Dans une décision révélée le 13 mars par Le Parisien, la Défenseure des droits, Claire Hédon, critique la manière avec laquelle l’armée a mené une enquête sur une affaire de harcèlement sexuel dans ses rangs.
Julie (le prénom a été changé) est engagée le 1er août 2016 au sein d’une section équestre. Dès le début de ses prises de fonction, la recrue subit du harcèlement sexuel de la part de son supérieur hiérarchique. « Tu aimes te la prendre par derrière », « tu as un beau cul », « est-ce que tu as écarté les cuisses pendant les classes ? » lui aurait-il dit.
L’homme l’aurait également agressé sexuellement en lui mettant la main aux fesses à plusieurs reprises, lui demandant si elle « en voulait encore » . La soldate se plaint également de visites tardives à la porte de sa chambre, vers 23 heures. « Il venait taper (…), me disait : Laisse-moi entrer, je veux te parler (…). Son comportement mettait en évidence son envie d’avoir une relation sexuelle avec moi », comme le rapporte le document initié par la Défenseure des droits.
« Il me parlait de très près en essayant de me faire peur », « il me crachait dessus (…), il m’attrapait la gorge », décrit-elle, en plus de journées de travail harassantes, aux horaires tardifs et sans pause déjeuner.
Des « lacunes » dans l’enquête interne
La jeune femme s’est un temps tournée vers un responsable. Sans réaction de sa part. Deux ans après sa prise de poste, la militaire saisit Thémis, cellule chargée de traiter les cas d’outrages sexistes au sein du ministère de la Défense. Une enquête interne est alors lancée, mais le rapport de janvier 2019, considère comme impossible « d’affirmer avec certitude » que le mis en cause est « coupable ». Ce dernier écope de 10 jours d’arrêt pour un propos, plutôt anodin, retenu à son encontre.
« La façon dont l’enquête administrative a été menée soulève plusieurs difficultés de nature à affaiblir ses conclusions », assure le rapporte de la Défenseuse des droits, effectué le 21 février dernier.
Pour Claire Hédon, cette sanction « ne peut être regardée comme adaptée ». Les faits « précis et concordants » prouveraient l’existence d’un « harcèlement sexuel » et de « mesures de rétorsion ». Sa décision accable « les lacunes de l’enquête de commandement », allant jusqu’à interroger « l’impartialité de l’enquêteur ».
Car durant l’enquête interne, les entretiens conduits par un commandant de l’école militaire d’équitation n’auraient donné lieu à aucun procès-verbal. Le mis en cause n’aurait même pas été auditionné. Un simple compte rendu écrit lui permet de donner sa version des faits. Sans contradictoire, il récuse « catégoriquement toutes les accusations » portées contre lui.
Julie a porté plainte contre son supérieur le 30 avril 2019. Celui-ci l’avait lui-même poursuivie pour dénonciation calomnieuse quelques mois plus tôt. En attendant l’avancée de ces dossiers, la Défenseure des droits presse le ministère des Armées de procéder « à la réparation de l’intégralité des préjudices subis », qu’elle juge « considérables ».
En congé maladie depuis 2018, Julie craindrait de ne plus jamais pouvoir reprendre ses fonctions.
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