Le problème quand on passe beaucoup de temps sur Internet, c’est qu’il finit par s’infiltrer dans les plus sombres recoins de notre cerveau, s’incrustant de plus en plus d’année en année, et amenant son petit lot d’emmerdes au fur et à mesure. Voici donc trois trucs vraiment chiants que nous sommes malheureusement trop nombreux-ses à faire sur Internet et qui finissent par faire plus de mal que de bien.
Surveiller son ex
Après trois heures du matin, quand on est seul-e et qu’on arrive pas à dormir, on réfléchit plus vraiment rationnellement. Après huit allers-retours jusqu’à la cuisine, qui nous permettent de constater que rien ne s’ajoute au frigo quand on a le dos tourné et qu’on a toujours pas super envie de manger le yaourt à la poire ou le reste de gouda qui traînent sur ses étagères, on finit souvent par vriller.
Après avoir fait le tour de tout ce qui déconne dans notre vie, qu’on aimerait bien changer mais pas avant d’avoir pleuré six ou huit mois sur notre sort, on se pose devant un ordinateur en espérant se changer les idées.
Mais à cette heure-là, il ne se passe plus grand-chose sur Facebook et tous les américains qu’on suit sur Twitter sont en plein commentaire de Game of Thrones ou True Blood, alors pour éviter les spoilers alors on ferme tout.
On fait le tour des sites habituels, et on revient sur Facebook, en espérant qu’un-e pote se connecte, qu’un-e admirateur-rice secret-e nous envoie une déclaration enflammée. On écoute de la musique pour se changer les idées, mais tout nous rappelle quelque chose de plus ou moins négatif.
Quand soudain, c’est le drame. Votre chanson. Celle sur laquelle vous vous étiez dit « Je t’aime » pour la première fois, il y a quatre ou cinq piges.
Exemple de chanson romantique.
Les souvenirs se précipitent alors au premier plan de votre cerveau, un peu comme la cascade de sang dans Shining, et rien ne peut les arrêter. Il est tard, vous êtes fatiguée, vous avez la larmichette facile et un rien peut vous faire basculer – alors vous tapez son nom sur Facebook. Puis dans Google.
Vous cherchez un blog, une photo compromettante, une rubrique nécrologique, n’importe quoi : il vous faut quelque chose. Vous vous roulez donc dans cette flaque de nostalgie, respirant les douces vapeurs des échecs passés, et vous tentez de vous persuader que vous aviez besoin de cette petite rechute pour évacuer les mauvaises ondes
avant d’aller pleurer dans le bac à douche en hurlant sur une chanson de Staind jusqu’à ce que les voisins vous sortent de votre torpeur en frappant sur les murs et vous envoient au lit.
Bien au chaud sous votre couette, le visage confortablement installé dans un mélange de larmes et de mucus, vous vous endormez, paisiblement.
Le réveil sera pénible.
Regarder des filles plus belles que nous
Malgré tous les efforts qu’on peut faire au quotidien pour niquer nos complexes, reprendre le contrôle de notre corps et de notre image et envoyer chier les diktats de la môôôde et de la société de consommation, nous ne sommes pas infaillibles.
Il nous arrive d’avoir envie de cracher à la gueule de notre reflet, de porter une combinaison de ski en juillet pour cacher nos difformités imaginaires, et de vouloir extraire notre esprit de notre enveloppe corporelle pour se débarrasser du fardeau de l’apparence, au moins pour quelques heures.
Cet état d’esprit — qui n’a pas toujours besoin d’un prétexte pour pointer le bout de son nez — peut également être déclenché par une décision tout à fait saine. Comme par exemple, aller faire un tour sur Lookbook, à la recherche d’un peu d’inspiration. Ou partir à la recherche d’une nouvelle paire de pompes pour les beaux jours. Ou simplement rattraper votre retard de lecture sur vos blogs de meufs préférés.
Rien de bien inhabituel, rien de très risqué. Mais alors que vous étiez persuadée d’être dans un excellent état d’esprit, le tonnerre se met à gronder dans votre crâne, annonçant l’arrivée d’une sale créature qui s’est fait sa place dans votre cerveau au fil des années. Celle qui ne se pointe que quand elle a quelque chose de désobligeant à dire. Qui prend un malin plaisir à vous voir vous émietter sous ses yeux à la moindre petite réflexion.
Soudain, cette jeune fille bien habillée, bien coiffée, au teint frais comme la rosée du matin, qui sourit de toutes ses dents sur votre écran, n’est plus qu’une inspiration. Elle devient un rappel de tout ce que vous ne serez jamais, le sommet de votre Everest personnel, inatteignable, douloureusement palpable.
