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3 couvertures d'ouvrages des éditions YBY
Livres

Une littérature queer et inclusive, c’est le projet des éditions YBY

Dans le catalogue des éditions YBY, vous trouverez de la science-fiction ou des thrillers, de la fantasy ou de la romance… Avec pour vocation de représenter la diversité sous toutes ses formes, dans une littérature queer et inclusive.

Si on questionne depuis quelques années la diversité des représentations dans les ouvrages jeunesse, dans le monde de la littérature de fiction « pour plus grands », le sujet reste peu abordé. Malgré la richesse de l’offre littéraire, dans une France qui produisait près de 38 000 nouveaux titres en 2020, il y a des identités qu’on croise peu, au détour de personnages de romans français.

Lutter contre cette invisibilisation, proposer d’autres imaginaires, c’est la mission à laquelle répond la maison d’édition bénévole YBY. Sa co-présidente, Fanny Truchon, raconte le fonctionnement de cette structure qui fait vivre une littérature queer et qui explore la diversité de genre et la diversité sexuelle sous toutes leurs formes.

Interview de Fanny, des éditions YBY

Madmoizelle : Pouvez-vous vous présenter en quelques mots ?

Fanny : Je suis Fanny, bénévole pour les éditions YBY depuis 2014. J’ai découvert la maison d’édition par hasard, et j’ai tout de suite aimé l’ambiance et les projets qu’elle portait. Petit à petit, j’ai pris des responsabilités et j’en suis désormais co-présidente.

À côté de ça, je travaille comme éditrice et graphiste indépendante.

À quels enjeux répond YBY, dans le paysage littéraire français ?

L’association a commencé il y a une dizaine d’années, en se basant sur le postulat qu’il manquait des personnages gays et lesbiens bien représentés dans la fiction. Aujourd’hui, notre ligne éditoriale s’est élargie, et nous souhaitons mettre en avant des personnages queers dans la littérature de fiction, sans que toute l’intrigue ne tourne autour du fait qu’ils soient queers ! Même si certaines maisons d’édition commencent à le faire, c’est encore rare.

On tient à normaliser la présence de personnages qu’on voit rarement traités avec justesse : on publie des textes qui parlent de transidentité, de non-binarité, d’asexualité, d’expressions de genre diverses, de modes relationnels divers… Et ce faisant, on essaie de publier des textes inclusifs au maximum  — d’ailleurs, c’est dans les statuts de notre association  — on valorise le fait d’écrire des personnages racisés, en situation de handicap, ou avec des corps qui diffèrent de la norme.

L’idée, c’est que tout le monde puisse se sentir représenté, mais aussi d’apprendre aux personnes non concernées à comprendre des identités qui leurs sont inconnues.

Et puis, on essaie d’avoir une représentation féministe des femmes , et on refuse de publier des écrits qui romantisent les viols, par exemple.

Qu’est-ce qui distingue votre travail de celui de maisons d’édition plus classiques ?

Il y a de plus en plus de maisons d’édition, notamment en littérature jeunesse, qui tiennent à l’inclusivité. Mais souvent, le spectre des représentations y est plus restreint : on pourra voir des personnages gays ou lesbiens, mais pas de personnages pansexuels, par exemple.

Et puis, il y a la question des ventes. Être une association, ça permet de sortir de la logique commerciale, et de publier ce qui nous semble important. Tel texte qui suit un personnage ace ne sera peut-être pas le plus vendeur pour une entreprise, mais nous, on peut se permettre de le publier, et on y tient !

Enfin, il ne suffit pas de représenter, encore faut-il représenter correctement. Parfois, on assiste à des tentatives écrites et relues par des personnes non-concernées, qui finissent par sombrer dans les clichés. À mon sens, c’est presque encore pire que de ne pas le faire du tout !

Chez YBY, on n’impose pas le ownvoice, le fait de faire appel à des personnes concernées pour écrire des personnages qui partagent leur vécu. On n’impose pas aux auteur·ices de s’outer, alors si la personne qui écrit ne nous précise pas qu’elle est concernée, on fait appel à de la lecture sensible : des lecteur·ices concerné·es pour relire les textes, parce que même en se renseignant au mieux, on ne pourra jamais s’approprier un vécu qu’on a pas. C’est très important pour nous, et c’est un outil indispensable pour bien faire de la littérature queer et inclusive ! En tout cas, selon YBY.

YBY est une maison d’édition associative, dont les membres lisent, éditent, maquettent et communiquent bénévolement. Quel fonctionnement vous permet de publier régulièrement ?

