Publié initialement le 21 mai 2012 et rediffusé à l’occasion du Self-Injury Awareness Day
Dans la vie, il y a celles qui ont des beaux cheveux, celles qui ont des cheveux, et celles qui ont des plaques dans le cuir chevelu, voire plus de cheveux du tout. Derrière son intitulé racoleur de trichotillomanie se cache une belle tarba de maladie encore plus barbare que son nom.
La trichotillomanie ? Kézako ?
La trichotillomanie est un trouble du comportement parfois considéré comme compulsif (TOC). Les trichotillomanes, dont je fais partie donc, ressentent le besoin incontrôlable de s’arracher les cheveux (c’est mon cas), les cils, les sourcils et tous les poils (ou tout simplement de les toucher/jouer avec).
En réalité, ce peut être aussi bien une maladie à part entière que le symptôme d’un trouble psychiatrique plus profond. Selon les études, les femmes seraient plus touchées que les hommes, et la trichotillomanie pourrait toucher aussi bien des enfants que des adultes.
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La trichotillomanie, les causes
Elles sont multiples et variées. On va du sentiment d’abandon chez l’enfant à une dépression chez l’adulte, en passant par un événement traumatisant et stressant chez l’adolescent. Il semblerait également qu’une mutation génétique puisse être à l’origine de cette maladie.
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Et concrètement, ça fait quoi, la tricotillomanie ?
Certaines situations sont plus propices à l’acte concret de s’arracher les cheveux : être devant la télé, son ordinateur ou n’importe quelle activité qui ne nécessite pas l’usage des mains, notamment lorsqu’on s’ennuie.
C’est un geste impulsif, souvent inconscient, qui plonge le trichotillomane dans une « bulle, » comme en transe. Il est quasiment impossible d’empêcher sa main de monter et de tripoter ses cheveux, car c’est un geste d’apaisement, voire de plaisir, directement lié à l’addiction. Je pense personnellement qu’on peut même l’associer à une forme d’automutilation, car il s’agit de couper ses pensées anxiogènes, en se faisant mal à l’endroit précis d’où les souffrances semblent venir.
Car l’angoisse accompagne fréquemment ce genre de trouble. Elle peut enfler à tel point qu’il arrive que la personne n’ose plus quitter sa maison et se montrer en public. En effet, cette maladie crée un sentiment de honte, une perte de l’estime de soi.
De plus, les trichotillomanes étant majoritairement des femmes, pour qui les cheveux sont un symbole de féminité et de séduction, celles qui en souffrent ont généralement un regard négatif sur leur corps, ce qui peut aboutir à des troubles du comportement alimentaire. Par ailleurs, il arrive que les trichotillomanes, surtout les enfants, s’en prennent à leurs animaux ou leurs peluches.
Comment se débarrasser de la trichotillomanie ?
Il est plus facile de guérir un enfant qu’un adulte, mais certains n’arrêtent jamais.
Pour ceux-là, comme pour les autres, il existe plusieurs thérapies dont, dans mon immense bonté, je vais vous passer les détails – si, si, je vous jure, parce que Wikipédia est votre ami si vous en cherchez (des détails, pas des amis).
Elles sont généralement accompagnées d’antidépresseurs. L’hypnothérapie serait également une alternative aux thérapies comportementales, ainsi que la relaxation (sophrologie etc.).
Cependant, il faut savoir que cette maladie n’est connue et reconnue que depuis les années 1990, ce qui est relativement récent. À vrai dire, la trichotillomanie est extrêmement difficile à définir et à caractériser, sans compter qu’elle est fréquemment considérée comme le symptôme d’un trouble mental plutôt que comme une maladie à part entière.
Donc, souvent, lorsque la maladie dont elle découle est traitée, la trichotillomanie disparaît. Dans tous les cas, une psychothérapie est fortement conseillée.
Le début de la fin
Il y a plusieurs années, alors que j’étais encore au collège, mes parents se sont séparés et ma mère a quitté la maison. À partir de ce moment, ma croissance s’est arrêtée, ma confiance en moi a été en chute libre malgré ma réussite scolaire et j’étais dans l’incapacité totale d’avoir une vie sociale durable avec de vrais amis. Je me sentais mal dans un corps qui semblait à la traîne. Mes bras conservent les traces de la souffrance que j’essayais tant bien que mal d’endiguer.
Lorsque mon entourage s’en est rendu compte, j’ai arrêté. Mais la souffrance était toujours là. J’ai alors commencé à m’arracher les cheveux. C’était un geste si inconscient que je n’en ai pris conscience que quand mes sœurs se sont mises à se moquer de moi à cause de la crête naissante au sommet de mon crâne, créée par la repousse de mes cheveux. À la suite de cet épisode, j’ai réussi, plus par honte que par volonté, à m’empêcher de m’arracher les cheveux. Mais la trichotillomanie ne se laisse abattre si facilement, elle est tenace et vicieuse…
De quoi s’arracher les cheveux…
J’avoue qu’elle était facile. Mais cette maladie, pour moi, n’évoque que frustration. Frustration de ne pas m’en sortir, de ne pas pouvoir m’empêcher ne serait-ce que de toucher mes cheveux, frustration physique lorsque je m’empêche de le faire, frustration devant l’incompréhension de mes proches…
Le regard des autres sur soi est difficile, car on sent du reproche et/ou de la tristesse dans leur voix, alors que l’on se sent soi-même coupable. On croit percevoir de la moquerie, même lorsqu’il n’y en a pas.
