Pourquoi la droite conservatrice est-elle obsédée par le fait que la culture « pervertisse » ses enfants ? En début de semaine dernière, les parents d’élèves d’un collège catholique alsacien ont fait pression pour que l’établissement ne diffuse pas Tomboy de Céline Sciamma auprès de ses classes de 6ᵉ. Sorti en 2011, ce film fort raconte l’histoire de Laure, 10 ans, qui, récemment arrivée dans une nouvelle ville, se présente sous le nom de Mickaël à ses camarades. Véritable réflexion sur le genre et sur l’identité, le deuxième long-métrage de Céline Sciamma est pourtant inscrit depuis 2012 à École et cinéma, un programme soutenu par les ministères de la Culture et de l’Éducation nationale.
« Un grave danger pour le développement psychologique » des enfants
Jeudi 4 mai devait donc se tenir la diffusion du film, dans le cadre du dispositif « Collège au cinéma qui vise à promouvoir le septième art », détaille la direction diocésaine de l’Enseignement catholique d’Alsace (DDEC). Mais, le projet a été mis à mal par une publication sur le site « Riposte catholique » (se présentant comme un site de « réinformation catholique ») qui ne voyait pas d’un bon œil cette initiative et accusait le collège de mettre « gravement en danger le développement psychologique » de ses élèves.
La rhétorique employée n’a rien de nouveau. Ces derniers mois, plusieurs spectacles de drag ont été interdits dans des écoles à travers le monde entier, suivant des logiques similaires : à chaque fois, il en va d’une prétendue protection des enfants contre tout lavage de cerveau que les objets culturels véhiculant des thèmes « compliqués » comme le genre, l’identité ou la sexualité, pourraient causer.
L’établissement affirme qu’il ne s’agit pas de censure
Une fois de plus, les conservateurs ont donc obtenu gain de cause. Sous le poids des plaintes de parents mécontents, la direction diocésaine a plié sans broncher, concédant que « [l]e public était sans doute trop jeune pour être confronté à une telle œuvre », et préférant « éviter les réactions disproportionnées ». La fatigue est immense.
Interrogé par le quotidien Nouvelles d’Alsace, la direction de l’institution s’est défendue de toute suspicion de censure, clamant avoir simplement « voulu éviter toute nouvelle polémique après les précédentes déjà engendrées par ce film ». En 2013, le parti politique d’extrême droite Civitas avait tout fait pour empêcher la diffusion de « Tomboy » sur Arte, y percevant une « dérive dangereuse ». En parallèle, plusieurs collèges avaient déprogrammé le film, croulant déjà sous les plaintes de parents d’élèves « inquiets » pour leurs ados. Preuve qu’en 10 ans, rien n’a changé.
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Les Commentaires
Cela fait plusieurs années que la « théorie du genre » est largement diffusée par les média de gauche. Le gender est devenu un objet politique. Que des parents d’élèves d’un collège catholique fassent pression pour que Tomboy, associé — à tort ou à raison — à la « théorie du genre » et donc aux « gauchistes », soit viré du programme, c’est plus que cohérent (je mets des guillemets car je reprends des termes-clés du discours de la droite, péjoratifs). Le catholicisme n’est pas gender friendly.