller chercher leurs bateaux. Vous avez cinq jours, ou une semaine, ou plus encore, pour faire ce que vous voulez ; le principal est de rendre le bateau, propre et rangé, le jour J. Un guide avec des étapes indicatives vous sera confié. Libre à vous de le suivre ou non, mais c’est plutôt sympa ! Essayez aussi de vous renseigner à l’avance. L’avantage de l’aller-retour, c’est qu’on peut se dire « Tiens, ça on le fera au retour », mais cela veut aussi dire que vous passez deux fois au même endroit…
Quant au choix de l’endroit, cela dépend de vos souhaits météorologiques : je vous déconseille la Bourgogne ou l’Alsace en avril… La pluie sur un bateau, c’est chiant ! Cela dépend aussi de votre capacité à supporter les gens. Le canal du Midi l’été, c’est une quasi-autoroute. Il faut faire la queue aux écluses, les éclusiers sont souvent fatigués et peu sympathiques, et les places sur les accotements aménagés ou dans les ports sont rares…
Mais les villages aux bords du canal sont vraiment agréables : il y a plein de marchés ensoleillés à visiter, des oliveraies ou encore des vignes dans lesquelles on peut faire la sieste en plein soleil. Et puis il y a la fameuse échelle à écluses de Fonserranes : sept écluses à la suite qu’il faut passer à la force des bras – parce qu’il faut traîner le bateau toute seule !
J’ai en effet conduit le bateau de nombreuses fois, et j’aime beaucoup ! Ce n’est pas trop difficile ; il faut juste rester attentive et ralentir aux abords des ponts. Le passage des écluses et l’amarrage sont un peu plus techniques, donc je laissais la barre (enfin, le volant) à mon père. Le « poste de commandement » est assez simple : il y a juste un volant (très sensible), une manette de vitesse qu’il faut pousser quand on veut accélérer, et c’est tout !
Le cas de Fonserranes est assez particulier : c’est donc un enchaînement d’écluses, sans personne pour t’aider, juste des dizaines de touristes qui nous regardent galérer en riant sous cape. Trois ou quatre bateaux font l’ascension en même temps, et se retrouvent donc ensemble dans les énormes bassins de l’écluse. Vu qu’il faut couper le moteur, les petits bateaux comme le nôtre (modèle Pénichette, l’un des plus petits) doivent être traînés d’une porte de l’écluse à l’autre. Alors bien sûr, ça flotte, mais à la fin des sept écluses tu as mal aux bras… J’ai traîné le bateau dans toutes les écluses sur le canal du Midi, en fait. Mais en Bourgogne, c’était les éclusiers qui s’en occupaient. Il faut juste avoir un peu de force.
Easy.
Le canal latéral à la Loire, c’est une toute autre ambiance. Les éclusiers sont ravis de voir passer les bateliers qui se sont de moins en moins nombreux (en cinq jours, nous avons croisé à peine une dizaine d’autres pénichettes et nous avons été surclassés). Les petites épiceries de village vivent principalement de ce tourisme et vous accueillent donc à bras ouverts, et vous trouverez toujours un coin de berge où amarrer et des places libres dans les endroits aménagés, avec une source d’eau pour remplir le réservoir et une borne où trouver du courant, comme sur les aires à camping-cars.
Mais il fait clairement moins beau et le paysage est peu pittoresque. J’attends de faire le Sud-Ouest (vers Carcassonne et Tarbes) et peut-être l’Alsace (en plein été). Alors, à vous de choisir ! Prenez aussi en compte le temps de transport pour vous rendre à la base de location… sauf si comme moi, vous adorez partir à cinq heures du matin sur l’A6 !
Ce qui est génial avec le house boat, c’est que l’on peut accoster là où on le souhaite, tant que le chemin est assez dégagé pour nous permettre de sauter et de planter les piquets d’amarrage (évidemment pas au milieu du chemin). Il faut juste faire attention aux orties, ainsi qu’aux racines qui percent la berge et qui peuvent endommager le bateau.
Heureusement beaucoup de berges sont aménagées avec des panneaux qui permettent d’accoster plus facilement. Il existe aussi des endroits totalement dégagés, avec des bornes pour l’électricité et l’eau, et enfin des commanderies (surtout dans le Sud) avec de « vrais » pontons et des services pour les plaisanciers (douches, sanitaires…). Mais personnellement, je préfère la vie sauvage !
Petits conseils pour celles (et ceux) qui se laisseraient bien tenter
Faites attention aux prix : prenez votre temps pour bien comparer toutes les offres. Tous les sites proposent à peu près les mêmes bateaux,mais pas toujours aux mêmes prix. Comptez tout de même 2 000€ à 2 500€ pour une semaine à quatre en haute saison, dans le Sud de la France, dans un bateau confortable .
Il faut aussi penser aux frais de nourriture (emportez le maximum de choses de chez vous), parfois à l’essence et à tous les petits extras (restaurants, visites…). La literie est presque toujours offerte, et vous pouvez aussi demander le ménage final avec un supplément et d’autres services (location de vélos, parasol…).
Étudiez bien le modèle du bateau afin de ne pas vous retrouver déçu-e-s à l’arrivée à la base. Si votre budget le permet, visez grand afin de ne pas avoir à faire le lit dans le carré chaque soir. Il est également toujours agréable d’avoir une terrasse sur le pont avant ou arrière et plusieurs douches – toilettes.
Certains modèles de luxe ont l’électricité et une télévision, mais je trouve que cela casse vraiment l’ambiance du bateau et de la vie de « bohème ». Prévoyez des distractions (livres ou jeux de société) parce que le temps de navigation peut paraître long, surtout quand on ne peut pas sortir bronzer et qu’aucun canard ne pointe le bout de son nez.
En conclusion…
Ce sont des vacances originales, qui font découvrir la France sous un autre œil, et qui offrent le plaisir de voyager lentement, à son rythme. On voit un endroit sympa et arboré pour passer la nuit, en pleine nature ? On sort les cordes, les piquets, le maillet, on saute à terre (ah oui, il faut être un minimum débrouillard-e) et on s’installe.
Si vous êtes capables de passer une semaine sans télévision ni sèche-cheveux, sans douche digne de ce nom ni valise énorme de vêtements, et que vous avez un marin, même peu expérimenté dans votre entourage, alors les vacances en house boat sont pour vous !
Bon vent !
Quelques sites de réservation :
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Les Commentaires
J'en garde quand même un souvenir magique
Et nous aussi on partait en vélo quand on trouvait ça lent