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"@Felipe Cespedes / Pexels"
Grossesse

Trois jours après sa naissance, j’ai perdu ma fille

Cécile a 28 ans et est ce qu’on appelle une « mamange ». Elle nous raconte le drame qu’elle vient de vivre quelques mois plus tôt avec son mari.

J’aimerais partager mon expérience afin qu’elle serve à d’autres et qu’elle ne sombre pas dans l’oubli. Quand on tombe enceinte, on se dit que le plus difficile est fait, qu’il ne nous reste plus qu’à attendre neuf mois pour enfin avoir notre bébé dans nos bras, que ce n’est que du bonheur. On ne pense pas toujours que cela puisse mal tourner.

Une grossesse ardemment désirée

Après un mariage, une maison et un chien, le désir d’agrandir la famille était fortement présent. À 28 ans, l’avenir s’offrait à nous et tout nous souriait. Autour de nous, tout le monde était au courant de notre projet de bébé et les questions du type « c’est pour quand ? », de plus en plus régulières.

La famille attendait impatiemment la grande nouvelle, le premier petit-enfant.

Les premières difficultés ont eu lieu au moment de la conception. Mes cycles menstruels étaient absents, j’ai dû suivre un traitement hormonal et après plusieurs examens, il s’est avéré qu’une de mes trompes était également percée. Moins de chance de réussite, donc.

Malgré ces premières péripéties, notre bonheur a été assez vite exaucé car au bout de six mois, le petit bâton rose indiquait deux traits : j’étais enceinte. Voilà donc l’origine de mes nausées, apparues avant même que je sache que j’étais enceinte.

Le premier trimestre étant toujours délicat, nous ne l’avons pas annoncé tout de suite. Il a fallu mettre en place des stratagèmes pour cacher la vérité. Plus d’alcool, de charcuterie, fromage frais, viande bien cuite (alors que je suis adepte du bien saignant), éviter les fumeurs, etc. Pas toujours évident surtout que nos parents, au courant de nos essais, posaient toujours la question : « Alors, ça y est ? »

Moi, j’avais toujours peur qu’il se passe quelque chose d’anormal, une fausse couche ou l’embryon mal placé… Je commençais à lire pleins d’articles sur la grossesse et j’avais téléchargé une appli qui chaque jour donnait un petit conseil et montrait l’évolution du bébé.

Un début de grossesse sans encombres

La fin du premier trimestre approchant, nous annonçons la nouvelle autour de nous et allons faire une échographie qui nous permet d’entendre (déjà !) le cœur du bébé. Tout va bien. Je commence à réaliser que je vais devenir maman, que j’ai en moi un tout petit être, ma petite coccinelle.

La deuxième échographie obligatoire du deuxième trimestre permet de nous rassurer encore, le bébé bouge bien, les organes sont tous formés, la taille est bonne. La prise de sang détectant la trisomie se veut rassurante. Tout se passe bien, je ne fais pas de diabète gestationnel, les prises de sang mensuelles sont bonnes.

Nous apprenons que nous allons avoir une fille, cela nous aide à trouver le prénom : Mayline. Nous pensons alors qu’il n’y a plus de risque pour la grossesse, nous profitons pleinement en préparant la chambre du bébé dont je sens enfin les coups de pieds pour mon plus grand plaisir.

Début du septième mois, enfin le troisième trimestre, le terme approche. Plus que trois mois à attendre avant de prendre Mayline dans mes bras. Enfin, c’est ce que je crois.

Nous commençons les cours de préparation à l’accouchement avec une sage-femme. Mes dernières analyses m’inquiètent, j’ai des protéines dans les urines mais mon gynécologue se veut rassurant et me prescrit simplement des examens complémentaires en attendant le prochain rendez-vous.

Une fin de grossesse en catastrophe

À l’échographie de contrôle, mon bébé présente un retard de croissance. Le médecin nous conseille d’aller aux urgences maternité le lendemain matin pour faire un contrôle. À partir de là, tout se précipite.

