Le savoir, c’est le pouvoir. Cette phrase, attribuée au philosophe et scientifique Francis Bacon au XVIe siècle, est plus que jamais d’actualité, et, dans le cadre de la maternité et de la parentalité, elle est aussi cruciale.
En 2023, en France notamment, la parole commence à se libérer sur les difficultés parentales, sur la dépression du post-partum, sur l’ambivalence presque permanente de la maternité et de tout ce que peut faire ressurgir chez les futures mères ce qui est désigné comme une « matrescence » par Clémentine Sarlat, autrice du podcast du même nom.
Depuis des siècles, les femmes — et les futures mères — sont soumises à des tonnes et des tonnes d’injonctions qu’on s’efforce, notamment chez Madmoizelle, de démolir les unes après les autres.
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Allaiter ou non son enfant, accoucher avec ou sans péridurale, donner une éducation positive et bienveillante, faire du cododo mais pas trop longtemps non plus, ne pas se laisser aller après avoir accouché, reprendre vite le sport pour perdre ses kilos en trop, réussir à tenir une maison en ayant dormi 2 heures les dernières 48 heures, retourner bosser 10 semaines après avoir donné naissance, le tout en reprenant une vie sexuelle épanouie et un sourire dégoulinant de bonheur affiché en permanence sur le visage.
Bah oui, il ne faudrait surtout pas faire la gueule non plus, après tout, on l’a voulu, cette enfant, non ?
Oui, mais voilà, le problème est là : toutes ces injonctions veulent faire des femmes qui donnent naissance des mères parfaites. Or, spoiler alerte : ça n’existe pas.
Ça n’existe pas, et c’est dangereux de faire croire que toutes les mères peuvent tout accomplir. Dangereux au point que le suicide est la deuxième cause de mortalité maternelle en France, on le rappelle.
Une nouvelle étude perturbante sur le lien mère-enfant
Dans un article du Guardian, on apprend qu’une nouvelle étude a été publiée à la Parent-Infant Foundation. Cette dernière montre que, sur 1 000 femmes interrogées, une femme sur 10 a du mal à créer des liens avec son bébé à la naissance, et 73 % d’entre elles affirment « n’avoir reçu aucune information ou conseil sur la création de liens avec leur bébé au cours des premières semaines après la naissance ».
Pourquoi ces chiffres sont problématiques ? Parce qu’ils montrent bien que l’image véhiculée autour de la parentalité et de la maternité est erronée et édulcorée, et que nombreuses sont encore les femmes qui se pètent les dents en réalisant que non, devenir mère, ça n’est pas si simple, ça n’est pas si naturel, et surtout : ça peut franchement secouer notre santé mentale.
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Si la société arrêtait de faire croire que la maternité est innée et que devenir mère était une sinécure, si les femmes étaient mieux informées de ce qu’elles s’apprêtent à vivre, elles ne culpabiliseraient pas de ressentir des sentiments ambivalents, voire parfois franchement effrayants et n’auraient pas peur d’en parler à leurs proches ou aux professionnels de santé pour être aidées et conseillées, le tout sans jugement.
On peut très bien ne pas avoir le coup de foudre pour son bébé qui vient de naître. Ce n’est pas grave, ce n’est pas anormal, et ça arrive bien plus fréquemment qu’on ne le pense.
Oui, la maternité peut bien se passer, oui de nombreuses femmes s’épanouissent dans ce rôle, oui certaines vivent des grossesses et des accouchements idylliques. Oui, certaines aiment leur bébé au premier regard, et non, la dépression du post-partum ne touche pas toutes les femmes, néanmoins beaucoup trop y sont confrontées dans le silence pour qu’on arrête de faire croire que tout est rose.
Informer les futures mères, c’est vital
Le savoir, c’est le pouvoir, comme nous le disions en introduction. Pourquoi la société continue-t-elle de ne pas informer les femmes correctement de ce qui peut aussi les attendre en devenant mères ? Pourquoi ne vouloir donner qu’une version de l’histoire, alors que chaque femme, chaque grossesse et chaque bébé qui nait est différent ?
Informer les futures mères est vitale, mais cela passe aussi par une augmentation du nombre de sages-femmes dans les maternités, tout en augmentant les moyens de l’hôpital public. Anna Roy en parlait déjà, il y a plus de 3 ans, en lançant sa campagne choc #jesuismaltraitante, avec la mise en ligne d’une pétition à l’attention d’Emmanuel Macron, demandant plus de moyens pour aider les mères :
« En la signant, vous participez à demander à Monsieur Emmanuel Macron, Président de la République et Monsieur Olivier Véran, ministre de la Santé, de changer la norme, de donner les moyens aux sages-femmes et à leurs collègues de restaurer l’humanité en salle de naissance, en suites de couches, en ville, partout.
À quand une vraie formation, un véritable accompagnement des femmes enceintes ou qui viennent d’accoucher, pour les aider à comprendre ce qu’il leur arrive, et leur apporter l’aide nécessaire ? Cette étude de Parent-Infant Foundation parle seulement du lien mère-enfant qui a du mal à se faire, soit. Mais combien de drames pourraient être évités, combien de dépressions du post-partum pourraient être dépistées, combien de femmes pourraient être plus entendues et soutenues si seulement la société et les politiques, donnaient des moyens concrets à celles qui viennent d’accoucher, et à celles et ceux qui les encadrent ?
Informer les femmes pendant la grossesse et après, les déculpabiliser et leur donner des armes pour comprendre ce qui leur arrive, pour leur permettre de vivre sereinement cette « matrescence » et tout ce que ça implique, c’est leur donner la possibilité de mettre fin aux injonctions qui peuvent littéralement leur bouffer la vie, et celle de leur bébé.
Écoutez Laisse-moi kiffer, le podcast de recommandations culturelles de Madmoizelle.
Les Commentaires
Avoir un bébé c'est être sollicitée en permanence, et avoir des tâches ménagères et administratives qui s'ajoutent aux besoins incessants de l'enfant. On ne peut pas tout faire toute seule sans risquer de tomber en dépression.
Alors, quand en plus on me vente l'allaitement exclusif et le maternage proximal dans ces conditions, j'ai envie de dire : on n'est pas toutes câblées pour ça, hein.