— Article initialement publié le 14 juillet 2016
« Urbex », c’est quoi ce mot barbare ? C’est la contraction d’« urban exploration » — élémentaire, mon cher Watson, comme dirait l’autre. L’urbex est une activité qui consiste à visiter des lieux urbains abandonnés.
Pourquoi ? Parce que c’est fascinant, souvent poétique, parfois beau, toujours intéressant. Ce qui explique que beaucoup d’urbexeur•ses prennent des photos et/ou des vidéos de leurs périples.
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En ce qui me concerne, ça faisait un moment que l’idée de faire de l’urbex me trottait dans la tête, et j’ai sauté le pas la semaine dernière. Du coup, autant en faire profiter les autres…
Pour choisir ma victime, j’ai regardé quelques photos et vidéos d’urbexeur•ses dont une m’a tapé dans l’œil. C’est sur la chaîne de ZeiURbex (qui est top) que j’ai trouvé le lieu idéal : le château du Chocolatier, à quelques kilomètres de Paris.
En urbex, il y a certaines règles tacites à observer (sinon tu es juste un•e squatteur•se) : ne rien prendre, ne rien laisser et ne rien casser, ou, dit de façon plus élégante par Jeff Chapman :
« Ne rien prendre à part des photos, ne rien laisser à part des traces de pas, ne rien tuer à part le temps. »
Respecter les lieux est primordial, déjà parce que tu n’es pas le/la seul•e à vouloir les visiter, et ensuite parce que si tout le monde foutait le bordel, il ne resterait vite plus grand-chose à voir.
À part ça, comme les lieux peuvent être plutôt dangereux, mieux vaut ne pas y aller seul•e. J’ai donc réquisitionné un pote et on est partis, cap vers le Sud de la région parisienne, pour ma première « explo » comme on dit en urbex.
L’urbex, c’est légal ?
L’urbex se trouve très souvent dans une zone grise au regard de la loi. En fonction des endroits que vous visitez, vous pouvez être dans des cas de violation de propriété privée, les urbexeur•ses s’y rendent donc à leurs risques et périls.
En ce qui concerne les périls en question, la violation de propriété privée est souvent considérée comme un critère aggravant lorsqu’il y a eu dégradation du lieu. Auquel cas, la peine encourue est de 2 ans de prison et 30 000€ d’amende, comme l’explique Legifrance.
Alors oui, en principe, en urbex, on ne dégrade pas… mais vous êtes prévenu•es.
D’ailleurs, la conviction que c’était illégal et MAL était si ancrée en moi que j’ai bien dû passer vingt minutes (oui oui, pour de vrai) devant la grille de mon lieu d’escapade avant de me décider à la franchir.
Et puis c’est haut, accessoirement…
Une fois mon rythme cardiaque revenu à la normale, je me suis rendu compte que la demeure devant laquelle je me trouvais était vraiment pas mal, et c’est rien de le dire : le lieu traîne derrière lui une sacrée histoire puisque le bâtiment date très vraisemblablement de la fin du XIXe siècle et appartenait à Mari-Philiberte Marquis, héritière d’une dynastie de chocolatiers plutôt célèbres à l’époque.
Il reste d’ailleurs quelques belles moulures extérieures, ainsi qu’un squelette d’escalier en colimaçon qui témoignent de l’époque de la construction :
À gauche l’escalier en colimaçon, à droite la descente au Purgatoire pour avoir franchi cette grille à la cave
Par la suite, le château fut tour à tour transformé en clinique privée, en couvent de Carmélites puis en collège d’enseignement technique pour jeunes mères célibataires jusqu’à sa fermeture, il y a 40 ans. Depuis, il est laissé à l’abandon, pour le plus grand plaisir des promeneur•ses et urbexeur•ses.
Par contre, j’ai bien fait de ne pas y aller toute seule, parce qu’en 40 ans, il a sacrément eu le temps de perdre de sa fraîcheur et il y a beaucoup de débris un peu partout, dont certains ont l’air coupants ou dangereux.
Mais l’exploration vaut largement le coup : au centre du château, un vrai jardin d’hiver naturel a poussé, grâce à la verrière (ou ce qu’il en reste) et sa belle lumière. Le résultat est vraiment sympa :
Vue depuis le premier étage… note le sac plastique quand même
À certains endroits, j’ai un peu l’impression d’être dans le château de la Belle au Bois Dormant, avec toute la végétation qui a gentiment grignoté le bâtiment et les murs. Et j’en profite à fond, avec le silence qui règne.
Parce qu’en urbex, vu que tu n’as pas vraiment le droit d’être là où tu te trouves, c’est mieux d’être très discret•e et de ne pas faire de bruit. Du coup, tu chuchotes et (surtout) tu regardes où tu mets les pieds. En effet, je n’ai pas pu accéder au deuxième étage, dont l’escalier s’est effondré, et il y a des trous un peu partout… prudence, donc.
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Malgré tout, on voit assez vite que le lieu est très accessible puisque l’intégralité des murs du sous-sol sont recouverts de tags, ce qui gâche un peu l’effet « maison hantée » que procurait l’obscurité, et comme on est loin du street art — où le support est respecté — c’est assez énervant…
Voilà ce que ça donne quand on pousse la luminosité à fond
Mais ce ne sont pas les seules dégradations que l’on peut observer : j’ai aussi retrouvé beaucoup de déchets, laissés à l’abandon par-ci par-là (remember le sac plastique). Heureusement, l’extérieur est superbe, avec son petit côté antique grâce à l’espèce d’arche, et les escaliers qui sont top et super bien mis en valeur par la nature.
Au bout d’une heure et beaucoup, beaucoup de photos plus tard, je suis repassée du côté lumineux de la Force en enjambant la grille dans l’autre sens (soupir de soulagement en prime, je ferais une piètre criminelle…).
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J’ai l’impression d’avoir pris un petit cours d’histoire, un coup d’adrénaline et une séance de méditation en même temps. C’était cool mais je ne sais pas si j’en referai, mon sens moral est peut-être trop psychorigide pour s’en accommoder.
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Les Commentaires
Je suis urbexeuse depuis 2012. J'en profite pour faire ma pub : http://www.ad-urbex.com/ , urbex surtout dans la région de Marseille, voilà comme ça c'est fait
Plus sérieusement, je n'ai jamais exploré seule. On peut faire de mauvaises rencontres, voire traverser des endroits dangereux (j'ai déjà failli passer à travers des planchers). Il y a des endroits tristes, je me suis parfois sentie très mal à l'aise, mais il y a aussi des endroits heureux, parfois rigolos, on y trouve des objets de l'ancien temps et on le remonte dans les visites. J'ai eu affaire aux flics deux fois mais ils ont été relativement cools (ils m'ont faite juste sortir). Mais j'ai entendu des histoires de propriétaires psychopathes.
L'urbex est une passion intéressante, on se sent seule au monde, dans un univers à part.
C'est le truc qui m'a faite intéresser à l'histoire ...