Manger, c’est bien. Je pourrais passer ma vie à ça, vraiment. Je me lèverais à 10h et je mangerais, sans discontinuer, jusqu’au coucher. Je mangerais du fromage dans la douche, des fruits sur les toilettes et des sandwichs en marchant — des sandwichs avec des chips dedans. Ma vie serait alors parfaite et je deviendrais plus ou moins un objet cylindrique dont le seul but est de faire rentrer des trucs d’un côté et sortir les mêmes trucs de l’autre*. Ce serait bien.
Ce serait bien mais il faut bien se rendre à l’évidence, manger, c’est comme la fessée : y a pas que des arguments pour. Certains petits détails à première vue insignifiants peuvent littéralement te pourrir ton repas. Dézinguons-les ensemble avec toute la verve molle de ma prose.
*Ah, attends : on dirait que je plagie de manière nulle et triviale Amélie Nothomb. C’était pas le but et, promis, je ne gagne aucune royalties sur cette comparaison.
Avoir les yeux plus gros que la fente
Parfois, on est tellement contentes de manger qu’on y met un peu trop de notre coeur. On se dit dans notre élan que, oui, cette moitié de steak de boeuf ou de tofu rentrera dans notre bouche sans problème. C’est faux : on doit ouvrir la bouche bien trop grand pour faire rentrer le tout, et à moins d’avoir quelque chose à prouver à la personne qu’on a en face de nous façon « REGARDE TOUT CE QUE JE PEUX METTRE DEDANS C’EST FOU HEIN WINK WINK », ça n’a aucun intérêt.
Mais pire, il y a le moment de la mastication : mâcher ce gros morceau de steak, c’est se mettre un obstacle sur le chemin de la satiété. Ça fait mal à la mâchoire et pour peu qu’on soit obligée de garder la bouche ouverte pour croquer dedans, bonjour la grâce.
Si on mange seule, face à un mur, pourquoi pas. Si on mange au milieu d’une ribambelle de collègues ou camarades de classe, on passe pour une gentille truie qui a envie de partager avec autrui le fond de sa glotte. Après les gens n’osent plus te regarder et te parlent en s’adressant au vide, c’est le début de la marginalisation si on fait pas attention et c’est triste.
Pire : après, il te reste plus que la moitié de ton steak. Et en dix secondes de repas, c’est dramatique.
Du coup j’essaie de me forcer à faire comme ça.
Éternuer en mangeant des spaghettis
Les spaghettis, c’est génial : ça coûte pas cher, ça va avec tout et un rien les rend délicieux. Les spaghettis c’est la vie et je crois bien que je pourrais ne manger que ça. Le souci, c’est qu’il y a des moments où il vaut mieux éviter d’en manger :
- avant d’aller à une soirée où tu sais que tu boiras trop (car les spaghettis, dans un sens ça va, dans l’autre ça ressort jamais complètement),
- quand tu as un rhume.
Je vais pas te faire de dessin : quand on éternue, il y a des chances pour que ce qu’on mange remonte quelque peu dans le nez. Quand c’est un spaghetti qu’on n’a pas suffisamment mâché, c’est un véritable drame : on passe le reste du repas à essayer de se moucher très fort pour l’extraire et la perte de temps est totale.
Le morceau de gingembre
Parfois, entre deux repas faits de tranches de bacon et tartines de fromage fondu, je me souviens que j’ai un corps, et que ce corps, il faudrait au moins que je fasse semblant d’en prendre soin. Faire semblant suffira, oui : je crois profondément aux vertus de la méthode Couenne.
Alors du coup des fois, je mange des sushis. C’est très bon, c’est presque sain et c’est fait de bon gras. Le truc, c’est que dans les plateaux de sushis, il n’y a pas que des sushis. Il y a le wasabi (et ça, moi j’aime bien), mais il y a surtout le gingembre.
En un sens, c’est très bien et très pratique, parce que c’est un dentifrice naturel, à ce qu’il paraît. Le genre de trucs qui te permet de pouvoir parler aux gens en face sans qu’ils devinent que tu t’es gavée de poisson cru. Bon. Pourquoi pas.
Le truc c’est que le gingembre, ça plaît pas à tout le monde, surtout en tranches, comme ça, pur. Chaque fois que j’en mange un bout, je le fais parce que je suis déjà nostalgique de mes sushis et que je voudrais en avoir encore plein. Résultat : le reste de goût que j’avais sur les papilles est comme assassiné au marteau par une saveur tellement forte que j’ai l’impression d’avoir croquer dans une ballistic de Lush. Bravo le veau.
Tomber sur un cookie aux raisins secs
Dans la vie, il existe deux sortes de déception. La déception de croire qu’on t’a organisé un anniversaire surprise parce qu’on t’a jetée à l’arrière d’une camionnette alors qu’en fait, tu te fais kidnapper et, juste en-dessous, la tristesse de réaliser que le cookie dans lequel on croque n’est pas aux pépites de chocolat, mais aux raisins secs.
Être assise sur une chaise bancale
Pire scénario possible : tu es au restaurant et tu vas te faire péter le bide, tout ça aux frais d’autrui (et on est bien d’accord : tout est meilleur quand on ne paye pas). Tu penses profiter, t’enjailler dans la bouche, sentir ton ventre frémir de plaisir, et soudain, en bougeant légèrement la fesse, tu comprends.
Tu comprends que ta chaise est bancale et que, maintenant que tu l’as réalisé, tu ne penseras qu’à ça. L’établissement est plein et tu ne peux malheureusement pas t’asseoir ailleurs. Tu essaies de blinder le dessous de ta chaise plus court avec des Kleenex, mais ça ne suffit pas. Tu dois subir. Et tout a une saveur plus amère et plus triste.
Ceci est du vécu, et c’est assez difficile d’en parler parce que je suis du genre à tout organiser (aller vider ma vessie pour être détendue, mettre mon téléphone en silencieux, m’attacher les cheveux pour pas en avoir dans la bouche) pour profiter au mieux d’une plâtrée de pâtes aux épinards en conserve, alors je te raconte pas la déprime quand un truc comme ça m’arrive au restaurant.
Du coup j’ai trouvé la parade : je mange plus que des biscuits sur le canapé.
Sur ce, c’est bientôt l’heure de manger dans notre fuseau horaire : pense bien à tout ce que je viens de dire pour faire de ce moment une petite perfection du quotidien.
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Les Commentaires
Vos gueules les gens, je me fous particulièrement de savoir à quoi ça ressemble et ce que ça vous inspire, car c'est moi qui vais le manger.