Mercredi 29 janvier, un tsunami a ébranlé le monde du sport de haut niveau. L’Équipe publiait une longue enquête révélant des violences sexuelles à grande échelle dans le milieu.
Le même jour, la championne de patinage artistique Sarah Abitbol accusait son entraîneur Gilles Beyer de l’avoir agressée sexuellement et violée entre 1990 et 1992, alors qu’elle était encore adolescente.
Violences sexuelles dans le sport : une tribune signée par 54 athlètes olympiques
Le 5 février 2020, 54 athlètes olympiques réagissent à ces faits en publiant chez France Info une tribune intitulée Il est temps de donner de la voix.
Parmi eux : le judoka Teddy Riner, la patineuse artistique Nathalie Péchalat ou encore la boxeuse Sarah Ourahmoune.
Ils et elles appellent à une prise de conscience des dirigeants sportifs, des entraîneurs et des parents face aux situations dangereuses dans lesquelles peuvent se retrouver les enfants :
« À tous !
Sportifs, parents, entraîneurs, managers, présidents de fédération, de ligue, de club, bénévoles, journalistes, médecins, politiques, victimes ou témoins, amoureux du sport, ne laissons pas le mur du silence se reconstruire ! »
Pour que les violences sexuelles dans le sport disparaissent
En tant qu’athlètes de haut niveau, les signataires de la tribune disent avoir une responsabilité vis-à-vis des violences sexuelles qui ont été révélées :
« Il nous est tous arrivé d’avoir des doutes, des suspicions, des bribes d’informations…
Le flagrant délit est rare et il n’est pas simple de savoir comment réagir face à une intuition ou une rumeur. Que peut-on dire ? Et à qui ? […]
On a pris l’habitude de se taire. »
Cette habitude de se taire, les athlètes la dénoncent et n’en veulent plus. Ils et elles ont décidé de faire « une première percée dans le mur du silence ».
Dans leur texte, ils et elles remercient les victimes qui ont eu le courage de parler et expriment leur soutien et leur solidarité. Selon les signataires, briser le silence n’abîme pas l’image du sport : c’est nécessaire pour la faire grandir.
La triste expérience des victimes résonne dans celle des championnes et champions olympiques ayant signé la tribune. Elles et eux aussi ont été des adolescents qui ont confié leurs rêves de victoires à leurs entraîneurs…
Les athlètes lancent un cri pour que ça ne se reproduise plus :
« Combien de victimes demeurent encore blotties dans la honte et la peur ? Combien auraient pu être évitées ? »
Un appel à une responsabilisation concernant les violences sexuelles dans le sport
La tribune appelle à une responsabilisation des institutions, des entraîneurs mais aussi des parents :
« Nous souhaitons ainsi dire NON aux dirigeants, il ne s’agit pas d’étouffer des faits pour protéger une organisation, pour préserver l’image d’un club ou d’une fédération.
NON aux entraîneurs, il ne s’agit pas de détourner le regard pour protéger vos collègues ou préserver votre emploi. »
Malheureusement, il y a encore un bout de chemin à parcourir vers la remise en question totale du milieu sportif.
Didier Gailhaguet, le président de la Fédération française des sports de glace, refuse encore d’assumer une part de responsabilité. La Ministre des sports Roxana Maracineanu l’avait appelé à démissionner.
Des mesures concrètes contre les violences sexuelles dans le sport
Les athlètes proposent dans leur tribune des mesures concrètes pour agir contre les violences sexuelles dans le milieu sportif.
Parmi elles, l’interdiction à vie d’exercer tout métier au contact de la jeunesse pour tous les agresseurs et prédateurs sexuels avérés.
Une mesure nécessaire, quand on sait que Christophe Millet, visé par les accusations d’anciennes nageuses de haut niveau pour viol, est toujours au contact d’élèves dans le lycée Canet-en-Roussillon où il est le référent sport-études…
La tribune demande également la mise en place d’actions de formation, de sensibilisation et de prévention pour éduquer les enfants, adolescents, entraîneurs et managers dans toutes les structures sportives.
Enfin, le texte recommande la mise en place de cellules d’écoute des victimes et de contrôle des casiers judiciaires et des antécédents des bénévoles, des entraîneurs et des dirigeants de clubs ou de fédérations.
Violences sexuelles dans le sport : et la suite ?
Mardi 4 janvier, le procureur de Paris François Molins a ouvert une enquête pour viols et agressions sexuelles sur mineurs suite au témoignage de Sarah Abitbol contre son ex-entraîneur.
Ces faits ont été prescrits, ça veut dire que le délai pendant lequel la justice peut être saisie est dépassé.
Cependant, le parquet de Paris a pris pour habitude d’ouvrir des enquêtes sur les faits de viols et d’agressions sexuelles sur mineurs même quand les infractions étaient prescrites.
De nombreux freins existent en effet à la prise de parole lorsqu’on a été victime de violences sexuelles étant enfant ou adolescent, qui retardent, voire rendent impossible, le fait de faire appel à la justice.
C’est un argument en faveur de l’allongement du délai de prescription pour ce crime.
Suite aux révélations choquantes de violences sexuelles dans le sport, les choses semblent commencer à bouger.
J’espère que les prises de paroles se poursuivront et que des actions concrètes continueront à être mises en place pour qu’un jour, des témoignages comme ceux de Sarah Abitbol n’existent plus.
Non pas parce que les victimes se tairont, mais parce qu’il n’y aura plus de victimes.
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