Le lendemain, je vais seule aux urgences car je ne veux pas que mon mari perde son temps dans une salle d’attente toute la journée. Il est 9h15, on m’installe le monitoring [NDLR : un appareil servant à contrôler et mesurer la fréquence cardiaque du bébé in utero], la sage-femme qui m’accueille lit mon dossier et est plutôt rassurante.

Mais peu de temps après, à la lecture des battements cardiaques, elle s’aperçoit qu’il y a un problème et ma tension grimpe en flèche. Le gynécologue de service vient me faire une échographie, je n’ai plus de liquide amniotique.

Je suis en train de faire une pré-éclampsie, il faut me faire une césarienne en urgence alors que je n’en suis qu’à 30 SA, on ne peut pas attendre mon mari, il y a urgence. J’ai juste le temps de le prévenir ainsi que ma mère.

[NDLR : les SA —semaines d’aménorrhées, sont le nombre de semaines sans menstruations chez la femme enceinte. Le nombre de SA aide à calculer la durée d’une grossesse. Un accouchement à terme est entre 37 et 41 SA]

D’après ameli.fr, la pré-éclampsie est une maladie de la grossesse qui associe une hypertension artérielle et la présence de protéines dans les urines. Elle résulte d’un dysfonctionnement du placenta. Dans la plupart des cas de pré-éclampsie, les patientes accouchent d’un bébé en bonne santé et se rétablissent rapidement. Cependant, si ce syndrome n’est pas traité, il entraîne de nombreuses complications : retard de croissance intra-utérin, naissance prématurée voire décès de la mère et/ou de l’enfant.

Je me retrouve donc seule au bloc, consciente, quasiment nue sur la table, à sentir qu’on me trifouille les entrailles.

Il est 10h46 mon bébé est sorti. On l’emmène pour lui faire des soins, je ne l’ai pas vu. Peu après, on me l’amène quelques secondes pour me la montrer : Mayline semble minuscule.

Elle est transférée par le SAMU vers un autre hôpital qui dispose d’un service de néonatologie mais moi, je reste là. On nous informe que les premières 72 heures seront déterminantes pour la survie de notre bébé.

D’un accouchement en urgence au cauchemar

Pendant deux jours, je ne peux pas aller la voir, coincée à cause de mes problèmes de santé. De son côté, ma petite coccinelle se bat pour vivre, elle semble bien s’en sortir malgré la situation.

Le troisième jour, je suis autorisée à une courte sortie pour aller la voir avec mon mari. Elle est reliée à plusieurs machines, bien au chaud dans sa couveuse. Je la trouve magnifique, c’est le plus beau moment de ma vie.

J’ai du mal à réaliser que c’est moi qui ai créé cette merveille. Je lui parle, lui dis que je l’aime, que je reviendrai la revoir dès le lendemain et tous les jours qui suivront jusqu’à ce qu’elle soit assez forte pour que je puisse la ramener à la maison.

La nuit même, on nous appelle nous demandant de vite venir car l’état de notre bébé se dégrade rapidement. Elle ne répond pas au traitement.

Quand j’arrive, on ne me fait pas suivre le protocole d’hygiène habituel du service, j’entre par l’entrée du personnel…. Je comprends qu’il n’y a plus d’espoir, on me la met dans les bras et on me dit qu’on retirera les tuyaux quand je serai prête.

Son petit corps tremble sous l’effet du respirateur, je ne veux pas la faire souffrir. Je demande rapidement à ce qu’on la débarrasse de tout ça, du sang coule de sa bouche et de son nez.

Elle semble s’endormir, ses yeux se ferment doucement. Il est 6h04 on nous annonce qu’elle est partie.

La mort de notre fille et le monde qui s’effondre

Nous sommes sous le choc, notre monde s’écroule, le temps semble s’arrêter, tout l’avenir que nous avions imaginé à trois n’existe plus et ne pourra jamais exister.

Au lieu de lui acheter des couches et de la layette, nous lui choisissons un cercueil, une pierre tombale, des musiques pour l’accompagner dans son dernier voyage.

