La danse classique, l’opéra, le ballet… ces formes d’art sont parfois jugées un peu élitistes, mais en principe, tu les connais au moins de nom, et tu as probablement déjà vu une danseuse en tutu quelque part, ne serait-ce qu’en regardant Black Swan. Comme la danse classique remonte quand même à la Renaissance, l’être humain a eu le temps de créer bien d’autres styles chorégraphiques depuis. Parmi eux, la danse contemporaine, qui désigne une forme de danse moderne apparue après la Seconde Guerre mondiale, qui se concentre sur la recherche autour du corps.
Souvent moins connue et parfois mal-aimée, la danse contemporaine peut pourtant être hyper touchante, vraiment poétique et te prendre aux tripes. Et pour te le prouver, voici trois chorégraphes qui font battre mon coeur et la mesure.
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Philippe Decouflé et le mélange des genres
S’il fallait un mot pour qualifier le style de Philippe Decouflé, ce serait sans doute touche-à-tout. Ce chorégraphe est un spécialiste de la transformation. Il est aussi très inspiré par le cinéma expérimental, et par le cinéma tout court : il a par exemple expliqué en interview qu’il reprend souvent dans ses chorégraphies la marche de Groucho Marx, l’un des Marx Brothers, une fratrie d’acteurs américains qui pratiquaient l’humour absurde dans les années 1940.
La danse de Philippe Decouflé est poétique, parfois un peu artisanale, et fait la part belle au mélange des genres, avec aussi du cirque, de la vidéo, de la lumière…
Le petit bal perdu, ci-dessus, est une chanson de Bourvil que Philippe Decouflé a interprété avec Pascale Houbin, une autre danseuse contemporaine. Les deux danseurs transcrivent les paroles en langue des signes, mais en transformant les mots pour qu’ils soient plus poétiques : ils transforment par exemple « s’appelait » en « ça pelait » en langage signé. C’est minuscule, faussement mécanique, et très joli.
Le chorégraphe est né en 1961, et a un CV plus lourd que la pointe d’une danseuse étoile. Il a par exemple chorégraphié des événements très officiels, comme la cérémonie d’ouverture des Jeux Olympiques d’hiver à Albertville en 1992, ou encore un spectacle à l’occasion du défilé du 14 juillet 1989. Il a aussi bossé pour la publicité, notamment pour Butagaz et pour Dior, ou encore pour des clips de musique et pour le Crazy Horse.
Philippe Decouflé a commencé par apprendre le mime, notamment avec Marcel Marceau, un des plus célèbres mimes français, puis le cirque avec Annie Fratellini, clown et fondatrice de l’Académie du cirque du même nom. Il s’est ensuite formé à la danse avec le célèbre chorégraphe américain Merce Cunningham, qui est particulièrement connu pour sa conception avant-gardiste de la danse contemporaine.
Philippe Decouflé a fondé sa propre compagnie en 1983, qu’il a d’abord appelée Vague Café, et qui a ensuite été connue sous le nom de DCA, comme Decouflé’s Company for the Arts — ou comme Diversité, Camaraderie, Agilité, on ne sait pas trop.
En 2013, il a lancé un projet un peu foufou, la Flushmup : une vidéo était postée aux internautes chaque jeudi pour leur apprendre une chorégraphie, qu’ils pouvaient ensuite venir réaliser avec les danseurs !
- Son actu : Philippe Decouflé a travaillé sur un spectacle, Wiebo, qui accompagne l’exposition David Bowie à la Philarmonie de Paris. Tu peux revoir l’intégralité du show ici !
Maguy Marin la déstructurée
Maguy Marin est elle aussi une chorégraphe française. Sa patte, ce serait plutôt l’imperfection travaillée, la danse déstructurée, et ses spectacles, qui mixent théâtre et danse, se nourrissent de tout un tas d’influences, comme les livres, les films… Elle met le corps en avant, pas forcément pour le rendre beau, mais elle en montre la « mocheté » pour mieux le sublimer.
Tu peux retrouver tout ça dans une de ses pièces cultes, May B, créée en 1981. Une troupe de dix danseurs interprète un groupe de gens sales, désespérés, un peu gauches et presque absurdes, qui rappellent les personnages de Samuel Beckett.
Elle a d’ailleurs rencontré l’auteur avant la création de cette pièce, qui lui a conseillé de prendre toutes les libertés qu’elle voulait avec ses textes.