On se sent faible de ne pas réussir à se contrôler. Faible d’avoir un tel besoin, d’avoir ce tic incontrôlable, alors que d’autres ne l’ont pas. On se sent nul d’éprouver du plaisir à se faire mal alors qu’on a tout pour être heureux. Chaque petite variante dans ses habitudes routinières, même un simple rendez-vous médical, devient une épreuve insurmontable. Heureusement, il y a quand même…
Les petites victoires de tous les jours
Je dis bien victoires, car il est fatigant de se battre contre l’angoisse et le sentiment d’insécurité. Il y a vraiment des jours où je suis lasse de vivre. De lutter chaque jour contre les effets néfastes que ça a sur ma santé mentale et physique : le manque de confiance en moi, l’impression de ne pas avoir d’avenir, d’être vouée à mourir jeune, mon poids qui joue au yo-yo…
J’ai été voir trois psychologues différents, parfois pour une unique séance, parfois pour quelques mois. Mais cette méthode n’a pas porté ses fruits. Le sentiment de jugement, de malaise, était trop fort.
Alors je me suis tournée vers la sophrologie : efficace sur du court terme mais insuffisant pour la vie de tous les jours. Le yoga et la relaxation ont bien marché, mais je n’ai aucune patience et ce n’est pas compatible avec mon caractère.
J’ai longtemps essayé de cacher ma maladie, notamment en choisissant des endroits stratégiques pour que ça ne laisse pas de plaques ou de traces (trop) visibles. J’ai aussi réussi à arrêter de me ronger les ongles, et mes crises d’angoisse sont de plus en plus rares et affaiblies.
Aujourd’hui, je l’assume, car je pense que c’est essentiel pour combattre mes angoisses. Mes proches sont au courant, aussi bien ma famille que mes amis. Je crois que le jour où j’ai passé une vraie étape est le jour où j’ai réussi à en rire avec mon chéri.
Un soir, il a retrouvé des boulettes de cheveux par terre, sous sa plante verte et, ne comprenant pas ce que c’était, s’est interrogé : « Tu as vu ? La plante perd ses poils ! » Je me suis résignée à lui en parler et, depuis, c’est devenu une blague entre nous. Le rire est un bon remède, au moins pour dédramatiser. Surtout que cet épisode ne fut pas sans me rappeler la fois où ma mère m’avait fait la même réflexion à propos… du canapé.
Mon regard personnel sur la trichotillomanie
J’ai le sentiment qu’il faut beaucoup de travail sur soi, s’interroger sur ce que représente la maladie pour nous, individuellement, parce qu’on ne la vit pas tous de la même façon. J’en suis arrivée à mes propres conclusions, personnelles, mais basées sur des faits et mon expérience.
Le fait que, par exemple, l’on se sente « dans sa bulle » lors d’une crise représente pour moi la bulle sécurisante et confortable de la mère, où elle nous protégeait et « jouait son rôle », sans compter que ma mère m’a dit qu’elle se sentait responsable. J’ai donc naturellement la forte impression que, dans mon cas, la maladie s’est développée suite au sentiment d’abandon.
Par ailleurs, le fait que les mains soient le sens du toucher et jouent un rôle primordial dans cette maladie (je ne peux pas m’empêcher de toujours les toucher, de jouer avec mes bijoux, même lorsque je ne m’arrache pas les cheveux), me laisse à penser que j’ai besoin de contact affectif, comme un manque qui ne peut être comblé.
Que je sois consciente de cela ne m’empêche pas de m’arracher les cheveux. Mais ça m’aide à me sentir mieux, car je sais qu’il y a de vraies raisons, et cela me donne des repères concernant ce que je dois « combattre. »
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Être malade, ce n’est pas une honte
Finalement, je pense que la honte est très forte, car la trichotillomanie va au-delà du simple « arrachage » de cheveux ou de poils. Il faut apprendre à gérer son stress, ses pulsions, son mal-être et surtout sa culpabilité. Mais il faut arrêter de se sentir honteux car on n’est coupable de rien (sans pour autant s’avouer vaincu(e) !).
À côté de ça, je suis tout à fait « normale » : je veux me marier, avoir des enfants, j’ai hâte d’avoir un travail et de vivre ma vie… L’angoisse me freine, mais je veux dépasser mes peurs pour réaliser mes rêves, et grâce à ma volonté et au soutien de mes proches, je suis aussi heureuse que possible.
Mais attention, scoop : si on n’en parle pas, on ne risque pas d’obtenir du soutien. Et sans soutien, c’est encore plus difficile. Alors n’ayons plus honte d’en parler. Aujourd’hui, j’ai une vie qui me plaît, et vous pouvez m’approcher, promis, je ne toucherai pas à un seul de vos cheveux.
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Les Commentaires
Des bisous à cette madz
Je suis atteinte de dermatillomania depuis mes 13-14 ans, je vais avoir 23 ans dans quelques mois et je sais exactement ce que tu ressens. Le fait d’etre dans sa bulle quand je suis devant le miroir à triturer ma peau ! J’ai eu beaucoup de mal à accepter parce que je me sentais seule face à ce TOC et que mes parents étaient dans l’incompréhension de ce qu’il m’arrivait. J’ai eu droit à des réflexions très blessantes de leur part pendant des années et encore très récemment quand ma mère parle de moi à un médecin que je vois aussi en disant « vous vous rappelez pas? la jeune fille pleine de boutons et de cicatrices ». Bref mes parents n’ont jamais essayé de comprendre. Même quand je leur ai dit que j’avais trouver des informations sur les internets à propos de mon problème quand j’avais 17 ans (au moins, fini la solitude, j’avais trouver toute une communauté atteinte du même toc). Mais malgré mes parents et leurs réflexions désagréables, j’ai réussi à accepter et à ne plus en faire une montagne, ce qui m’a permis de diminuer le temps passé devant mon miroir.
J’ai eu des années où j’arrivais presque à m'arrêter et d’autre ou c’etait La catastrophe.
Je te souhaite bien du courage je vois que tu as l’air bien entourée donc c’est super!