Effectivement, l’association n’est composée que de membres bénévoles. Nous avons un conseil d’administration renouvelé chaque année, avec plusieurs postes toujours occupés par deux personnes. Pour l’instant, nous y sommes huit et nous sommes les seules personnes de l’équipe à avoir un certain nombre de missions à remplir chaque semaine.

Dans le reste de l’équipe, nous sommes une soixantaine, mais jamais actifs en même temps, sur tous les projets ! On essaie de faire en sorte que tout le monde puisse avoir voix au chapitre, on valorise l’horizontalité, et on s’entre-valide beaucoup. Tout est décidé avec plusieurs voix, et personne ne prend de décision seul. C’est normal, vu les valeurs qu’on promeut. On fait très attention à certaines choses, aux mails de refus de manuscrit par exemple : nous expliquons toujours pourquoi nous refusons un texte, et on est plusieurs à relire les mails pour être le plus pédagogue possible.. 

Plus concrètement, on fonctionne à trois pour chaque étape. Ça permet aux bénévoles qui débutent d’être rassurées en prenant une mission, et de ne pas se sentir dépasser en se sentant seule face à une tâche.

On essaie aussi de proposer des outils internes pour que les bénévoles puissent se former à tous les aspects de la chaîne du livre : on a plein de gens qui apprennent le métier d’éditrice ou de chargée de communication au sein de l’asso, parce qu’on fait de la mise en commun de compétences. C’est important pour pouvoir s’entraider et s’entre-former.

YBY-logo-réduit-safran
Le logo d’YBY éditions

Et avec les plumes avec qui vous travaillez, avez-vous un fonctionnement spécifique ?

On travaille avec des auteur·ices et des illustrateur·ices, il y a un aspect illustré dans tout ce qu’on publie.  

Pour l’écrit, nous faisons des appels à textes temporaires et thématiques, notamment pour nos recueils annuels de nouvelles. On reçoit en général entre 50 et 70 textes. À côté, nous avons un appel à textes permanent pour les novellas et pour les romans, qu’on ferme parfois selon les disponibilités du comité de lecture des manuscrits.

Tout est anonymisé, et on essaie toujours de faire des retours pédagogiques, pour les refus, mais aussi pour les acceptations : s’il y a des changements à faire sur un texte, il faut que l’auteur·ice sache à quoi s’en tenir dès le départ !

Pour les illustrateur·ices, c’est l’inverse : nous démarchons des gens en expliquant qui on est, et le projet qu’on porte. Là-dessus, on a un fonctionnement assez atypique : en général, les éditeurs passent un brief que les illustrateur·ices réalisent. Nous, on leur faire lire les textes et iels ne les illustrent que si ça leur a plu. C’est un processus plus créatif, où les illustrateur·ices choisissent ce qui leur fait envie. Et surtout, on essaie de les mettre en relation avec les auteur·ices pour que tout le monde puisse échanger et collaborer.

On rémunère les artistes qui travaillent avec nous avec transparence : on a un contrat identique pour tout le monde qui est disponible sur notre site, pour que tout le monde sache à quoi s’attendre. On compte 8% de droits d’auteur répartis entre les artistes qui contribuent aux ouvrages papier, et 25% sur les productions numériques parce que nous n’avons aucun coût de production.

On ne peut pas encore proposer d’à-valoir en amont des projets, mais c’est une de nos priorités : on essaie d’être aussi juste que possible dans la répartition de la rémunération, avec nos moyens.

Quels sont les projets d’YBY pour l’avenir ?

Pour l’instant, nous avons 16 titres à notre catalogue. Notre temps de production est long : c’est la limite du bénévolat, on perd sur le temps ce qu’on gagne en qualité, pour pouvoir magnifier autant que possible les œuvres qui nous sont confiées !

On veut continuer ce travail de diversité littéraire. Chaque année, on a un recueil de nouvelles d’une thématique différente, on espère pouvoir publier en plus un roman et quelques novellas en plus. On est ouverts à tous les genres littéraires, et jusqu’ici, on a reçu beaucoup de littérature de l’imaginaire : science-fiction, fantasy, fantastique, un peu d’horreur aussi… 

On travaille surtout à gagner en visibilité : on aimerait se faire connaître, trouver de la place en librairie, rencontrer un nouveau public !

À lire aussi : Dystopie, féminisme, afrofuturisme : Laura Nsafou raconte son dernier roman Nos jours brûlés

Crédits photo : Couvertures d’ouvrages des éditions YBY. Dans l’ordre : Musique par AKI,  Lever de soleil par Anako, et Nous dansions sur l’air du numérique par Hunted-Hunter


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