La sortie d’un nouveau roman de Haruki Murakami est un évènement majeur du paysage littéraire mondial. Son treizième livre, L’incolore Tsukuru Tazaki et ses années de pèlerinage, s’est écoulé à un million d’exemplaires au Japon, en un mois seulement. En Pologne, le livre est proposé à la vente dans plusieurs distributeurs automatiques !
Chez nous, même noyé au milieu de la rentrée littéraire, puisqu’il est disponible ce jeudi 4 septembre, L’incolore Tsukuru… risque de faire du bruit. Mais ce nouvel opus, bien plus mince que l’imposant 1Q84 (l’oeuvre précédente de Murakami), est-il à la hauteur de l’attente ?
Tsukuru Tazaki, l’incolore laissé-pour-compte
Il y a quinze ans, Tsukuru Tazaki faisait partie d’une bande de cinq très bons potes dans la modeste ville de Nagoya. Ses deux amis et deux amies avaient tous un nom de famille tiré d’une couleur : rouge, bleu, blanc et noir. Lui seul possède un nom de famille classique, incolore…
Cette mise à l’écart, qui n’était que symbolique, devient réelle lorsque, du jour au lendemain et sans explication, sa bande refuse de lui adresser la parole. Le cordon tranché net, Tsukuru se voit contraint d’affronter seul sa vie universitaire à Tokyo. Il vivra ainsi plus d’une douzaine d’années avec cette blessure ouverte. Sa rencontre avec une nouvelle femme, Sara, le forcera à chercher des réponses à ses questions. Car, d’après elle, il lui sera impossible de se donner à une nouvelle histoire sans clore la précédente.
Un « vrai » Haruki Murakami…
On retrouve au fil des quatre cent pages du roman tous les tics et obsessions de l’auteur
. Murakami y glisse des références au jazz, à la musique classique, aux grands auteurs français. Il décrit des rêves pas vraiment prémonitoires, des rencontres un peu fantastiques…
Bien que très terre-à-terre comparé au reste des livres de Murakami, plus proche de La ballade de l’impossible que de 1Q84 par exemple, L’incolore Tsukuru… conserve cette ambiance un peu flottante, nuageuse. On se demande parfois où est le réel, glissant d’un paragraphe à l’autre jusqu’à la prochaine situation claire. Le style, lui, reste fait de phrases courtes et de douces comparaisons. On frôle parfois le mièvre, tout en choisissant de ne pas s’en agacer.
Si l’intrigue bascule entre plusieurs temporalités — la jeunesse du protagoniste, sa rencontre avec Sara, sa quête de réponses, sa dépression étudiante — le livre garde une certaine propulsion. La découverte d’un secret reste le nœud de l’histoire et le livre avance en ce sens, malgré la présence de quelques apartés.
…plus dur et réaliste que ses oeuvres précédentes
Si tout ne sera pas élucidé, si plusieurs sous-intrigues resteront en suspens, la réponse à la question de l’éloignement des amis colorés sera, elle, bien dévoilée. C’est l’occasion pour le livre de prendre un tournant plus sombre, inattendu, et potentiellement dur pour le lecteur…
Heureusement, cet aspect n’est pas le nœud de ce qui hante Tsukuru qui, comme chacun d’entre nous, désespère avant tout de savoir ce pour quoi il est là, qui il est vraiment. Le « pèlerinage » du titre, le chemin emprunté par le personnage principal, est surtout celui de la quête de soi.
C’est à ce titre que de nombreuses thématiques sont brassées, des choix de vie jusqu’à la capacité à aimer, en passant par le rapport au corps, le travail, le voyage. Autant de thèmes traités avec justesse et douceur par le livre, provoquant des questionnements, touchant le lecteur.
Plus court, plus réaliste, parfois plus dur que ses précédents romans, L’incolore Tsukuru Tazaki… est plus qu’un bon Haruki Murakami : c’est surtout un excellent moyen de découvrir l’auteur, d’appréhender son univers. Ceux qui le connaissent déjà retrouveront ce qu’ils aiment, cet ensemble de détails qui font que l’on reconnaît ce style et ces intrigues entre mille.
Surtout, personne ne devrait être déçu. Le succès du livre au Japon, et ailleurs, n’est pas immérité. Murakami reste, cette année encore, une valeur sûre !
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Merci pour l'article.