Cela semble irréel. J’ai l’impression qu’elle est toujours à l’hôpital, qu’il me suffit de décrocher le téléphone pour avoir de ses nouvelles.

Je me sens terriblement vide et seule. Malgré l’entourage qui prend beaucoup de nos nouvelles, personne ne peut comprendre. On nous demande comment ça va. Que répondre…

Notre vie semble avoir perdu tout sens, tout intérêt.

Les premiers mois passent dans le brouillard sans que l’on s’en rende compte. On fait des cauchemars, on a des crises de larmes, je crie qu’on me rende mon bébé. J’ai l’impression de devenir folle.

On nous dit qu’il faut qu’on se fasse aider par des professionnels, ce n’est pas une démarche facile. On doit de nouveau raconter notre histoire, la revivre. Il nous suffit de fermer les yeux pour revoir en détail ce qu’il nous est arrivé.

Les dates anniversaires sont pires que tout, la naissance, le décès, l’enterrement. On va souvent au cimetière mais parfois c’est impossible, je ne m’en sens pas la force car ce ne peut pas être vrai.

Ce n’est pas ma fille qui est là-bas. Je refuse d’y croire.

Continuer de faire vivre notre fille

En parallèle, nous mettons les quelques photos que nous avons partout dans la maison pour la faire exister. Parce qu’elle fait partie de la famille. Une bougie est presque toujours allumée sur la table de la salle à manger, près de son portrait.

On crée un album photo, on lui décore une petite boîte où l’on réunit tout ce qui touche de près ou de loin à elle. On dort avec ce qui auraient dû être ses doudous pour nous sentir plus proche d’elle. J’ai du mal à me dire que je suis mère, une mère sans enfant, une mamange. Vivre son congé maternité sans son bébé est une épreuve terrible.

Les séances de psychothérapie ont commencé, ça permet de vider un peu son sac, de se sentir écouté, compris. Nous rencontrons également une association SPAMA qui réunit d’autres parents qui ont connu la même tragédie.

Cela nous aide à nous sentir moins seuls. Autour de nous, hormis la famille, presque personne ne parle de Mayline. Certains veulent nous aider et sont terriblement maladroits, on entend des phrases comme « Vous êtes jeunes, vous en ferez d’autres » ou « Ça aurait pu être pire, vous avez pu la voir un peu »…

Ce n’est pas ce qu’on veut entendre. En fait, tout ce que nous voulons c’est parler d’elle. Qu’on nous écoute. C’est la meilleure façon de nous réconforter.

Mayline ne doit pas être oubliée

Nous avons peur qu’elle soit oubliée. Pour laisser une trace indélébile, nous nous faisons faire un tatouage, nous écrivons son histoire dans un livre. Bref, nous faisons tout pour continuer à la faire vivre dans nos existences.

Le temps s’écoule trop vite à notre goût, autour de nous la vie semble reprendre son rythme mais nous n’arrivons pas à nous y faire. Notre petite ne quitte pas nos pensées même si nous commençons à sortir de notre état de torpeur pour reprendre peu à peu nos activités et une vie sociale.

Nous évoluons par phases, choc, refus, culpabilité, colère, tristesse. Ce sont les montagnes russes dans nos cœurs, tantôt au fond du gouffre, tantôt on pense apercevoir le bout du tunnel.

Les vagues sont de moins en moins fortes, malgré tout on avance sur notre route, notre Mayline dans le cœur à défaut de l’avoir dans nos bras.

C’est très difficile à accepter, cela prend du temps et ce n’est pas car vous nous voyez sourire que nous allons bien, que nous avons tourné la page.

Notre première fille fera toujours partie de nous quelque soit le nombre de mois ou d’années qui s’écoulent. Je ne serai plus jamais la même. Je me reconstruis doucement depuis plusieurs mois, et ce n’est pas encore fini.

Si vous vivez ou avez vécu un drame comme celui de Cécile et que vous souhaitez vous faire aider dans cette épreuve :

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