Aujourd’hui, nous allons causer d’un sujet sensible que l’intrépide Jean-Pierre Pernaut lui-même n’ose pas aborder dans son sacro-saint JT : j’ai nommé les rattrapages, plaie estivale venant assombrir les jours de millions d’étudiants plus ou moins désespérés.
À l’heure où le soleil brille et où le commun des mortels aspire à rôtir son gras sur les plages de Palavas Les Flots un repos bien mérité, les étudiant-e-s condamné-e-s aux rattrapages doivent travailler d’arrache pied sous peine de redoubler leur année et de se faire dépecer par leurs parents.
Parce qu’il vaut mieux en rire qu’en pleurer, faisons la liste des situations qui peuvent t’arriver au cours des rattrapages — après tout, un-e étudiant-e averti-e en vaut quatre.
Celui que tu croyais subir, mais en fait non
En sortant des épreuves de la première session, tu hésitais entre la corde et la Garonne. Pendant les six semaines* qui ont séparé tes examens des résultats, tu étais persuadée que le nombre de crédits que tu allais obtenir ne dépassait pas celui les deux chiffres, et tu as commencé à travailler d’arrache-pied pour les rattrapages sitôt les premières épreuves finies.
Mais contre toute attente, tu as été admise grâce à la très sainte compensation inter-semestrielle — la chose paraissait si étrange que tes parents ont appelé le service de la scolarité de ta formation pour vérifier s’il n’y avait pas d’erreur.
Du coup, tu as bossé les rattrapages pour rien, alors que tu aurais pu utiliser ton précieux temps à apprendre par coeur l’intégrale de Patrick Sébastien – c’est ballot ma bonne dame.
*L’administration a ses raisons que la raison ne connaît point, me dit-on dans l’oreillette.
Celui qui n’a pas lieu, finalement
Tu as travaillé d’arrache-pied pour ce partiel — au point d’en faire des rêves érotiques la nuit. Au matin de l’épreuve, tu arrives le coeur léger, prête à tout donner pour ces rattrapages d’historiographie du Moyen-Âge.
Manque de chance, l’amphithéâtre censé accueillir l’épreuve est plus vide que le cervelet de Frigide Barjot : tu t’es trompée d’horaire/de jour/de salle et tu n’as plus qu’à lécher les orteils de la responsable de la scolarité pour avoir le droit de repasser ton partiel. Dans cette difficile entreprise, la rédaction de madmoiZelle t’offre tout son soutien.
Celui que tu n’attendais pas, mais qui t’attend tout de même
Alors que tu pensais avoir tellement réussi tes partiels que tu t’attendais à ce que le président de ton université lui-même t’appelle pour te dire combien il admire tes capacités intellectuelles, tes résultats ne sont pas à la hauteur de tes attentes : tu es ajournée.
A-JOU-RNÉE.
Par ailleurs, les rattrapages sont dans cinq jours et tu n’as pas ouvert un cours depuis des semaines. Sincères condoléances à toi.
Celui que tu ne peux pas passer parce que tu es bloquée dans le métro
La ligne de métro de ta ville, jalouse de la SNCF, s’amuse à la concurrencer en alignant les retards aux causes ubuesques (« un dahu s’est suicidé en se jetant sur les voies », « les agents sont en grève pour protester contre la diffusion de cantiques de Mylène Farmer sur la ligne A », « Aujourd’hui Maman est morte »…).
Or, à cause d’une légère bruine, tu reste bloquée trois heures durant dans ta rame, alors que tu aurais du disserter au même moment sur « Rome et ses provinces sous Octave–Auguste ».
La moitié de ta promo est dans le même cas que toi, mais l’université ne reconnaît pas les retards liés aux transports comme des retards excusables – ce serait trop simple.
Celui qui est tellement facile que tu en as presque honte
« Quelle est la couleur du cheval blanc d’Henri IV ? »
Vous avez trois heures.
Je doute.
Celui qui est tellement fourbe qu’il t’en ferait presque pleurer
Lorsque tu as vu l’intitulé du sujet sur ta copie, tu as d’abord pensé à une mauvaise blague, avant de hurler « Pourquoi tant de haine ? » et de t’enfuir en pleurant de l’amphi.
Mais la surveillante de l’épreuve t’a dit quelque chose comme « fais pas ça, c’est pour l’Amérique », et tu es retournée, tremblante et penaude, affronter l’un des pires sujets de l’histoire de l’université (« Pourquoi la croissance des années 50 est-elle Beveridgienne ? »*). Keynes serait très fier de toi.
*Tu as un bac L et, hier encore, tu croyais que les subprimes étaient des primes accordées aux banquiers les plus travailleurs. Ton agrégation de SES est compromise, tes rattrapages d’histoire économique aussi.
Celui qui t’ôte toute ta force vitale
À force de bosser tant et plus, tu entres dans une phase de dépérissement avancé. Tu ne manges plus, tu ne dors plus, tu ne bois plus, et tes seules distractions sont ces moments d’oisiveté où tu comptes les pages de ton cours d’histoire grecque pour faire le point sur la masse de connaissances qu’il te reste à ingurgiter.
Avec tes cheveux en bataille, tes dents jaunes et ton odeur approximative, tu fais peur aux enfants et, dans la rue, les gens ont tellement pitié de toi qu’ils t’offrent spontanément vingt centimes.
Lorsque les rattrapages seront finis, tu dormiras pendant trois jours et trois nuits entières avant de retrouver une apparence humaine. Courage, jeune Padawan.
Tu penseras à te démaquiller.
Et toi, passes tu aux rattrapages cette année ? Si oui, comment ça se passe ? As-tu plutôt envie de rire ou de pleurer ?
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