Ils sont accusés de violences sexuelles, font des films médiocres, mais les festivals de cinéma les plus influents du monde continuent à nous les imposer. En juillet dernier, on apprenait que la Mostra de Venise invitait Roman Polanski, Woody Allen et Luc Besson à présenter leurs nouveaux films – dans l’ordre, The Palace, Coup de chance et Dogman lors du festival, qui a lieu du 30 août au 9 septembre.
Malgré tous les efforts mis en place par les organisateurs du festival pour maintenir les privilèges, l’impunité et la visibilité d’hommes prédateurs, la mascarade n’a pas fonctionné pour Roman Polanski. Projeté le samedi 2 septembre, son nouveau film intitulé The Palace a affligé et mis en colère la presse à travers le monde.
« Un doigt d’honneur géant au monde entier«
Francophone ou anglo-saxonne, la presse s’est accordée à reconnaitre un film spectaculairement mauvais et gênant, qui surfe sur la vague des satires sociales comme Sans filtre, Palme d’Or en 2022.
Pompant le principe du film de Ruben Östlund, The Palace se déroule dans un hôtel de luxe français au début de l’an 2000. Il met en scène une galerie de personnages ultra-riches censés être tournés au ridicule dans des sketchs qui s’annoncent plus affligeants les uns que les autres. Au programme, le réalisateur de 90 ans nous réserve des blagues sur des crottes de chien, de vieux milliardaires ayant abusé du bistouri, des plombiers pervers, des femmes en surpoids ou nymphomanes. Lors de la projection au Lido, le public était glacial. Le journaliste de Variety a confié :
« Je ne suis pas sûr d’avoir déjà vu un tel silence de mort dans une aussi grande salle de cinéma pendant un film qui faisait autant d’efforts pour être drôle. »
Quant au critique du Guardian, il n’a trouvé que l’alcool comme solution pour sortir vivant de la projection :
« Vous aurez peut-être besoin d’un bon verre pour survivre à l’intégralité du nouveau film de Roman Polanski ; vous en aurez peut-être même besoin de plusieurs – peu importe ce qui atténue la douleur. »
Même son de cloche en France où Télérama décrit un « un film indigeste et laid », tout comme Libération qui considère The Palace comme une « infecte purge » :
« Deux hypothèses se dégagent au sortir de cette infecte purge : soit le cinéaste ricane bien depuis son lugubre chalet de Gstaad, d’avoir réussi, littéralement, à infiltrer une merde à Venise (le film est obsédé par les excréments du chihuahua de Fanny Ardant) ; soit Polanski, au bord de la sénilité, régurgite les rebuts depuis longtemps contenus dans son cinéma (cruauté facile, gags de petit vicelard) sous une forme totalement grotesque. »
Porté par Mickey Rourke et Fanny Ardant, qui est aussi l’une des plus ferventes défenseuses de Polanski, le film ne compte aucune star actuelle au casting, comme le remarque TheWrap :
« La situation instable du réalisateur semble directement impacter le casting qu’il a composé pour cette comédie noire sans humour, ainsi que la construction de cette rigide grotesquerie qui donne au film l’impression d’être un doigt d’honneur géant au monde entier. »
Finalement, la seule chose drôle dans The Palace, ce ne sont pas ses blagues mais la déclaration du producteur italien du film, qui a déclaré à propos de la France qui, pour l’heure, ne distribue pas le film : « Ce serait dommage pour la France, un casting international, avec Fanny Ardant, la plus importante actrice française, dans un film fantastique fait par le plus important réalisateur français… »
Polanski à la Mostra est un parti pris exclusivement politique
En sélectionnant The Palace, La Mostra de Venise a montré que la sélection des films projetés relevait parfois plus du parti pris politique et idéologique qu’artistique. La présence d’un film de Polanski au Lido est une insulte aux féministes et aux victimes de violences sexuelles plutôt qu’une proposition cinéphilique.
Le comble du cynisme est qu’Alberto Barbera, le directeur de la Mostra ne cesse d’utiliser « l’art » comme argument pour protéger la carrière de Polanski. « Je savais que ça pouvait déclencher des réactions. Sur Polanski, je me suis déjà exprimé quand nous avions sélectionné J’accuse en compétition en 2019 : il faut faire la différence entre l’homme et l’artiste », déclarait-il dans les colonnes du Film Français, comme le rapporte Le Figaro. Pourtant, quelques semaines plus tard, Barbera n’a même pas cherché à faire croire qu’il trouvait le film bon : « Le film n’est pas excellent, sinon il aurait été en compétition » a-t-il déclaré. Ce qui ne l’a pas empêché de se lamenter sur ce qu’il considère comme des critiques « personnelles » et « irrespectueuses » envers Polanski :
« Je n’ai pas compris le niveau de violence des critiques. (…) Je sais que ce n’est pas un film parfait et que certaines scènes ne fonctionnent pas, mais ce n’est pas aussi mauvais que les critiques le disent. Les critiques sont vraiment méchantes. »
Ces propos particulièrement abjects rappellent combien il est difficile de considérer ces critiques comme de la violence : la vraie violence se situe dans les crimes sexuels de Polanski et dans son impunité. Depuis 40 ans, il mène des jours paisibles en Europe, fuyant les États-Unis où il a été condamné pour des relations sexuelles illégales avec une mineure.
Pour l’heure, son film n’a pas trouvé de distributeur, ni en France, ni aux États-Unis.
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