En février 2021, des centaines de témoignages d’étudiantes victimes de viols et d’agressions sexuelles au sein d’instituts d’études politiques ont ressurgi sous la houlette du hashtag #sciencesporcs.
Plus récemment, au début du mois d’octobre, la direction de l’école d’ingénieurs CentraleSupélec s’est saisi de la justice après une enquête dévoilant une centaine d’agressions sexuelles et viols pendant l’année scolaire 2020-2021.
Y a-t-il plus de violences dans les établissements d’enseignement supérieur ? Pourquoi les facs et grandes écoles croulent-elles sous les témoignages accablants ? Et comment prennent-elles le problème en main ?
On cultive la culture de viol sur les bancs de l’école
Les jeunes filles entre 13 et 17 ans sont les plus exposées aux viols, et cette propension décroît jusqu’à 25 ans. D’après les chiffres de l’Observatoire étudiant des violences sexuelles et sexistes dans l’Enseignement supérieur révélés par 20 Minutes en 2020, une étudiante sur 20 auraient été victime de violences sexuelles.
Pas très étonnant, donc, que bon nombre de grandes écoles et d’universités récoltent un paquet de témoignages d’étudiantes violées ou agressées dans leurs établissements.
Ça n’a pas dû vous échapper : au début de l’année 2021, la sacro-sainte institution Sciences Po était dans la sauce. Réunies sous le hashtag #SciencesPorcs, les preuves de comportements sexistes et d’agressions sexuelles se sont accumulés et ont révélés les coulisses sordides des IEP jusqu’ici tenues secrètes.
C’est au tour de la prestigieuse école d’ingénieurs CentraleSupélec de faire face au même type. Mais cette fois-ci, les dénonciations ont été récoltées par la direction de l’établissement elle-même.
En tout, une centaine d’agressions sexuelles et de viols ont été rapportés, uniquement sur l’année scolaire 2020-2021.
C’est beaucoup. Mais on peut facilement imaginer que les chiffres sont en réalité bien plus hauts puisqu’on connaît la réticence — légitime — de certaines victimes à parler et la méconnaissance générale sur le sujet (beaucoup pensent, par exemple, qu’une main aux fesses n’est que le fait de lourdauds tactiles alors qu’il s’agit en fait d’une agression sexuelle)…
Il faut dire que sur les bancs de la fac et des écoles supérieures, la culture du viol va bon train. L’association féministe Consentis, qui lutte contre les violences sexuelles et sexistes en milieux festifs, est régulièrement appelée par des BDE pour intervenir dans de grandes écoles.
Outre les chants sexistes soi-disant fédérateurs et traditionnels, les concours et challenges misogynes, les soirées étudiantes et les week-ends d’intégration sont les lieux privilégiés de ces violences. Mais pourquoi ?
Quels profils et quelle prise en charge ?
Le cadre étudiant, surtout en soirée, peut faciliter ce type de violences. Une étudiante de CentraleSupélec témoigne auprès du Figaro :
« Il y a un côté vase clos qui fait que les choses peuvent déraper : dans les soirées, on sait qu’on peut vite se faire embêter. »
Le profil des étudiants agresseurs est souvent le même. Dans un environnement festif, beaucoup voient, à tort, s’effacer les limites du consentement et font glisser le curseur de la culpabilité vers la mauvaise personne en déresponsabilisant les agresseurs et en blâmant les victimes pour leur tenue vestimentaire, leur prétendue promiscuité ou le fait qu’elles aient bu de l’alcool, par exemple.
Pourtant, bien loin d’être une excuse, l’alcool est au contraire une circonstance aggravante. Si une personne est trop intoxiquée et se trouve incapable de donner son consentement, aucune activité sexuelle ne devrait être engagée. Et ça, beaucoup peinent à l’entendre.
Suite au #SciencesPorcs, de nombreuses plaintes ont été déposées et les IEP ont ouvert une cellule d’enquête. Du côté de CentraleSupélec, le parquet a été saisi.
Mais dans la plupart des cas, tout ne se passe pas aussi « bien » : ces violences sont malheureusement souvent passées sous le tapis par les établissements pour ne pas ternir leur réputation, et la prise en charge de ce problème est souvent faite par les étudiants eux-mêmes ou par des associations extérieures.
Malgré les soubresauts de tentatives du gouvernement, il serait grand temps que l’État prenne le taureau par les cornes et que les directions s’impliquent davantage pour garantir la sécurité de leurs élèves et qu’ils et elles puissent étudier en paix.
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Crédits photos : Maurício Mascaro et Keira Burton (Pexels)
Les Commentaires
On se demande après pourquoi la connerie des adultes et le manque de sanctions ont des répercussions sur les générations suivantes...