C’est fou comme nous sommes calibrés pour savoir ce qui est bien ou non. Par exemple, tu sais qu’il n’est pas conseillé d’enfermer ton voisin à la cave et qu’il vaut mieux lui offrir une tarte à la rhubarbe. Ton éducation et ton expérience t’informent qu’être courtoise attire la sympathie, alors qu’emmurer les riverains dans ton cellier t’apporterait seulement mauvaise réputation et flics aux fesses.
Jusque là, tout est logique.
Pourtant, tout n’est pas aussi clair et limpide dans mon esprit sans cesse en ébullition. Parfois, je me lève et me demande : pourquoi nos moeurs sont-elles si chiantes ? Il y a ces choses que l’éthique nous interdit de faire, parce qu’elle nous permet de vivre dans un monde meilleur où personne ne s’entretue pour le dernier Ferrero Rocher. Finalement, je ne me plains pas.
Petite, il y a des choses que mes parents m’interdisaient. À mon grand dam, je n’avais pas le droit d’aller à l’école cul nul, ni de me trimballer fièrement avec l’index dans le derrière. Plus tard, je me suis rendue compte qu’ils n’avaient peut-être pas tort, qu’il était impossible de se rendre à un entretien d’embauche en se tenant comme une guenon, que c’était la vie, la vraie, et qu’il faudrait que je m’y fasse.
Mais moi, je vois ce qui se trame. Je sais que l’entière totalité de la population mondiale ne peut pas se restreindre aux règles de politesse de base. Je mettrais ma main à couper que toi aussi, tu as déjà testé tout un tas de trucs… sans grand jamais, être prête à l’avouer
Se ronger les ongles des pieds
Avoir les cuticules en ruines n’est pas très bien vu. À l’heure où ta kératine se colore en jaune et où tes griffes ne sont pas sortables sans nail art, tu n’as pas intérêt à laisser entrevoir des moignons mal entretenus.
Je me ronge les ongles depuis toujours. Les gens ne s’attardent jamais sur ma manucure de la honte, mais je ne me suis jamais sentie mal pour ça. D’ailleurs, je suis actuellement en train de mâchouiller le bout de mon doigt et tout le monde s’en contrefout.
Par contre, j’aimerais voir la tête de mes collègues si je me mettais à grignoter les ongles de mes pieds.
Cris d’horreur, évanouissement, appel des services psychiatrique, tout le monde me prendrait pour une aliénée vouant un culte à la corne et la transpiration. Pourtant, je suis sûre que tu t’es déjà surprise à grignoter ce bout d’ongle pointu entamant ta chaussette. La pénurie de coupe-ongle te rendait chèvre et tes dents t’ont rapidement rappelé à quel point elles pouvaient être tranchantes.
Tu n’as pas réfléchi, ta bouche a effleuré ton gros doigt de pied. Tu as été rapide, précise et discrète. Personne n’en a jamais eu vent. Tu gardes ça au fond de toi comme une épreuve indécente, mais quelque peu libératrice.
Mais tu sais quoi ? Tout le monde a déjà posé ses lèvres sur sa voûte plantaire
— ou, du moins, a déjà essayé.
Parce que bon, faut être souple pour ces conneries.
Faire des vérifications après la tempête
T’est-il déjà arrivé de te moucher ? J’imagine que si tu fais partie de l’humanité, ta réponse sera positive. Tout le monde se mouche, c’est normal, naturel et salvateur.
Personne n’a honte de déverser sa morve dans un bout de papier enrichi à l’aloé vera. Personne ne se bouche les oreilles en signe de protestation face au grondement et autres râles d’un nez qui souffre. Personne.
Par contre, je peux t’assurer qu’un bon paquet de gens regardent le fond de leur mouchoir, mais ça, ça se fait discrètement. L’humanité n’est pas encore prête à affronter ses mucosités.
Tout le monde part du principe que l’humain se mouche et jette l’objet du délit dans une corbeille. Pourtant, il passe souvent par une étape intermédiaire afin d’attester du bon fonctionnement de son système immunitaire. Que celle qui n’a jamais lancé un regard désemparé à son mucus couleur citron me jette la première pierre.
C’est bien ce que je pensais.
Il est donc logique que ce phénomène se prolonge aux toilettes, sur ta feuille de papier Moltonel. Je te passe bien entendu les détails, mais je sais ce que ça fait de s’imaginer être la seule à reluquer son fond de culotte. Car oui, ça marche aussi avec les slips sales.
Bon appétit. Comme toujours. Avec les compliments du chef. À savoir, moi.
Goûter
Comme nous ne sommes pas là pour parler torchons et Tupperware, je te propose de continuer sur cette belle lancée avec un autre truc inavouable.
Si je suis présentement en train d’écrire un papier sur les manifestations gênantes de notre esprit humain, ce n’est pas par hasard. Tout part d’une conversation tout à fait anodine avec ma chère moitié qui, tout à coup, m’a demandé si j’avais déjà eu l’occasion de goûter l’intérieur de mes oreilles.
J’ai pris mon plus bel air virginal, priant pour avoir l’air crédible. J’ai nié en bloc. Il m’a assuré que le goût était encore plus dégueulasse que du vernis amer. J’ai fait mine d’être très intéressée par cette information capitale. Au fond, j’avais beau mimer un air dégoûté, je savais bien de quoi il parlait. L’humain, en plus de vouloir tout contrôler, a la particularité d’être bien trop curieux.
Et mettre son doigt un peu partout est une occupation tout à fait valable.
http://youtu.be/dfdMJcql1D8
En même temps je crois qu’on nous conditionne dès le plus jeune âge.
Cesse donc de rougir en repensant à la fois où ton voisin t’a surprise, le doigt dans ton nez : tout le monde le fait. Promis.
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