Depuis quelques saisons, la marque italienne Bottega Veneta buzze sur Instagram. Beaucoup de modeuses s’arrachent sa Pouch, une grosse pochette à l’allure de coussin moelleux, sa Cassette, un mini-sac bandoulière dans le cuir tressé signature de la maison, ou encore ses Lug, de hautes bottes à semelle crantée.
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Bottega Veneta, trop pointu pour Instagram ?
Des designs signés par le directeur artistique de la maison, le britannique Daniel Lee, arrivé en 2018, qui ont fait des émules chez toutes les marques de fast fashion ou presque.
En fait, son travail devenait tellement populaire qu’il a décidé de supprimer les comptes Instagram, Facebook et Twitter de Bottega Veneta le 6 janvier 2021. Il a d’abord longtemps refusé d’expliquer son geste, inédit pour une telle maison de luxe, laissant la presse mode spéculer à tout va.
Certains criaient au génie de résister ainsi aux réseaux sociaux de plus en plus avides de polémiques, d’autres y voyaient juste une manière radicale de faire table-rase avant l’arrivée d’un nouveau community manager, puisqu’une petite annonce de recrutement venait d’être postée… Et le temps des spéculations vient de prendre fin.
« Les réseaux sociaux simplifient trop »
Car le 31 mars 2021, Daniel Lee s’est enfin exprimé auprès du Guardian :
« Les réseaux sociaux représentent une homogénéisation de la culture. Tout le monde voit le même flux de contenus. Je réfléchis beaucoup à ce que je crée, et les réseaux sociaux le simplifient trop. »
Un discours peu modeste qui nous rappelle celui de la « pensée complexe » d’Emmanuel Macron, trop foisonnante pour le grand public !
Même s’il y a sans doute une part de vraie dans ce que raconte Daniel Lee, son explication passe mal vu que c’est précisément le jeu de la mode que de fonctionner dans un double-mouvement d’imitation et de distinction. Qu’est-ce qu’une tendance, si ce n’est la volonté de plusieurs personnes au même moment de s’habiller de façon similaire ? Se plaindre de la popularité de sa marque sur Instagram en tant que directeur artistique, c’est un peu comme cracher dans la soupe…
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S’émanciper de la possibilité de dialogue permise par les réseaux sociaux
D’autant que Daniel Lee s’exprime aujourd’hui pour faire la promotion du nouveau magazine numérique de Bottega Veneta — avec du Missy Elliott dedans, notamment. Des contenus audiovisuels, sans texte (pensée complexe oblige), qui illustrent et prolongent l’imaginaire de la marque sans se plier aux contraintes de formats d’Instagram… et en abandonnant la possibilité de dialogue permise par les réseaux sociaux. Car elle n’est pas au goût du Jupiter de la mode, comme il le développe auprès du Guardian :
« Il y a un esprit de harcèlement de cour de récré sur les réseaux sociaux que je n’aime pas trop. Je voulais créer quelque chose de joyeux. Nous ne sommes pas qu’une marque, nous sommes une équipe de personnes qui travaillons ensemble, et je ne veux pas interagir avec une atmosphère négative. »
En attendant, des amoureux de la griffe continuent de poster des photos d’eux en portant des pièces Bottega Veneta. Et un compte non-officiel, @newbottega, prospère du vide laissé par la marque. Il a été créé en juin 2019 par Laura Rossi, une étudiante italienne, fan du travail de Daniel Lee, qui reposte bien sagement toutes les campagnes de la griffe sur Instagram. Sans doute bénévolement, évidemment… car comme l’expliquait la vidéaste Clarinette dans sa vidéo sur l’importance des fangirls, ces dernières font énormément de promo gratuite qui contribue grandement au succès du sujet de leur passion.
Les réseaux sociaux asiatiques, un pilier de l’industrie de la mode
Pour finir, ce que se garde bien de dire Daniel Lee, c’est que Bottega Veneta a conservé ses réseaux sociaux japonais, coréens et chinois. D’après Le Figaro, les produits de luxe achetés par des personnes chinoises représentent entre 37 et 40% de la consommation mondiale. Ce qui devrait grimper à 50% d’ici 2025, d’après le cabinet de conseils Bain & Company !
En plus d’afficher une croissance insolente de 4,8% sur 2020 (d’après le Guardian), avec un chiffre d’affaires qui dépasse les 330 millions de dollars (d’après Le Figaro), Bottega Veneta cultive donc sa différence en prônant un luxe discret et accessible, trop intelligent pour les réseaux sociaux occidentaux… tout en continuant de communiquer sur les plateformes asiatiques, là où se trouve l’essentiel des clients du luxe.
C’est ce qui s’appelle couper la main qui ne nous nourrit pas assez.
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