« Ma mission est de réécrire une histoire visuelle queer et trans noire de l’Afrique du Sud, pour sensibiliser le monde à notre résistance et à notre existence au plus fort des crimes de haine dans notre pays et ailleurs ». C’est ainsi que Zanele Muholi résume son travail, à découvrir absolument. Et si ces quelques mots de l’artiste ne vous ont pas encore convaincu·e, voici trois raisons supplémentaires d’y aller :
Pour découvrir des images tendres et intimes
Les visiteurs de la MEP déambulent entre les corps et visages d’anonymes dont l’histoire se déroule sous leurs yeux. Une exposition puissante et bouleversante, qui débute par des photographies de couples amoureux, pansant mutuellement les blessures laissées par le régime de l’apartheid, le racisme et l’homophobie ambiante.
Dans cette première série, Muholi dénonce l’idée que la vie queer serait « non africaine », liée à une croyance selon laquelle l’homosexualité serait une « importation coloniale en Afrique ». Iel invite à s’affranchir d’une vision patriarcale qui impose l’hétérosexualité comme la norme à suivre. Une démarche qui se poursuit par des images de concours de beauté queer, où l’on découvre les portraits de participantes désireuses de « changer les mentalités au sein des communautés dans lesquelles ces personnes vivent, les mêmes communautés au sein desquelles elles sont le plus susceptibles d’être harcelées, ou pire encore », poursuit Muholi.
Des images fortes qui envoient valser les stéréotypes queerphobes et transphobes dont ces personnes sont trop souvent victimes.
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Pour repenser les représentations
« Depuis l’esclavage et le colonialisme, les images des femmes africaines ont été exploitées pour propager l’héterosexualité et le patriarcat blanc, et ces systèmes de pouvoir ont tellement organisé notre vie quotidienne qu’il est devenu difficile de nous représenter telles que nous sommes réellement dans nos communautés respectives » souligne Zanele Muholi, qui explore et questionne, dans une série d’autoportraits, les représentations de la femme noire à travers l’histoire.
L’artiste souligne dans des clichés grandioses la violence systémique et les stéréotypes véhiculés par ces représentations. Une série inspirée, notamment, par l’histoire personnelle de l’artiste, dont la mère travaillait comme employée de maison pour une famille blanche durant plus de 40 ans, subvenant seule aux besoins de ses huit enfants.
Pour découvrir ce travail d’archive essentiel
Dans cette rétrospective, les visiteurs se replongent dans l’histoire d’une Afrique du Sud sclérosée par les discriminations. On y découvre notamment les visages de survivants de crimes de haines (perpétrés en raison du genre, de l’orientation sexuelle, de la couleur de peau).
Dans une série d’images colorées, Muholi montre des lieux emblématiques de la ségrégation, comme les plages, réservées aux personnes blanches pendant l’apartheid. Les sujets photographiés réinvestissent ces espaces dont ils ont été violemment exclus : « Nous ‘queerons’ l’espace afin d’y accéder. Nous présentons notre transition au monde, afin de nous assurer que les corps trans noirs font également partie de l’espace public. Nous nous le devons à nous-mêmes » explique Zanele Muholi.
Un travail complété par une série de portraits, pensés comme une manière de commémorer et célébrer la vie de la communauté LGBTQIA+ en Afrique du Sud : « Il est important de marquer, cartographier et de préserver nos moments / mouvements à travers des histoires visuelles pour les archives et la postérité, afin que les générations futures sachent que nous étions là ».
Dans ce même effort de mémoire, l’exposition se termine sur une salle de lecture, retraçant l’histoire politique et culturelle dans laquelle s’inscrit le travail de Zandele Muholi. Une fresque chronologique recouvre les murs, de l’époque de l’apartheid à la naissance de l’activisme queer, racontant la résistance de la communauté LGBTQIA+ face aux discriminations. Un témoignage essentiel, et une claque visuelle, portée par des photos sublimes et poétiques.
Image de Une : Zanele Muholi / MEP
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