Un bruit. Meriem Gül cesse soudainement de jouer. Dans la pièce, tout le monde fait silence. Les regards inquiets se tournent vers un pot de fleurs, devenu baromètre sismique improvisé. Les fleurs restent immobiles. Fausse alerte : c’était un camion.
En Turquie, un mois après les tremblements de terre, les familles tentent de continuer à vivre
La fillette de 7 ans continue de s’amuser comme si de rien n’était. Elle va beaucoup mieux depuis le tremblement de terre qui a transformé, en l’espace de quelques secondes, sa maison en paquebot dans la tempête. Au cours des premiers jours, Meriem Gül ne pouvait pas s’empêcher de pleurer et de paniquer en regardant sa maison, pourtant toujours debout. Sa mère et elle se sont donc réfugiées chez les voisins. Tous vivent et dorment dans le salon, l’unique pièce chauffée par un poêle à bois. Dans les régions sinistrées, le chauffage au gaz naturel a été coupé pour des raisons de sécurité. La fillette et sa mère quitteront éventuellement ce refuge pour s’exiler en zone plus sûre.
Des milliers d’enfants vivant dans le sud de la Turquie et le nord de la Syrie ont beaucoup moins de chance. Leurs logements se sont effondrés comme des châteaux de cartes. Ici et là, on trouve des peluches et des jouets dans les décombres. Dans la ville d’Antakya, on a placé des ballons rouges dans les décombres, éphémères monuments funéraires pour les enfants tués dans la catastrophe.
N’ayant nulle part où aller, de nombreuses familles sont restées dans la dizaine de villes turques affectées par les séismes. Dans la ville d’Afşin, située tout près de l’épicentre du second tremblement de terre du 6 février, les familles ont été relogées dans des résidences universitaires et des camps de fortune. Sur un terrain de sport jonché d’amas de neige, on distribue de la soupe chaude et des dons aux sinistrés. Au milieu des tentes, des enfants s’amusent dans une aire de jeux improvisée. Leurs rires clairs donnent un petit air de normalité au paysage dévasté.
Salles de jeux et de soutien psychosocial
Des policiers arrivent avec des sacs remplis de jouets, qu’ils distribuent à la ronde en souriant. D’autres bénévoles jouent au ballon avec les jeunes. Dans un coin, une tente a été décorée avec des cartons colorés : il s’agit d’une salle de jeux et de soutien psychosocial, où des équipes bénévoles font des activités pour guérir les blessures invisibles des enfants.
« Pour que les enfants oublient leur traumatisme, nous faisons des activités, des jeux, nous jouons au ballon, nous faisons du maquillage » explique Zümre Devecioğlu, habitante de la ville qui s’est jointe à une brigade de soutien psychosocial du gouvernement. Comme elle, ils sont plus de 3700 travailleurs sociaux mobilisés par le ministère turc de la Famille dans les zones sinistrées de Turquie.
Plus de 9 millions d’enfants habitent dans les zones touchées par les séismes en Turquie et en Syrie, estime l’UNICEF. Nombre d’entre eux sont susceptibles de développer de l’anxiété, des troubles dépressifs ou post-traumatiques, alerte l’organisation internationale. Il est difficile pour les enfants dans les zones sinistrées de se sentir en sécurité. Des répliques plus ou moins violentes continuent de secouer la zone depuis le 6 février, ravivant les traumatismes.
« Pour plusieurs, je crois qu’ils ne comprennent pas complètement ce qui se passe, observe Alaaddin Şahin, étudiant en sociologie à l’Université de Marmara qui participe aux efforts. Pour ceux qui ont perdu des membres de leur famille, probablement dans un mois ou deux, ils vont demander : “où est mon papa, ma maman ?” et ils n’auront pas de réponse. »
Des besoins humanitaires urgents
Un mois après la catastrophe, il reste tant à faire. De nombreuses familles ont toujours besoin d’une aide humanitaire d’urgence et n’ont toujours pas accès à une tente pour se loger. « Parfois, deux ou trois familles doivent partager l’espace exigu d’une tente », observe Alexandra Saieh, responsable de la politique et du plaidoyer humanitaire pour l’organisation internationale Save the Children.
« Des enfants de moins de 11 ans que j’ai rencontrés m’ont dit qu’ils auraient aimé que leurs édifices soient aussi résistants aux séismes que ceux du Japon, raconte cette dernière depuis la ville de Gaziantep. Le processus de reconstruction va être long. Les enfants sont parmi les plus vulnérables, c’est pourquoi il est important qu’ils se retrouvent dans des endroits sécuritaires avec leurs proches. »
Risques épidémiques
Dans la province de Hatay, le système d’égouts est en ruines. Il manque toujours d’eau potable, de toilettes portatives, de douches et de machines à laver. De nombreux cas de diarrhées ont été observés. De nombreuses organisations ont sonné l’alerte sur les risques d’épidémies. En Syrie voisine, une résurgence de nombres de cas de choléra est d’ailleurs observée avec inquiétude, alors que les infrastructures de distribution d’eau potable sont lourdement endommagées par des années de guerre et les récents séismes. La scolarisation des enfants dans les zones sinistrées est également en danger.
Outre les équipes de secours turques, vivement critiquées pour leur gestion de la crise, des organisations locales et internationales sont aussi sur le terrain dans le sud de la Turquie. L’ONG Save the Children fournit notamment de l’aide matérielle et du soutien psychosocial aux sinistrés. Mais selon Alexandra Saieh, c’est loin d’être suffisant devant l’ampleur de la crise.
Importance de la solidarité internationale
« La reconstruction va prendre du temps, calcule l’experte, qui insiste sur l’importance de la solidarité internationale dans la résolution de cette crise. La situation est terrible et les besoins sont immenses. On a besoin que la communauté internationale se mobilise et soutienne les familles affectées par les tremblements de terre. »
Écoutez l’Apéro des Daronnes, l’émission de Madmoizelle qui veut faire tomber les tabous autour de la parentalité.
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