Alors que l’heure est à la rentrée et aux cahiers 24×32, il est de bon ton d’évoquer avec nostalgie les années collège-lycée et leur lot de duckfaces en contre-plongée, de petits coeurs dessinés sur un agenda et d’épopées romanesques avec Jean-Kévin, ce preux jeune homme de quatorze ans qui te postillonnait dessus en te déclarant son amour inconditionnel — appareil dentaire oblige.
Mais aujourd’hui, nous allons revivre ensemble ces grands moments de solitude de l’ère scolaire : je parle de ces traumatismes qui t’ont prédestinée à vingt ans de psychanalyse, et qui expliquent ta non-intégration à l’ENS / tes amis imaginaires / ta misanthropie naturelle / le fait que ton caniche nain soit l’unique acteur de ta vie sexuelle (rayer mentions inutiles).
La visite médicale
Tu as bravé avec vaillance les épreuves des courses de la rentrée, des enseignants qui écorchent ton nom avec un plaisir presque sadique, des commentaires acerbes de la bestah-sistah de ta classe sur ton style vestimentaire. Mais il te faudra encore subir les affres de la visite médicale, à laquelle tu ne pourras échapper — à moins d’avoir poney ou entretien avec Chuck Norris ce jour-là.
Le principe ? Tu dois te défaire de ton Levi’s troué et de ton sweat-shirt Goéland, et attendre dans un couloir avec le reste des filles de ta classe. Au bout, une infirmière te pèse, te mesure, prend ta tension et s’enquiert d’éventuels problèmes de santé.
Mais alors que tu montes sur la balance, elle s’exclame (ou tu crains qu’elle ne le fasse) quelque chose comme « Ouh comme elle est grassouillette cette petite ! Faut arrêter le chocolat et les bonbons, sinon tu vas finir obèse ». Ta classe est pliée en deux de rire, et tu as envie de mourir ou de t’exiler quelque part en Sibérie — ce qui revient au même.
Las ! On t’a déjà donné de charmants surnoms qui te suivront toute ta scolarité, et tu commences à nourrir des complexes que tu mettras des années à surmonter. Moralité ? La balance = le mal, la visite médicale = Satan.
La remise des copies, par ordre de mérite
La réussite scolaire dans certaines matières et toi, c’est un peu comme l’huile et l’eau, Nabilla et l’agrégation de grammaire, Bachar el Assad et la paix dans le monde : vous êtes deux concepts parfaitement opposés.
Aussi, quand ton prof de maths distribuait les copies, il prenait grand soin de les trier par ordre de mérite. La première à recevoir le Saint-Graal était toujours Marie-Syphilis, première de classe depuis l’an de grâce 1995.
Et toi ? Tu étais toujours dans les dernier-e-s, attendant avec angoisse que ta copie te soit remise, sous le regard méprisant de tes camarades qui te contemplaient comme si le chiffre de ton QI ne dépassait pas la température sibérienne. Dans ces moments-là, tu avais envie de tout plaquer pour élever des licornes dans le Ladakh.
Le bulletin
Je vous parle d’un temps que les moins de seize ans ne peuvent pas connaître : l’époque bénie où nul Environnement Numérique de Travail ne consignait tes notes négatives et tes absences injustifiées au jour le jour.
Le bulletin te causait moult cauchemars, et tu passais plus de temps à tenter de le subtiliser dans la boîte aux lettres qu’à remonter ta moyenne en physique-chimie – dans la vie, il faut avoir des priorités, ma bonne dame.
Si un bon bulletin ne te rapportait qu’un haussement de sourcils vaguement favorable, un mauvais bulletin était un ticket pour une engueulade familiale en bonne et due forme, à base de « mais-que-va-t-on-faire-de-toi », ou encore « c’est-pas-comme-ça-que-t’auras-l’ENA-ma-pauvre-fille ». À l’époque, tu étais sincèrement persuadée que ce 6 de moyenne en techno* te condamnerait à l’échec scolaire. Depuis, tu as compris que tout le monde s’en fout.
*Une regrettable erreur de maniement du fer à souder a fait FONDRE ton porte-clef lumineux. Tu as bien tenté de faire passer cette boulette pour une oeuvre d’art conceptuel, mais personne ne t’a crue – la vie est injuste.
Malheureusement, même ce regard attendrissant ne suffisait pas à effacer le souvenir d’un bulletin qui te consacrait « cas-désespéré-de-l’année ».
Les cours de sport
Peut-être es-tu la fille naturelle de Teddy Riner et de Marion Bartoli. Peut-être ta collection de trophées surpasse-t-elle ta collection de tampons usagés. Peut-être étais-tu l’une de ces créatures étranges qui aimaient les cours de sport et connaissaient par coeur toutes les règles de la belote.
Ou peut-être étais-tu, comme moi, une fieffée paresseuse qui haïssait être extirpée de son état larvaire naturel pour courir après une baballe ou, pire, faire des tours de piste et cracher la moitié de ses organes vitaux après deux cents mètres de course à pied. Enfant, j’étais cette fille dont aucune équipe ne voulait, qui suait sang et eau rien qu’à l’idée de courir un kilomètre et qui avait une peur bleue des ballons.
Cette terrible situation dura jusqu’au moment où ma poitrine se développa d’une manière si conséquente que je réussis à obtenir un certificat médical stipulant que « la pratique du sport était incompatible avec mon anatomie ». Depuis ce jour, je crois en Dieu.
Si les cours d’EPS ressemblaient à ça, les choses se seraient peut-être passées autrement.
Et toi, quels sont tes pires souvenirs scolaires ? Pleurons ensemble, racontons-nous tout. Bisous sur la fesse droite.
Écoutez l’Apéro des Daronnes, l’émission de Madmoizelle qui veut faire tomber les tabous autour de la parentalité.
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