J’ai pas à me plaindre : je ne vis pas très loin de chez mes parents. Disons qu’aller les voir me prend maximum trois heures, trajet pour aller à la gare compris. Ça va, quoi, je suis pas trop mal lotie, surtout quand je compare ma situation à celle des gens qui vivent carrément à des milliers de kilomètres des leurs. Moi, franchement, je les vois environ toutes les cinq semaines. Donc vraiment, j’espère que si tu es très loin de chez tes parents et que tu les vois très peu, genre moins de trois fois par an, tu ne m’en voudras pas trop.
D’ailleurs, j’ai mis des guillemets à « loin » dans le titre. Pour bien montrer que je me trouve plutôt chanceuse. J’aimerais que du coup, que tu m’imagines bien lire le titre à haute voix en faisant des guillemets avec les doigts.
Mais voilà, quand j’entends des gens parler de « hier, quand ils ont dîné chez leurs parents », ou qu’ils ont « déjeuné avec leur mère pendant la pause », ou qu’ils ont « pris l’apéro avec leur père à l’Happy Hour » ou que « leurs parents leur ont déposé un truc vite fait », je suis un petit peu jalouse.
C’est le genre de trucs qu’on est plein à ne pas vivre de façon très fréquente. Tous ceux et toutes celles qui, comme moi, ont grandi à la campagne et avaient envie de vivre dans une ville, tous ceux et toutes celles qui ont préféré déménager à plusieurs heures du domicile familial, pour une raison ou pour une autre.
Même si je ne regrette en rien les choix de vie que j’ai faits (je vis à Paris, aujourd’hui, et je ne changerais de lieu de résidence pour rien au monde), beh, il y a bien quelques trucs qui me manquent (en plus de mes parents, je veux dire) par rapport à ceux et celles qui résident dans la même ville que leurs parents.
Le repas du dimanche
Par exemple, le repas du dimanche. Que dans ta tribu, on soit plus poulet acheté sur le marché, restes de la veille ou grosse marmite pleine d’un mets délicieux fait maison qui mijote, le dimanche midi, c’est pour beaucoup de famille le repas des retrouvailles. Y a une sorte de blues qui me saute à la gorge le dimanche vers 11h30, parfois, quand je suis toute seule ce jour-là, d’autant plus si je suis sortie la veille.
Le repas de famille du lendemain de soirée, c’est quand même encore mieux que la vie : bien sûr, on est fatigué-e-s, et on râle un peu de ne pas pouvoir dormir plus longtemps le matin mais tout de même. Cette joie intense de se blinder la panse d’un plat chaud et savoureux qu’on hume à peine les yeux ouverts, entourée des siens… Moi, ça me fait totalement disparaître la toute petite tristesse que je peux ressentir le lendemain d’une soirée soit 1) parce que je suis nostalgique de la fête soit 2) parce que j’ai bu et que l’alcool a sur moi le lendemain un effet dépressif.
Eh bah le repas du dimanche, avec les parents, du bon manger et la chaleur d’un lieu avec des gens dedans, c’est vachement mieux qu’un repas du dimanche à base de pain sec et d’oeufs durs parce qu’on a la flemme d’aller faire les courses, toute seule devant la télé avec une vieille odeur de pâté qui sort de mes aisselles parce que j’ai la flemme d’aller me laver. J’trouve.
Ça m’arrive pas tous les dimanches non plus, mais quand ça m’arrive, j’ai drôlement envie d’avoir un jet privé pour rentrer en terres natales, et c’est frustrant de se dire qu’on ne peut pas décider une heure avant et débouler chez les parents après dix minutes de transports.
Moi ne cachant pas mon enthousiasme quand j’arrive chez mes parents et que je sens l’odeur du barbecue et des frites.
Pouvoir juste « passer »
Bah oui parce que voilà : tu peux pas décider au dernier moment de rejoindre la famille pour le repas
(après leur avoir demandé s’ils étaient d’accord, hein, tout de même) quand ils n’habitent pas dans la même ville que toi. Tu peux pas simplement « passer à la maison », ni pour un déjeuner, ni pour un dîner, ni pour un café.
Ce n’est pas que j’envie les gens qui sont carrément voisins de leurs parents ; pour moi, ce serait trop près. Je pense que, selon moi, trente minutes à pied/en bus/en métro, c’est l’idéal ; suffisamment loin pour ne pas être trop intrusif, suffisamment proche pour pouvoir passer de temps à autre, une ou deux fois par semaine, et rester une heure ou deux, juste le temps de se remonter le moral, si besoin ou par anticipation.
En même temps, je te raconte pas la gueule que je tirerais si mes parents, motivés par cet article, venaient vivre à Paris et me privaient ainsi des week-ends COMPLETS au calme, avec eux et les animaux. Donc bon, l’un dans l’autre, aucune situation n’est tout à fait idyllique.