La chorégraphie est saccadée, les interprètes sont une masse de plâtre qui essaye de devenir quelque chose, qui gratte le sol… Bref, le regard sur l’humanité est assez pessimiste, et les salles n’ont pas toujours été très enthousiastes face au spectacle, qui est pourtant prenant.
Maguy Marin est née en 1951 et a d’abord étudié la danse classique. Elle a notamment participé au Ballet du XXème siècle, une compagnie de danse créée à Bruxelles par un autre très grand danseur, Maurice Béjart. Maguy Marin a créé sa propre compagnie, qui a navigué de Créteil à Lyon en passant par Toulouse. Elle collabore aussi régulièrement avec Denis Mariotte, un musicien et compositeur.
Maguy Marin est aussi, à sa façon, une chorégraphe engagée, qui espère toujours qu’un spectacle peut « changer la vie de quelqu’un », comme elle l’a expliqué en entretien à Rue89Lyon. Et pour cela, elle essaye toujours de donner une dimension sociale à sa danse, avec des thèmes lourds et pas toujours joyeux pour ses spectacles : la pauvreté, la société de consommation, le sexe, la religion ou carrément le terrorisme.
- Son actu : Maguy Marin reprend régulièrement May B sur scène. Cette année, le spectacle est présenté à Ramdam, une ancienne menuiserie située à Sainte-Foy-lès-Lyon, qui sert d’espace de création à divers artistes et notamment à la compagnie de la chorégraphe. Elle y présente aussi Singspiele, une pièce pour danseur solo.
Angelin Preljocaj, entre abstraction et musique électro
La passion d’Angelin Preljocaj, c’est le mouvement, et il le pousse tellement à fond que parfois, sa danse devient abstraite. Il aime aussi, à travers ses ballets, raconter des histoires. Il reprend les attitudes de la danse classique pour mieux les casser.
Tout cela, tu peux le voir dans Suivront mille ans de calme, une pièce créée en 2010 qui s’inspire de l’Apocalypse de Saint-Jean, une partie de la Bible dans laquelle Saint-Jean raconte des visions prophétiques. Angelin Preljocaj n’a pas voulu illustrer le texte mot-à-mot, mais s’en est servi pour évoquer la façon dont les humains sont un peu perdus entre leurs croyances, leurs idéaux et leurs angoisses.
21 danseurs apparaissent dans différents tableaux, avec des bibelots tirés de la culture indienne qui sont détournés de leur utilisation, sur une musique écrite par le DJ et compositeur de musique électro Laurent Garnier. Les interprètes sont ligotés, ou masqués, et des animaux font même leur apparition sur scène ! Bref, le chorégraphe y met les moyens, et le résultat est impressionnant.
Angelin Preljocaj est né en 1957 en France, où ses parents étaient arrivés après avoir fui l’Albanie. Il a d’abord appris la danse classique, puis a été batteur et guitariste de rock. Lui aussi s’est ensuite formé à la danse contemporaine auprès de Merce Cunnigham, et a fondé sa propre compagnie, en 1985. Il collabore régulièrement avec d’autres artistes, par exemple l’auteur de bandes dessinées Enki Bilal, ou des créateurs de mode comme Azzedine Alaïa.
Angelin Preljocaj emploie souvent des sujets historiques dans ses oeuvres, comme les martyrs morts pour la patrie, l’héroïsme de Jeanne d’Arc, ou questionne des thèmes graves, comme la torture ou le viol. Son maître mot, c’est la création, et sa crainte, celle de tomber dans les clichés ou la banalité, quitte à aller très loin sans vraiment savoir où, comme il l’expliquait en interview à Télérama.
Angelin Preljocaj a aussi une conception engagée de l’art : il s’est notamment exprimé pour soutenir Olivier Py, le directeur du festival de théâtre d’Avignon, face à la montée des votes pour le Front national dans cette ville lors des élections municipales de 2014.
- Son actu : Cette année, Angelin Preljocaj fête les 30 ans de sa compagnie ! Et pour cela, un programme spécial est prévu au Pavillon Noir, une salle de spectacle et de création située à Aix-en-Provence. Il prépare aussi une création, Retour à Berratham, pour le festival d’Avignon de l’été 2015.
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Les Commentaires
Notamment ces deux enchaînements magnifiques pour so you think you can dance US (pardon d'avance pour les magnétos d'ouverture et le public qui ne connait pas le silence).