Unplanned est un film récemment sorti aux États-Unis qui engrange beaucoup d’argent au box-office.
C’est une fiction basée sur des faits réels, qui raconte l’histoire d’Abby Johnson, autrefois employée du Planning familial et aujourd’hui militante contre le droit à l’avortement aux États-Unis.
J’ai vu la bande-annonce, elle m’a mis la colère au bout des doigts, mais surtout, et plus que tout… elle m’a fait très peur.
Unplanned, un film anti-IVG qui avance masqué
Voici ladite bande-annonce :
Le film connaîtra normalement une sortie française. C’est pourquoi tu es directement concernée par son existence.
Il met en scène une jeune femme qui gravit les échelons du Planning familial américain. Au fur et à mesure, elle se rend compte que c’est une organisation maléfique, se sent coupable et décide de changer de camp, d’aller « chez les gentils ».
Comme tu as pu le voir, les images de la bande-annonce sont accompagnées d’une musique pop/empowering qui rappelle tous les codes des films américains.
Le traitement des plans, les punchlines, les ralentis, les épiphanies, le côté feel good et happy end, tout y est, on dirait du Hollywood « normal » !
C’est si proche de ce qu’on voit tous les jours dans les bandes-annonces qu’on pourrait s’y méprendre…
Ce long-métrage touche une corde sensible, celle du droit des femmes à avoir recours à l’IVG.
Unplanned, le film anti-IVG qui ment
Unplanned est fait de messages de désinformation, cachés derrière une fiction.
Non, le fœtus ne se débat pas lorsqu’on pratique l’IVG.
Non, le Planning familial ne pratique pas que des avortements (cela constitue seulement 4% de ses activités aux États-Unis).
Non, le Planning familial ne risquera pas ta vie durant l’IVG pour gagner plus d’argent…
Et pourtant, tout cela, le film le prétend.
L’IVG en France et aux États-Unis
Le film fait bien attention à ne pas dépeindre les femmes comme des criminelles, mais comme de simples pions embrigadés par le Planning familial, qui cherche à s’en mettre plein les poches.
Ça aussi, c’est de la désinformation.
En France, l’IVG peut être réalisée LÉGALEMENT et GRATUITEMENT jusqu’à la 12ème semaine de grossesse. Les centres de planification sont une organisation PUBLIQUE et le Planning familial est un mouvement créé en France en 1956 qui milite pour les droits à la contraception et à l’IVG depuis sa conception. Aucun des deux n’est une entreprise privée à but lucratif.
Aux États-Unis, Planned parenthood est l’équivalent du Planning familial. C’est une association financée principalement par des fonds publics et rattachée au Ministère de la Santé.
C’est l’association pro-choix la plus importante des Etats-Unis, et c’est elle que le film attaque.
Unplanned, un film de propagande qui marche
Ce film indépendant au budget réduit a déjà généré plus de 16 millions de dollars en sa troisième semaine d’exploitation, soit plus de deux fois son budget initial.
Je pense que c’est un film dangereux pour plusieurs raisons. Tout d’abord, voici la définition de propagande selon le Larousse :
« Action systématique exercée sur l’opinion pour lui faire accepter certaines idées ou doctrines, notamment dans le domaine politique ou social. »
Le film de propagande a souvent été utilisé dans le cadre des guerres pour persuader le pays de continuer à contribuer à l’effort financier, ou dans les dictatures pour renforcer le culte de la personnalité et embrigader la population.
Le tout est généralement financé et censuré par l’État.
Ici, ce n’est pas l’État qui finance, mais une autre institution puissante : l’Église évangélique protestante. De A à Z, à 100%, tous les six millions de dollars de budget de production pour Unplanned ont été apportés par l’Église.
Évidemment, il existe des chrétiens et chrétiennes pro-choix. Mais l’institution, en investissant dans ce genre de projet, affirme son statut anti-IVG.
Unplanned, le film qui prend l’exemple pour faire une généralité
Il n’est jamais dérangeant d’avoir des témoignages variés sur l’avortement.
En aucun cas je ne me permettrais d’invalider le ressenti d’Abby Johnson, car face à l’IVG, chaque femme peut avoir une réaction différente. Chaque situation est unique.
Abby Johnson, la femme derrière ce témoignage romancé.
Je peux imaginer que travailler au Planning familial puisse être difficile parfois, surtout si ça ne correspond pas totalement à sa foi ou son mode de vie personnel (Abby Johnson est croyante et a sept enfants).
Je peux comprendre que certaines femmes ne puissent pas s’imaginer avoir recours à l’avortement. Je peux entendre qu’interrompre une grossesse soit parfois douloureux.
Mais l’IVG reste UN DROIT.
Alors je préfère rappeler que l’avortement de confort N’EXISTE PAS, et que jamais personne n’est POUR l’avortement en soi, mais bien pour le droit de pouvoir disposer de son propre corps.
Je ne peux donc pas comprendre qu’on remette en cause un droit que j’ai, et ma manière de l’appliquer.
Je ne peux pas valider une production financée par l’Église et véhiculant un message de propagande.
Je ne peux pas laisser un film se cacher derrière « un simple témoignage », alors que c’est beaucoup plus que ça.
Je te laisse sur cette phrase de Simone Veil, celle qui a créé la loi Veil qui dépénalise l’IVG en France depuis 1975 :
« Je voudrais tout d’abord vous faire partager une conviction de femme […] aucune femme ne recourt de gaieté de cœur à l’avortement. Il suffit d’écouter les femmes. »
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