Ne pas savoir par où commencer
Depuis que je ne vis plus tout prêt de la famille, et malgré l’existence d’un outil vraiment très pratique qui s’appelle « téléphone », j’en viens à être un peu angoissée quand on me demande « quoi de neuf ? ». Non pas que la question en elle-même me fasse flipper : j’adore parler de moi à mes proches.
C’est juste que… je sais pas par où commencer. Je veux dire, y a certains trucs que j’ai pas forcément envie de raconter au téléphone et sur environ cinq semaines, mine de rien, il se passe pas mal de choses.
Salut maman j’ai un troisième sein qui pousse je voulais que tu le saches bon j’te laisse parce que ça arrête pas de couper vu que j’suis dans le métro hihi allez bisous.
Sauf que si un truc de zinzin se passe la première semaine après avoir vu ses parents, et qu’il te reste quatre semaines et demi avant de les voir, MAIS que tu ne veux pas le dire au téléphone, beh, y a des chances pour que t’oublies. Franchement, si t’as une technique pour ne pas zapper de raconter des évènements importants à tes parents, vas-y, fais tourner : je prends.
Les animaux
Chez mes parents, il y a un vieux chien, que je connais depuis mes onze ans.
Ce chien, il a donc quinze ans. Il est bélier, comme moi, il a le regard un peu débile, comme moi, et parfois, il sent vachement fort du poil comme m ah non on avait dit que j’gardais ça pour moi.
Ce chien, il est vieux. Quinze ans, c’est vieux pour un chien.
Et il sent fort parfois, donc, mais c’est le plus gentil et le plus marrant et je l’aime drôlement fort. Je l’aime aussi fort qu’il sent fort, c’est pas peu dire.
Il est vieux et un jour il va mourir et je serai là ni pour lui dire au revoir, ni pour consoler les membres de la famille qui seront tristes. Et ça, ça va être vachement nul.
Le fait qu’ils connaissent pas tous mes potes
Y a un truc qui fait bizarre, c’est que, quand t’es enfant et adolescente, y a pas moyen que tes parents ne connaissent pas tous tes amis. Parce qu’ils t’amènent en voiture chez eux, parce que tes potes viennent chez toi, parce que les parents entre eux s’arrangent pour en déposer plusieurs d’un coup au collège…
L’autre jour, j’ai réalisé qu’aux trois-quarts, mes potes et mes parents ne s’étaient jamais vus, tout simplement parce qu’ils n’en avaient jamais eu l’occasion. C’est un peu comme si j’avais deux aspects importants de ma vie qui n’allaient peut-être jamais se rencontrer. C’est pas dramatique, c’est juste une question d’opportunité qui ne s’est jamais présentée, mais ça fait bizarre, dis, heureusement qu’il y a Facebook pour que je puisse montrer les faciès des concerné-e-s quand ils apparaissent dans une anecdote que je relate à mes parents.
Et — ce sera mon dernier point – un des trucs qui me dérangent le plus, c’est que si t’as le malheur de dire que tu t’ennuies de tes parents, les gens te trouvent immature, du genre, incapable de prendre son indépendance. Je trouve ça faux : mon indépendance, je l’ai prise. Je suis heureuse avec la vie que je mène, dans la ville où je la mène, et j’ai une chance de dingue de n’être qu’à trois heures porte-à-porte du foyer familial. J’ai aussi une autre chance : celle de m’entendre à merveille avec ces humains formidables qui sont mes parents.
Franchement, j’ai beau chercher, je ne vois pas où est le manque d’indépendance dans le fait de parfois avoir un petit coup de blues à l’idée de rater encore un anniversaire, une fête des pères ou de ne pas voir des personnes qu’on aime pendant encore quelques semaines. Y a selon moi un monde entre l’esprit de famille (et la chance d’en avoir une si cool) et la dépendance. Mais peut-être que j’ai tort.
Et toi, tu vis très loin, loin ou « loin » de tes parents ? Qu’est-ce qui te manque le plus ?
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Les Commentaires
Pour ma part, je suis partie de chez moi à 17 ans et je rentrais tous les week-ends. Quand j'ai vu que j'avais droit à des petits reproches à chaque fois que j'avais le malheur de passer le week-end ailleurs... j'ai décidé de partir au Canada pendant 3 mois, de quitter ma cambrousse natale pour vivre autre chose. Et puis j'ai fait une coloc. Puis une deuxième. Et une troisième. Et j'ai déménagé plein de fois. Et depuis, je n'ai jamais vraiment quitté les grandes villes et je voyage beaucoup. Le "déclic" dont tu parles a eu lieu, sans être forcément voulu Alors bien sûr, le côté "cocon" me manque souvent comme je disais dans un précédent commentaire, mais le jour où la relation avec ton père te pèsera plus qu'elle ne te satisfait, je crois que tu sauras toi-même qu'il est temps de quitter le nid !