Mardi 9 janvier, alors que tout l’Internet s’affolait à propos d’une tribune controversée parue dans Le Monde, un deuxième texte passait quasiment inaperçu sur le radar des réseaux sociaux.
Cette autre tribune traitait pourtant d’un même sujet de fond : l’importance du mouvement #MeToo et la liberté sexuelle – et représentait ainsi une diversité d’opinion parus au sein d’un même journal, le même jour.
L’autre tribune du Monde, par Belinda Cannone
L’écrivaine Belinda Cannone prenait en effet la parole, en parallèle des 100 femmes ayant co-signé la tribune intitulée « Nous défendons une liberté d’importuner, indispensable à la liberté sexuelle ».
Environ 1 000 partages sur Facebook pour la tribune de Belinda Cannone à l’heure où je publie cet article, contre plus de 28 000 pour la tribune cosignée par Catherine Deneuve et 99 autres femmes.
Et pourtant, le point de vue que la romancière avait à partager est très intéressant.
Belinda Cannone prenait position pour défendre la réalité du harcèlement subi et dénoncé massivement ces dernières semaines… et pour encourager la redistribution des rôles dans les relations amoureuses hétérosexuelles.
« Autant il me parait capital de dénoncer enfin le lien du pouvoir et du sexe qui a privé les femmes de la maîtrise de leurs corps, autant je crois nécessaire de continuer à combattre la morale désuète qui a toujours cherché à refréner les « désordres de la sexualité », de même qu’il faut à présent se méfier de la confusion qui pourrait naître entre expression du désir et violence de la domination masculine. […]
Une asymétrie persiste, dans toutes les étapes de la relation amoureuse, si intériorisée qu’elle en est peu visible. »
Redistribuer les cartes, pour sortir des rôles de « proie » et de « chasseurs »
Pour elle, les appréhensions que beaucoup de personnes ont sur « la mort de la drague », le fait que nombre de personnes perçoivent encore le consentement
comme une notion floue, la peur du « puritanisme » : tout cela pourrait être évité si on mettait à plat les rôles genrés dans la séduction.
Globalement, ça passerait par cesser de considérer que le rôle des femmes est de rester passives, et celui des hommes est de faire le premier pas.
Ou par mettre fin à l’idée reçue selon laquelle le désir masculin est lié à la résistance qu’il rencontre.
Ou encore par le fait qu’une femme entreprenante ne mette plus mal à l’aise les hommes.
Oh dites, on serait pas en plein dans la déconstruction d’une masculinité toxique ? (Si).
« Le jour où les femmes se sentiront parfaitement autorisées à exprimer leur désir, où l’entreprise de la séduction sera réellement partagée, elles ne seront plus des proies et ne se percevront plus comme telle. […]
Chacun, tous genres confondus, étant tour à tour l’invitant ou le destinataire de la proposition, à jeu partagé, les hommes ne seraient plus perpétuellement en situation de chasseurs. »
La dénonciation de comportements inacceptables ne va pas, selon elle, sans la redéfinition les règles du jeu dans les rapports hétérosexuels : bobye le slut-shaming, bienvenue à la diversité et à une liberté sexuelle pour tout le monde !
À lire sur Le Monde : « Le jour où les femmes se sentiront autorisées à exprimer leur désir, elles ne seront plus des proies »
À lire aussi : Défendre la liberté sexuelle ne nous oblige pas à accepter les violences sexistes
Les Commentaires
Bien au contraire, comme l'explique ce thread d'un journaliste du monde (que j'ai posté déjà plus haut dans les com'), le concept de Tribune appelle souvent la publication de deux avis - partis pris opposés :
https://twitter.com/samuellaurent/status/950714294420889600
Le média (en l'occurence ce journal) ne peut pas être tenu responsable de la façon dont les posteurs sur les réseaux et beaucoup d'autres médias ont choisi de privilégier l'une à l'autre. C'est d'ailleurs un sujet d'étude particulièrement intéressant dont s'emparera peut-être un(e) thésard(e) en socio ou en psycho-socio un de ces jours