La semaine dernière, la presse titrait sur le climat de morosité dans lequel s’ouvrait le Salon du Livre. Une baisse de 2% des ventes de livres cette année aurait donné le cafard au petit milieu de l’édition. Et pourtant… Un salon plein à craquer, une chaleur écrasante, des stands colorés et animés. Difficile de croire que l’édition est en crise, quand on voit la foule de personnes prêtes à se déplacer pour célébrer le livre.
Minute par minute, ou presque, voilà à quoi peut ressembler une journée au Salon du Livre de Paris.
11h13 : J’arrive au Parc des Expositions, Porte de Versailles. Premier repérage en faisant un rapide tour du Salon. Comme chaque année, les monstres de l’édition occupent des méga stands : Hachette Livre, Gallimard, Flammarion, etc. C’est à celui qui aura les bannières les plus grandes et les plus hauts perchées. Face à eux, les éditeurs indépendants sont coincés dans des box de 2m². Il faut s’avoir qu’il existe presque 7000 maisons d’édition en France, et qu’environ 350 d’entre elles réalisent la quasi totalité du chiffre d’affaires. Sur le Salon, le déséquilibre entre les grandes maisons et les petites devient flagrant. Il y a les industriels du livre et les artisans du livre, deux mondes très différents.
12h37 : J’ai relevé, dans le programme, la tenue d’une émission de radio à laquelle j’aimerais assister en direct. Le studio Radio France est à l’emplacement A2/B18, je me trouve au H91. La distance qui me sépare du studio de radio est semée de tentations. Sur le chemin, je pense m’arrêter quelques instants pour jeter un coup d’œil sur un bouquin, et je finis par oublier l’endroit où je voulais me rendre. Je loupe donc l’émission de France Culture, sans même y prendre garde. Toute la journée, chaque fois que je m’aventure à passer d’un point à un autre, mon chemin est détourné par des couvertures aguicheuses.
14h01 : Je croise une foule contenue par des barrières de sécurité et parsemée de chapeaux de sorcières. Pas de doute, c’est l’heure de la séance de dédicaces de la star du Salon, Amélie Nothomb. Pas pimbêche, Amélie se prête facilement au jeu des embrassades et des photos. Ses fans, souvent jeunes, souvent des femmes, sont venus lui faire signer des bouquins et lui apporter des chocolats. Nombre d’entre elles portent la Amélie Touch : teint blanc, lèvres rouges et chapeau extravagant. Les réactions qu’elle suscite sont dignes d’une rock star : larmes, tremblements et mimétisme. Pas sûre, par contre, qu’Amélie assure guitare à la main.
15h12 : J’arrive à L’Escale BD, la partie la plus animée du salon. Les exposants se sont donnés les moyens de rendre l’espace attractif : les stands prennent l’allure de décors de BD, les auteurs en dédicaces sont nombreux et signent avec application. Chez Glénat, l’éditeur de Titeuf, un public jeune parcourt frénétiquement les étagères de livres, et manque au passage d’écraser ceux assis dans les allées pour bouquiner. Les files qui se créent devant les auteurs en signature feraient pâlir de jalousie les stars de la littérature.
Si les ventes de livres sont en baisse, du côté des éditeurs indépendants, l’ambiance est tout à fait différente : pas d’effet de foule, mais un réel succès tout de même. Les amateurs de BD, curieux, viennent à la rencontre des maisons. Les auteurs signent, dessinent. Les éditeurs conseillent, parlent de leurs auteurs. L’atmosphère se fait plus intimiste.
Plus loin, une salle de lecture est mise à disposition des lecteurs impatients. Elle accueille à certaines heures des ateliers ludiques, dans lesquels les visiteurs sont directement impliqués. Au menu ce jour : un travail sur les spécificités de la BD, à savoir la couleur narrative, le dessin, le rapport texte/image, le découpage.
16h42 : Je me cogne pour la quinzième fois de la journée à un sac géant. Un éditeur de manga a eu l’excellente idée d’offrir un sac en carton, illustré et très grand format, pour l’achat d’un manga. Carton plein : un visiteur sur trois – j’exagère à peine – se promène avec ce sac géant, peu pratique aux heures d’affluences. C’est comme à la plage, au mois d’août, quand tout le monde se précipite sur la distribution de produits publicitaires, et qu’en moins d’une heure, la moitié de la plage se promène avec le même bob orange.
16h45 : Je passe devant le stand des éditions Verticales et y reconnaît Chloé Delaume, jeune romancière (J’habite dans la télé ) et ex-chroniqueuse d’Arrêts sur image sur France 5. J’ai ma petite satisfaction de midinette de l’avoir reconnue. C’est le grand jeu auquel, comme tant d’autres, j’aime me livrer : reconnaître du people. Forcément plus je tape dans le confidentiel, plus je marque de points. Le petit jeu du « Qui est qui ? » provoque un délicieux sentiment de proximité avec ces personnes.
17h00 : Ce matin, j’ai attrapé des brochures qui proposent sept parcours différents sur le Salon : région, jardin, jeunesse, sciences, art, actu politique, BD et sept plaisirs capitaux. C’est sans surprise que je me suis laissée tentée par ce dernier. Quatre auteurs discutent le bout de gras autour de la stratégie du bluff, thème central de leurs derniers romans. Une heure et dix minutes plus tard, Audrey Diwan monopolise la parole et Christophe Paviot s’ennuie ferme. Quant à Jean-Yves Cendrey, il n’attend pas la fin de la discussion pour se casser. Beaucoup de promo, un animateur imprécis et peu de mise en parallèle des différents bouquins. Je suis déçue.
18h54 : L’Inde est l’invitée d’honneur du salon du livre, il paraît même que c’est le Bollybooks fever. Pourtant, à part les vestes fushias des hôtesses, je n’ai pas vu grand chose d’elle. Je me rends sur l’espace des éditeurs indiens. Il y a une sorte d’effervescence sur le lieu, je suis surprise du succès que rencontre la littérature indienne.
20h00 : Le Salon ferme ses portes. Je sors grisée par les rencontres, les découvertes et l’odeur du papier. J’ai une envie furieuse d’ouvrir un bon bouquin.
Crédit photos : Salon du Livre
Photographe Emmanuel Nguyen Ngoc
Les Commentaires
Je regrette très amèrement...
Mais moi qui voulait me pointer vers les 14-15h je vois que cela n'aurait pas suffit.
Je note pour la prochaine fois qu'il faut prévoir la journée entière.
Qu'est-ce que ça devait être bien...