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J’ai arrêté l’alcool il y a 3 ans, le 1er septembre 2021. J’ai 36 ans et j’ai toujours pensé que j’avais un rapport assez sain à l’alcool. Bien sûr, comme de nombreuses personnes, mon adolescence a été rythmée par les nombreuses gueules de bois. On va dire que de mes 16/17 ans à mes 23 ans, soit la fin de mes études, je sortais beaucoup et buvais aussi beaucoup. Mais tout ça me semblait “normal” dans le contexte étudiant dans lequel j’évoluais.
Par la suite, je me suis installée à Paris où j’ai commencé un job dans la communication. J’avais une vie assez intense et je travaillais beaucoup. Comme je suis originaire de Saint-Malo, je n’avais que très peu d’amis à Paris, j’ai donc beaucoup fréquenté mes collègues de travail, ce qui fait que je passais beaucoup de mon temps libre avec eux dans des bars le soir après le travail ou le week-end. À cette époque, je me sentais encore un peu étudiante sur le mode de vie et ambiance, c’est-à-dire que je travaillais beaucoup, je sortais beaucoup, buvais beaucoup et je dormais le week-end. Certains samedis ou dimanches, je voyais à peine la lumière du jour. Mais comme la plupart des gens qui m’entouraient avaient le même mode de vie, je n’ai jamais trouvé ça malsain, on va dire.
Pas un jour sans boire
Dans les années qui ont suivi, mes amis et collègues du même âge ont commencé à se mettre en couple, puis à se marier et certains à avoir des enfants. Nous étions donc de moins en moins nombreux aux pots du soir, mais je continuais à apprécier ces moments. Quand j’ai eu 28 ans, j’ai changé d’entreprise. Cette fois-ci, il a été plus difficile de me faire de nouveaux amis, car mes nouveaux collègues de travail étaient globalement plus âgés et très rangés dans leurs vies.
Je rejoignais donc de temps à autre mes anciens collègues dans nos bars habituels pour prendre un verre. Mais mes semaines étaient globalement plus calmes. J’aimais bien néanmoins avoir mon petit verre de vin solo le soir quand je rentrais à la maison. Je pense que pendant cette période, il ne se passait pas un jour sans que je ne boive pas. Je buvais à vrai dire tous les jours. Cela m’arrivait de boire trois verres le soir seule chez moi, et de temps en temps un verre au déjeuner quand j’avais un déjeuner pro.
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Grossesse et arrêt de l’alcool
Quand j’ai eu 30 ans, j’ai rencontré mon compagnon actuel. C’était un ami d’ami et nous avons rapidement décidé d’emménager ensemble et de nous engager. Nous avions tous les deux très envie aussi de devenir parents. Lui a un très gros groupe d’amis, il est parisien et quand je l’ai rencontré, il sortait presque tous les soirs, pour diner ou boire un verre.
Rapidement, nous avons décidé d’avoir un enfant et par chance, je suis tombée enceinte très vite. Sauf que je n’avais pas anticipé le fait que la grossesse impliquait un arrêt total de l’alcool. En fait, dans ma tête, je pensais qu’arrêter l’alcool serait très facile, je ne m’étais même pas posée la question. Sauf que ça n’a pas du tout été le cas.
J’ai appris ma grossesse à un mois et demi, ce qui fait que j’ai donc continué à boire quotidiennement pendant cette période. Quand j’ai su que j’étais enceinte, c’est l’un des premiers sujets que mon conjoint a abordés, notamment parce que j’étais très fatiguée et que nous n’allions donc plus pouvoir accepter autant de propositions de diner ou d’apéros avec des amis. Il m’a dit, “au moins tu auras moins de difficultés à arrêter”.
En fait, très rapidement, au bout de quelques jours, je me suis rendu compte que quelque chose me manquait. J’étais nerveuse, irritée, déprimée… J’ai tout de suite pensé que c’étaient les hormones, et que ça passerait avec la fin du premier trimestre. Quelques jours plus tard, des amis sont venus diner à la maison et avaient apporté des bouteilles de vin. J’ai trempé mes lèvres dans mon verre pour “goûter”, puis ai pris une gorgée, puis deux, puis trois… Et j’ai finalement terminé mon verre.
