C’est marrant, de prendre un peu de recul et de se rendre compte à quel point les choses évoluent vite, parfois.
Quand j’étais ado, je dévorais GTO, un de mes mangas préférés, l’histoire d’Onizuka, un voyou devenu prof, salaud au grand cœur et loser formidable. J’étais FAN de ce mec. Pourtant, le tome 1 commence… comme ça.
Oui, c’est bien notre héros posé au pied d’un escalator, occupé à mater les culottes de lycéennes sous leurs jupes.
GÊNANT EN 2018.
J’ai grandi, la société aussi, et même si cet exemple est tiré d’une œuvre japonaise (donc culturellement très différente de la France), ça me fait rire de mesurer le chemin parcouru !
L’upskirting : « voir sous les jupes des filles »
Le terme anglais upskirting désigne le fait de prendre des photos ou des vidéos sous la jupe d’une femme, sans son consentement.
Et c’est moins mignon qu’une chanson d’Alain Souchon.
Quel est l’intérêt de prendre une vidéo moche d’une culotte en gros plan alors qu’il existe Google Images pour se branler, me demanderez-vous ? Aucun. À part la satisfaction malsaine d’avoir violé l’intimité d’une femme.
Maintenant que tout le monde a un smartphone dans la poche et que des appareils de plus en plus miniaturisés existent, la pratique est encore plus facile d’accès…
C’est pourquoi il est important qu’elle soit explicitement punie par la loi française.
L’upskirting était déjà dans la loi, mais…
Jusqu’à présent, certaines pratiques relevant de l’upskirting pouvaient être punies par les dispositions existantes.
En effet, il y avait bien des articles du Code pénal permettant de sanctionner la violation de l’intimité. Donc l’upskirting n’était déjà pas autorisé, même avant que ce nouveau texte ne soit voté — merci à Maître Eolas pour son éclairage sur ce point.
Il s’agit des articles 226-1 et 226-2-1 du Code pénal, dans la section « de l’atteinte à la vie privée » :
- Article 226-1 du Code pénal :
« Est puni d’un an d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende le fait, au moyen d’un procédé quelconque, volontairement de porter atteinte à l’intimité de la vie privée d’autrui :
1° En captant, enregistrant ou transmettant, sans le consentement de leur auteur, des paroles prononcées à titre privé ou confidentiel ;
2° En fixant, enregistrant ou transmettant, sans le consentement de celle-ci, l’image d’une personne se trouvant dans un lieu privé. »
Ce délit est puni de 2 ans d’emprisonnement et jusqu’à 60 000€ d’amende lorsqu’il porte sur « des paroles ou des images présentant un caractère sexuel prises dans un lieu public ou privé. »
Aux termes de ces articles existants, le fait d’utiliser une perche à selfie pour photographier sous la jupe d’une femme qui marche devant vous dans la rue, c’est effectivement déjà un délit, déjà puni par les dispositions existantes du Code pénal.
Cependant, de nombreuses situations ne sont pas couvertes par la législation déjà en vigueur.
Pour reprendre l’exemple de GTO, le fait d’être simplement posé sous des escaliers pour mater sous les jupes des meufs qui montent, ce n’est pas attaquable juridiquement.
Et c’est ça qui devrait changer.
L’upskirting plus précisément sanctionné dans la loi ?
C’est dans le cadre du projet de loi de lutte contre les violences sexistes et sexuelles, porté par Marlène Schiappa, que l’upskirting va être plus largement réprimé par le Code pénal français.
L’un des apports de ce texte réside dans l’article 4 bis A, qui ajoute un nouvel article à la suite du 226-3 du Code pénal :
« Art. 226-3-1. – Le fait d’user de tout moyen afin d’apercevoir les parties intimes d’une personne que celle-ci, du fait de son habillement ou de sa présence dans un lieu clos, a caché à la vue des tiers, lorsqu’il est commis à l’insu ou sans le consentement de la personne est puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 € d’amende. »
Les précisions du Cabinet de Marlène Schiappa
À première vue, on dirait que cette disposition affaiblit celle qui existait déjà, et punissait les mêmes faits de 2 ans d’emprisonnement et de 60 000 € d’amende !
Ce n’est pas le cas selon le Cabinet de Marlène Schiappa, que madmoiZelle a contacté pour obtenir des éclaircissements au sujet de cette nouvelle disposition.
Le nouvel article concerne « le fait d’user de tout moyen afin d’apercevoir les parties intimes d’une personne », et non uniquement la prise d’images sans consentement.
Les articles existants s’appliquaient essentielle en cas de revenge porn, à savoir la diffusion de photos ou vidéos à caractère sexuel enregistrées à l’insu de la victime.
Le Cabinet de Marlène Schiappa précise :
« Le nouveau délit peut s’appliquer à celui qui regarde sans enregistrer, par exemple en utilisant un miroir, ou en faisant un trou dans une cabine d’essayage. »
En résumé, l’upskirting ne fait pas son apparition dans la loi : les prises et diffusions d’images à caractère sexuel étaient déjà des délits, mais pas dans toutes les situations où ces phénomènes peuvent être commis.
Le nouveau texte élargit le champ de ce délit.
Dans son tweet, Marlène Schiappa indique un « consensus en CMP », une Commission Mixte Paritaire composée de membres de l’Assemblée et du Sénat, qui sont tombé·es d’accord sur le texte de loi.
Le processus législatif touche à sa fin, il est donc fort probable que de nouveaux faits relevant de l’upskirting puissent être poursuivis dans les tribunaux dans les mois à venir.
Est-ce que ces nouvelles dispositions aboutiront à une augmentation des plaintes, et à une augmentation des condamnations également ? Affaire à suivre.
Mais quoiqu’il en soit, la loi a un rôle important : elle envoie des messages sur ce qui est, ou n’est pas acceptable dans une société. Le corps des femmes leur appartient, et il est important que ça soit écrit noir sur blanc !
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