Certains réalisateurs ont un univers tellement singulier, tellement reconnaissable au premier regard qu’il semble facile d’y transposer sa vie et d’imaginer à quoi ressemblerait nos existences si on vivait dans un de leur films. Si je crois que personne ne se sentirait à l’aise avec l’idée de s’installer dans l’univers de Lars von Trier (ça va être tout noir) ou, disons, M. Night Shyamalan (ça va être tout glauque), d’autres ambiances semblent beaucoup plus agréables. Voici trois réalisateurs dans les films desquels j’aimerais bien me faire un cocon, à l’occasion.
Sofia Coppola et le regard timide et larvaire sauf qu’en bien
Ok, les films de Sofia Coppola ne sont pas toujours à ranger dans la liste des films à voir, à revoir et à conseiller à tout le monde : elle a, selon moi, une filmographie assez inégale. Si j’ai par exemple adoré Lost In Translation, Somewhere m’a, de son côté, fait rire nerveusement comme si je regardais une émission d’Anne Roumanoff (première sur le malaise).
Oui, mais voilà. Mettons Virgin Suicides de côté, et réfléchissons cinq minutes. Que ce soit dans Lost In Translation, ou dans Somewhere, quelque chose me frappe dans les films de Coppola deuxième du nom : personne ne parle jamais pour ne rien dire. Personne ne fait rien de particulier, les héros n’ont jamais de passion et ils sont plus mous que le pénis au repos d’une limace – en revanche, ils ont plein de sous. Pourtant, ils réussissent à tisser des liens profonds entre eux alors que, concrètement, ils n’ont rien à dire. Imagine un peu : tu rentres de journée, tu retrouves chez toi, mettons Charlotte. Tu lui demandes ce qu’elle a fait de sa journée, et là :
« (Soupir) En fait (tire sur sa cigarette), j’ai pensé. (Se mord la lèvre pour la rendre plus rouge). Je suis restée allongée, en culotte, tournant le dos à la caméra… (tire sur sa clope). Et j’ai pensé. »
Et là, je réalise que la vraie vie, c’est pas si bien que ça : je me mets toujours une pression monstrueuse pour avoir des choses à dire et pour éviter d’être une source de chiantise pour autrui. J’aimerais vivre dans un monde où on ne verbalise pas. J’aimerais être née comme ça, avoir appris à être mystérieuse et silencieuse. Dans un film de Sofia, se faire des amis, c’est facile : il suffit d’avoir les cheveux blonds, lisses et faussement décoiffés, d’être de dos par rapport au deuxième personnage principal, de le regarder par-dessus sa propre épaule en lui souriant timidement, et les jeux sont faits. Ça y est : t’as un nouveau copain. Tu sais même pas comment il s’appelle, mais tu t’en fous.
Kirsten en phase de socialisation.
Je sais pas me faire des potes comme ça personnellement : faut dire aussi qu’avec mon regard un peu stupide et mon manque évident de grâce, ça marche moins bien. Chez Sofia, on dirait que l’élégance naturelle et le port de cou impeccable sont innés. Personne ne se barre après avoir travaillé sur son ordinateur en se levant brusquement alors que les écouteurs sont encore branchés dans la prise jack. Personne ne glisse sur les pavés enduits de pluie. Personne ne renverse des verres pleins en faisant un grand geste disgracieux. Prends-moi avec toi Sofia. Apprends-moi à marcher sans tomber, à parler sans éructer et à me moucher sans craquer mon Kleenex. En plus, toutes tes actrices sont blondes et moi, j’aurais bien aimé être blonde, si ça n’avait pas fait ressortir mon teint cochon de lait.
Michel Gondry, pour des journées poétiques et enchantées
Alors attention : je n’ai pas aimé TOUT Gondry. Je dirai que j’ai adulé Eternal Sunshine of a Spotless Mind (que je l’adule toujours au point que c’est devenu un de mes films cultes, d’ailleurs), que j’ai aimé Human Nature, que j’ai été profondément déçue par La Science des Rêves et que je n’ai même pas réussi à aller jusqu’au bout de Green Hornet. On le laissera donc de côté, faisant comme s’il n’existait pas. Toutefois, de ces quatre films, je retiens une chose : vivre dans un film de Gondry, ça doit pas être complètement dégueu. Parce que les personnages y sont chacun à leur façon complètement barrés, parce qu’ils ont le droit d’être eux-même. Par exemple, dans Eternal Sunshine ou La Science des rêves, les personnages principaux – ceux qui intéressent le public et qui ne sont pas des faire-valoir – sont des créatifs, des artistes dans l’âme avec un gros côté loser (c’est dommage, j’étais pas loin : pour le côté loser je suis à fond – pour le reste, un peu moins). Et puis surtout, parce que tout n’est que poésie enfantine et humour plus ou moins crétin. Forcément, ça me parle (surtout le deuxième point, j’avoue).
« Regarde là-bas comme on est cool, Joel. »
En emménageant dans un film de Gondry, tu te dis que plus t’es fifou, plus tu fais des trucs qui n’ont pas de sens et mieux c’est. Et cette idée, franchement, me rend plutôt joviale.
Richard Curtis : Bill Nighy, Emma Thompson et la BO de ma vie
Des fois, j’aimerais prendre mes proches et emménager dans un film de Richard Curtis. Ok, il fait dans le mainstream, mais que celle qui ne ressort pas d’un visionnage d’une de ses oeuvres avec le coeur comme gonflé à l’hélium me jette la première chips.
Imagine-toi deux secondes vivre dans un univers où les décors sont ceux de la vraie vie mais en mieux, où les gens commencent par être seuls et tristes et finissent par être en couple et heureux, avec plein d’amis autour d’eux pour faire de leur quotidien le truc le plus funky du monde. Imagine-toi côtoyer Bill Nighy, qui te ferait plein de réflexions cyniques et pleines d’esprit. Gageons qu’en plus, comme tu ferais partie du film, tu aurais suffisamment de répartie pour lui répondre avec encore plus de mordant et vous aurez alors tout deux un échange digne des séries qui ont les moyens d’avoir 1347 scénaristes pour chaque dialogue de chaque épisode.
On n’y voit que du feu. Si on regarde en fermant un oeil et en cachant l’autre.
Ajoutons qu’en plus de ça, la bande-son de ta vie enverrait sacrément des rillettes du Mans : que ce soit dans Love Actually ou dans Good Morning England, ses deux films en tant que réalisateur, la BO y est absolument parfaite. Une grosse dose de pop avec juste ce qu’il faut de Mariah Carey dans le premier, le meilleur du rock (puisque ce sont des chansons issues des années 60 et 70) dans le second… Moi qui suis du genre à faire des listes de chansons pour accompagner les divers moments de ma vie, je te raconte pas comme je serai heureuse si on me laissait faire mon nid chez Richard. J’évoluerais alors sur au son des Beach Boys, des Turtles et de The Who avec Emma Thompson en marraine de coeur. Ce serait magique et je serais de bonne humeur pour toujours, même les jours où les gens sentiraient l’aïoli dans le métro.
Et toi, dans quels univers de réalisateur aimerais-tu vivre ? (À noter que si c’est chez Christophe Honoré, Annelise t’a déjà fait un tuto).
Écoutez l’Apéro des Daronnes, l’émission de Madmoizelle qui veut faire tomber les tabous autour de la parentalité.
Les Commentaires
Dansons dans la rue en pleine nuit, aimons-nous, faisons des blagues débiles mais aussi des surprises choupitrognones, n'hésitons pas à sonner à toutes les maisons d'une rue pour retrouver l'amour de notre vie, ... je VEUX une vie à la Curtis !