Autant admiré pour son travail au sein de l’industrie de la mode que détesté en dehors pour ses saillies assassines, parfois sexistes, parfois grossophobes, volontiers classistes, Karl Lagerfeld a tout du personnage de fiction trop extrême pour être vrai, et pourtant.
Disney+ prépare une série Kaiser Karl sur le grand couturier Karl Lagerfeld
Jan Koeppen, président de la compagnie Walt Disney Europe, Moyen-Orient et Afrique a annoncé le 31 août 2021, lors du Festival Séries Mania de Lille, que la firme aux oreilles de Mickey prépare une série dramatique baptisée Kaiser Karl, inspirée de la biographie non autorisée du même titre, écrite par la journaliste Raphaëlle Bacqué et publiée en juin 2019.
L’intrigue de cette série Disney+ commencera à l’été 1972, au moment où Karl Lagerfeld envisage de succéder à Gabrielle Chanel décédée l’année précédente, à la tête de son empire en perte de vitesse. La série évoquera aussi la complexité de ses relations avec Yves Saint Laurent (1936-2008), ami devenu rival qui lui emprunta l’amour de sa vie, Jacques de Bascher (1951-1989), en 1973.
Tournés en France, les épisodes co-écrits par Raphaëlle Bacqué, Isaure Pisani-Ferry et Jennifer Have tiendront de la première collaboration entre Disney et Gaumont sur un programme original français.
Preuve s’il en fallait que depuis sa mort le 19 février 2019, le Kaiser de la mode continue de susciter l’intérêt, autant pour son héritage stylistique abyssal chez Balmain (1955-1962), Chloé (1963-1983), Fendi (1964-2019), et bien sûr Chanel (1983-2019), que pour sa vie privée insondable.
Famille de coeur, amours solitaires, et héritage inestimable
L’homme au catogan et lunettes noires signature a survécu à tous ses parents proches, et a fini sa vie entouré par une « famille de coeur » comme il aimait la surnommer, composée notamment des mannequins Baptiste Giabiconi et Brad Koenig (le fils de ce dernier étant même le filleul de Karl Lagerfeld), ou encore son chauffeur, garde du corps, homme de confiance à (presque) tout faire Sébastien Jondeau. Une famille de coeur qui se dispute encore aujourd’hui son colossal héritage, d’ailleurs…
Si toutes les rumeurs ont été imaginées autour de ses amours et de sa sexualité, le créateur qui a redéfini la notion même de direction artistique telle qu’on la connaît dans la mode aujourd’hui n’a en effet admis publiquement qu’une seule relation : avec le ténébreux Jacques de Bascher, dandy clubber qu’il décrit comme le seul homme de sa vie. Leur relation platonique a pris fin à sa mort de maladies liées au sida en 1989, à l’hôpital de Garches, veillé par Karl Lagerfeld, qui dormait à son chevet, pour l’accompagner jusqu’au bout.
S’il se décrivait volontiers comme « une sorte de nymphomane de la mode qui n’atteint jamais l’orgasme », Karl Lagerfeld parlait beaucoup moins facilement de sa vie sentimentale. Il aimait fréquenter des « escorts haut de gamme » (« Je n’aime pas coucher avec des gens que j’aime vraiment. Je ne veux pas coucher avec eux parce que le sexe ne peut pas durer, mais l’affection peut durer éternellement .», confiait-il ainsi au Vice UK), tandis qu’il sortait et entretenait Jacques de Bascher sans jamais coucher ni vivre avec de façon prolongée.
Gageons que cette série Kaiser Karl par Disney+ dont les dates de tournage et de sortie n’ont pas été communiquées sauront illustrer avec nuance les complexités de cet homme qui ne se reconnaissait ni dans l’asexualité, ni dans l’aromantisme, ni dans la demisexualité. Ne correspondre à aucune étiquette : quelle cohérence pour celui qui dessinait pour tant de marques à la fois.
L’impossible casting des films de mode où bien porter le costume de son rôle compte tant
En attendant, les paris sont ouverts pour tenter de deviner qui pourra jouer Karl Lagerfeld, bien sûr, mais aussi Jacques de Bascher, Yves Saint Laurent, Pierre Bergé, et toute cette clique mode qui virevoltait entre les podiums et des clubs comme le Palace à Paris et la Main Bleue à Montreuil.
Rappelons les batailles de casting, de droits, et d’accès aux archives entre le tumultueux Saint Laurent de Bertrand Bonello (sorti en septembre 2014, avec Gaspard Ulliel dans le rôle du grand couturier et Jérémie Renier dans celui de Pierre Bergé), et le plus académique Yves Saint Laurent de Jalil Lespert (paru en janvier 2014, avec Pierre Niney dans le rôle-titre et Guillaume Gallienne dans celui de sa moitié, et un passage éclair de Nikolai Kinski en Karl Lagerfeld) !
Car en mode, plus qu’ailleurs, tout est une affaire d’image et de costume.
Plus récemment, le casting de House of Gucci, avec Adam Driver, Lady Gaga et Jared Leto, a lui aussi posé problème. Non seulement parce qu’il déplaît à une partie de la famille héritière, mais aussi parce que Jared Leto y porte un fat suit et a été vieilli, alors que la production aurait pu choisir un acteur dont le physique se rapproche de celui du personnage qu’il est censé incarner.
Évidemment, une tête d’affiche connue permet plus facilement d’attirer des financements et l’attention de la presse qu’un acteur moins connu dont le physique se rapprocherait naturellement de celui de son personnage.
Mais comme toujours, les choses s’avèrent beaucoup plus compliquées avec Karl Lagerfeld, passé du bodybuilding à l’obésité, avant de franchir la case régime drastique et perdre près de 40 kg en un an pour entrer dans le 3e millénaire et les costumes signés Hedi Slimane chez Dior Homme à l’époque.
Qui pourra jouer toutes les métamorphoses, névroses et la mode virtuose de Karl Lagerfeld à l’écran ? C’est peut-être bien là l’ultime costume taillé par ce monstre autant sacré que détesté.
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Crédit photo : capture d’écran de KARL LAGERFELD DESSINE FENDI ! par Loïc Prigent
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