En réalité, vous savez très bien que si vous ne parviendrez jamais à devenir cette personne, c’est parce que vous êtes déjà vous-même et que c’est vachement sympa, la plupart du temps. Mais là, tout de suite, c’est le plus grand drame de votre vie.
Vous n’avez pas la bonne morphologie, la bonne teinte d’émail, la bonne ondulation capillaire. Vos yeux ne sont même pas de la bonne couleur, et puis vous avez une narine plus longue que l’autre et vous savez très bien que tout le monde le remarque mais que personne ne vous dit rien uniquement par politesse. Ça ne fait aucun doute.
Résultat des courses, on finit par enfiler un vieux jogging, ouvrir un sachet de Cheetos et s’envoyer des poignées de colorant orange fluo dans le gosier en regardant des documentaires animaliers, pour oublier qu’on fait passer Quasimodo pour la prochaine Heidi Klum en comparaison avec nous. Et encore, on est pas à l’abri de pleurer de jalousie devant la cambrure d’une antilope.
Se frotter aux gens talentueux
Une fois qu’on a passé le cap du physique, qu’on se rend finalement compte, après une bonne nuit de semaine et une grosse douche, qu’on est plutôt pas trop mal au final, c’est le cérébral qui prend le dessus.
Là encore, tout part d’une très bonne intention : étendre son champ de connaissances, aller voir ce qui se fait ailleurs (que ce soit dans notre domaine d’expertise ou dans un délire totalement opposé au nôtre), s’instruire, ouvrir son esprit, s’inspirer du travail des autres. Traîner dans la cour des grands, en quelque sorte.
Voyage organisé à Hipsterland
Si vous écrivez, vous lirez des textes poignants, qui prennent aux tripes, qui retournent le cerveau et font exploser les coeurs. Si vous peignez, vous visiterez des galeries virtuelles, flânant au milieu des plus grands maîtres, analysant chaque coup de pinceau en vous imprégnant de l’histoire des oeuvres qui vous titillent la rétine. Si votre came c’est le tricot ou le crochet, vous vous perdrez dans l’océan de blogs et de boutiques Etsy spécialisées, faisant l’inventaire de toutes les possibilités, de tous les défis qui attendent vos aiguilles.
Peu importe ce qui vous fait vibrer, vous trouverez toujours une large communauté de vos semblables sur Internet. Quel mal peut-il bien y avoir à ça ?
Il arrive toujours un moment où on doute de nos capacités. Pour les plus chanceux, ça arrive une fois par mois, pour d’autres c’est trois fois par semaine, et pour les cas les plus avancés c’est huit cent fois par jour (coucou !).
Ça irait encore à peu près si on n’avait personne à qui se mesurer, mais il y aura toujours plus talentueux que nous, c’est la règle, et on devrait se contenter de l’accepter et d’en faire un moteur (« Un jour je serai le meilleur dresseur le plus talentueux d’un autre, et ça le motivera à me défier, et je devrai alors défier celui qui se trouve au-dessus de moi et on ne fera que monter et s’améliorer et ce sera super »).
Au lieu de ça, on a souvent tendance à prendre la présence de gens talentueux et prospères comme une promesse d’échec — au lieu de prendre ça pour ce que c’est réellement, à savoir un signe d’encouragement.
Mais non, d’un coup tout paraît logique : les places sont limitées, déjà occupées et seule l’élite pourra passer derrière le cordon de velours. Et c’est pas nous, petits rien-du-tout que nous sommes, qui allons changer les choses et défier les muses.
À quoi bon continuer, puisque mon voisin se démerde mille fois mieux que moi ? Pourquoi parler d’un sujet qui a déjà été abordé de fa!on géniale par ce mec que personne ne connaissait la semaine dernière ? Je suis sûre que tout est plus facile pour les autres, le fait même que j’accouche de chaque chose dans la douleur prouve que je ne suis pas faite pour ça, et j’aurais mieux fait d’écouter mon père et de faire de longues études, j’en serais pas là aujourd’hui, et bla, bla, blaaaargh.
Alors, plutôt que de prendre une douche bien froide et de se remettre au boulot, on préfère lâcher l’affaire, remettre le tout à demain, en espérant que d’ici là, quelque chose se réveille en nous, quelque chose d’unique, de génial, de révolutionnaire. C’est toujours mieux (non) que d’essayer de faire quelque chose de sympa en attendant que vienne le triomphant Eureka qui changera tout.
Et quoi, qu’est-ce que tu fais sur Internet en sachant pertinemment que ça ne va pas te faire beaucoup de bien ?
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