On dirait une mauvaise blague. Un policier, qui avait laissé « par erreur » un message sur le répondeur d’une plaignante venue porter plainte pour agression sexuelle, et dans lequel il la traitait de « pute » à plusieurs reprises, a été relaxé. Le tribunal de police a estimé que ces insultes ne constituaient pas une « injure non publique en raison du sexe ».
Des faits remontant à 2022
Dans la nuit 4 au 5 février 2022, une femme âgée de 34 ans s’était rendue au commissariat des 5e et 6e arrondissements de Paris afin de porter plainte pour « agression sexuelle en état d’ivresse ». Un autre policier du même commissariat l’avait ensuite rappelée et lui avait laissé un message pour lui demander de venir compléter sa plainte. Pensant avoir raccroché, il avait alors commenté auprès de ses collègues : « Je la rappellerai de toute façon parce que, là, elle doit être en train de cuver. » Lisant à haute voix un extrait de la plainte, il avait ensuite affirmé : « C’est vraiment une pute. (…) Putain, elle refuse la confront’ en plus la pute. Comme par hasard. En fait c’était juste pour lui casser les couilles, je suis sûr. (…) Putain, grosse pute. »
Le message avait été rendu public par Mediapart.
Suspension de quatre mois
Ces injures étaient-elles prononcées à l’attention de ses collègues, ce qui aurait constitué « une injure non publique en raison du sexe », ou pour lui-même, « comme lorsqu’on s’énerve contre un cycliste en voiture », tel que le soutenait le policier ?
Lors de l’audience, début décembre, le parquet avait sommé le tribunal de répondre à cette question « en son âme et conscience ». Comme le retrace l’AFP, le parquet avait suggéré que, dans le premier cas, le policier devait être condamné mais dispensé de peine, étant donné son parcours exemplaire, et que dans le second cas, il devait être relaxé. La jeune femme avait alors dit se sentir « écrabouillée ».
Cette affaire avait mis en lumière une fois de plus les défaillances dans la prise en charge par les forces de l’ordre des victimes de violences sexuelles. D’abord menacé d’être révoqué de ses fonctions par le ministre de l’Intérieur, le policier avait finalement été suspendu pendant quatre mois, avant d’être sanctionné d’une mutation professionnelle, puis en juin 2023 d’une interdiction de contact avec les victimes et les mis en cause. À l’audience de décembre, il avait nié être « sexiste ou misogyne » et s’était dit « vraiment désolé que la victime ait entendu ces malheureux propos ».
En réaction au verdict du tribunal de police, l’avocat de la plaignante a annoncé que sa cliente comptait faire appel. « La présidente du tribunal de police a considéré que le fait, pour un policier, de dire à une femme agressée sexuellement ‘grosse pute’, n’était pas une injure à caractère sexiste », s’est-il indigné auprès de l’Agence France-Presse. « L’institution judiciaire continue à protéger les policiers. Ma cliente souhaite faire appel pour faire changer les mœurs judiciaires. »
Ajoutez Madmoizelle à vos favoris sur Google News pour ne rater aucun de nos articles !
Les Commentaires
En tout cas je trouve ça déjà un progrès que le gars ait été suspendu et sanctionné en interne, et je suppose que l’interdiction interne de parler aux victimes d’agressions sexuelles s’applique indépendamment de la peine. Mais j’ai un peu de mal à comprendre comment un mec qui tient des propos pareils peut avoir eu une carrière exemplaire - même en supposant qu’il marmonnait dans sa barbe, c’est quand même très révélateur de sa vision des victimes d’agression et de son esprit masculiniste. Il a bien dû le laisser paraître à d’autres moments mais j’imagine que c’est juste que personne n’a osé porter plainte…