Nos amis ne savaient pas encore que j’étais enceinte, donc mon conjoint ne disait rien, mais me regardait avec des yeux énormes et me donnait des coups de pied sous la table.
Je ne sais pas comment, mais j’ai immédiatement senti qu’il se passait quelque chose. Mon corps se détendait sous l’effet de l’alcool et je ressentais du bien-être. J’ai compris que ce dont mon corps avaient manqué ces derniers jours était l’alcool.
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« Je pensais à boire à longueur de journée »
J’en ai tout de suite parlé à mon conjoint, car cela m’a paniquée. Lui n’était pas inquiet et me disait que c’était normal d’avoir des envies quand on est enceinte. Mais je savais que ce n’étaient pas des envies classiques, c’était autre chose, et je pense qu’il ne réalisait pas.
Dans les semaines qui ont suivi, je pensais à boire à longueur de journée. Je regardais les heures défiler en me disant “tiens, c’est bientôt une heure décente pour boire là”, tout en sachant que je ne pouvais pas boire. Je me suis parfois retrouvée, bien contre mon gré, à penser que mon bébé était un cadeau empoisonné, car il m’empêchait de suivre mes envies, je me sentais enfermée dans mon corps et cette grossesse me paraissait très très longue. Boire devenait vraiment une obsession.
Un soir, je devais être à 5 mois de grossesse, alors que mon compagnon était en déplacement, j’ai craqué, j’ai ouvert une bouteille de vin de notre cave et j’en ai bu un verre, en me disant que mon bébé ne souffrirait pas d’un seul verre, et que le vrai risque était l’ébriété (j’avais regardé de nombreuses vidéos à ce sujet pour tenter de me rassurer ou de me déculpabiliser).
Sauf que le premier verre s’est transformé en deuxième verre et en troisième verre… Je me suis endormie sur mon canapé et me suis réveillée en pleine nuit, paniquée. J’avais un mal de crâne atroce et très très mal au ventre. J’avais un tas de contractions et j’ai paniqué. J’ai appelé mon conjoint sans lui dire que j’avais bu, et il m’a suggéré d’aller aux urgences pour vérifier que tout allait bien.
Quelques heures plus tard, après toutes les vérifications, on m’annonce que mon bébé va très bien, que ce n’étaient que des contractions de braxton-hicks et donc rien de grave. Mais ça a été le déclic. J’ai eu très peur d’avoir fait du mal à mon bébé, je culpabilisais énormément.
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« À ce moment-là, j’ai réalisé que j’étais plus accro que je ne le pensais »
Et puis je me suis refait toute l’histoire : cette envie irrépressible de boire, le fait d’y penser tout le temps, de n’oser en parler à personne, et ces trois verres, seule et enceinte… J’avais honte. Et je crois qu’à ce moment-là j’ai réalisé que j’étais plus accro que je ne le pensais. En fin de semaine, j’ai vu ma sage-femme et lui ai raconté ce qu’il s’était passé. J’ai explosé en larmes en lui en parlant. Comme si je me soulageais d’un énorme poids. On est toutes les deux arrivées à la conclusion qu’il fallait que j’en parle à quelqu’un. J’ai donc pris rendez-vous la semaine suivante avec un psy spécialiste des addictions qui m’a aidé à surmonter cette période jusqu’à mon accouchement. Après l’accouchement, lorsque j’ai eu mon petit Noé dans les bras, j’ai décidé d’arrêter définitivement l’alcool.
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Être sobre : entre soutien et jugement de l’entourage
Depuis le milieu de ma grossesse donc, je n’ai plus retouché à un seul verre d’alcool. Ce n’est pas facile tous les jours, notamment parce que certains de mes amis n’ont pas compris cette décision, estimant (mais c’est leur avis hein) que je n’avais pas un rapport malsain à l’alcool ou que “par rapport à eux ça allait” (c’est vous dire l’état d’esprit de cette bande d’amis, que j’aime pourtant de tout mon cœur).
Mon compagnon lui m’a beaucoup soutenue et a arrêté l’alcool à son tour, en voyant l’effet que toute cette période avait eu sur moi. Surtout, on veut pouvoir montrer à notre fils un schéma dans lequel, contrairement aux nôtres, l’alcool n’a pas une place centrale et n’est pas une condition sine qua nonne pour s’amuser et passer du bon temps entre amis.
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