Eightyseven travaille depuis trois ans à Disneyland Paris. À quoi ressemble l’envers du décor ? Qu’est-ce que ça fait de bosser pour Mickey ? Voici un petit aperçu.
— Initialement publié le 16 mars 2012
Quand on dit le mot « Disney » à des gens, un phénomène étrange se produit (et je suis certaine qu’une majorité d’entre vous l’a déjà expérimenté). Victimes d’une sorte de démence incontrôlable, leurs yeux se remplissent d’étoiles, leur mains se mettent à applaudir frénétiquement, leur bouche, pleine d’écume, fredonne des airs de contes de fées. Bref, ils atterrissent en Enfance, ce pays lointain où Mickey est Dieu, où les bons gagnent toujours et les belles attendent leur prince charmant en chantant…
Alors quand ils arrivent à Disneyland Paris, tout est là : la magie existe, l’air sent bon la barbe à papa, la vie est rose et tous les enfants sont heureux.
Sur le sentier de la guerre
Si j’étais mauvaise langue, je dirais que c’est ce que veulent nous faire croire les affiches et autres pubs télévisées mais ce serait un mensonge. Pour les visiteurs qui viennent dans le parc, je pense en effet que ce lieu est synonyme de magie et de fête – la compagnie américaine met tout en œuvre pour qu’il en soit ainsi – sauf que pour y arriver, on ne fait pas appel à quelques fées cachées çà et là, qui se contenteraient de remuer une baguette magique pour insuffler joie et bonne humeur à la ronde. Non, Disneyland Paris dispose d’une armée bien plus redoutable : une armée de Castmembers.
Castmembers, c’est le nom que l’on donne aux employés de Disneyland Paris et ils sont aux nombre d’environ 14 000, représentant à peu près 500 métiers différents. Et comme dirait un dicton très ancien « castmember un jour, castmember toujours » car que ce soit clair, travailler dans ce parc n’a rien d’ordinaire et marque à jamais un parcours professionnel et même personnel.
Moi, c’est le hasard qui m’a conduite à Marne la Vallée. Il m’a fallu trois ans de fac d’anglais suivis d’une année de Capes avortée pour me rendre compte que oui, la langue anglaise est chouette – ce qui l’est un peu moins en revanche, ce sont les ados à qui il faut l’enseigner… Et puis un jour, je vois ce reportage à la télé qui dit que par les temps qui courent (la crise commençait à pointer le bout de son nez) c’est le tourisme de proximité, genre parc d’attractions, qui arrive encore à embaucher. Une lettre de motivation et un CV plus tard, j’ai rendez-vous à Marne la Vallée pour un entretien d’embauche.
Enrôlez-vous
Entourée, d’une vingtaine d’autres personnes, je patiente, un peu stressée, dans une petite salle d’attente devant un dvd de Pirates des Caraïbes (les recruteurs doivent penser que ça nous met dans l’ambiance). Lorsque mon tour arrive enfin, j’ai la surprise de constater que l’entretien se fera en binôme. Et dans le bureau privé où se déroule la sélection, une dizaine de minutes de réponses convenues, et de baragouinage en anglais (dans le cas de ma copine d’entretien, hein !) suffisent au recruteur pour nous tendre un contrat et un stylo. Par Toutatis, ils ne plaisantent pas à Disneyland, la magie existe !
Bien vite, je comprends que l’entreprise qui m’embauche est huilée comme une machine de guerre. Ils ne laissent pas la place au hasard – ainsi lorsque l’on débarque de sa campagne et que l’on n’a pas eu le temps de trouver un logement à prix décent comme ce fut mon cas (et celui des nombreux étrangers qui viennent travailler pour Mickey), la compagnie met à la disposition de ses castmembers des résidences composées de maisonnettes meublées et aux loyers très avantageux. Tant que l’on travaille pour l’entreprise, que l’on soit en cdd ou cdi, il est possible d’y vivre. Alors soit on se dit « ouaaaais trop coool, des jeunes, des hormones en effervescence et des fêtes tous les soirs » soit comme moi, on est pantouflarde, maniaque et antisociale et on se dit « au secours, des jeunes, des hormones en effervescence et des fêtes tous les soirs ».
Après, que l’on aime ou pas la colocation, il faut savoir que l’accès aux résidences est assez règlementé (il y a un vigile à l’entrée qui contrôle l’identité et qui s’assure que chaque locataire n’invite pas plus d’une personne à rentrer chez elle, famille comprise) et que l’air peut venir à manquer dans la bulle Disney où l’on a alors tendance à s’enfermer.
Cependant, ces résidences restent idéales comme logements à court terme (est-ce que je vous ai dit qu’ils fournissaient même les draps et la vaisselle ?!). Et évidemment je connais de nombreuses personnes qui y vivent depuis des années et s’y plaisent, une question de personnalité et de mode de vie à n’en pas douter.
Au turbin !
Et le travail dans tout ça, allez-vous me dire…
Si vous vous rendez à Disneyland, vous reconnaitrez les castmembers à leur sourire Colgate et aux phrases récurrentes qui sortent de leur bouche : « Bonjour, merci, je vous en prie, amusez-vous bien, comment se passe votre journée, merci, il n’y a pas de quoi, le plaisir est pour moi, merci… ». Et bien ceci est dû à la première semaine à Disneyland Paris, qui, pour tout nouvel employé, est consacrée à un lavage de cerveau à l’aide de formations expliquant la culture et les valeurs de l’entreprise. Cela va de la biographie complète de Walt Disney jusqu’à la façon de dessiner Mickey en trois coups de crayon. Et régulièrement, pendant de longues minutes, et avec insistance, on nous rappelle notre devoir absolu d’être courtois, aimable et souriant envers les guests car c’est ce qui fait la marque de fabrique de la fameuse souris.
À ce stade, je dois revenir sur le fait que l’entreprise possède son propre langage, ainsi, les visiteurs sont appelés « guests », les pauses déjeuner « lunch » et il en va ainsi pour de nombreux autres termes… because it’s an American company! Plus sérieusement, on nous apprend également à faire passer la sécurité de tous au premier plan, ce qui est plutôt rassurant pour un parc d’attractions.
À la fin de ces formations, les castmembers tout frais, que mes nouveaux collègues et moi formons à présent, sommes tout excités à l’idée de nous confronter enfin à la réalité du terrain, puisqu’on nous laisse entendre qu’il est aussi fun de venir au parc en tant que touriste que d’y travailler. Et au final, ça l’est… du moins, la première année.
Évolutions et aspects positifs
Ma chance a été d’intégrer un programme me permettant de découvrir un nouveau métier tous les cinq mois, ce qui m’a empêchée de me lasser trop rapidement, mais honnêtement, quelle que soit l’activité – que ce soit l’attraction, la vente, voire la restauration (j’ai tout testé) – une fois qu’on commence à maîtriser son sujet, une sorte de lassitude apparaît. La raison à cela ? Il s’agit d’emplois où l’on se tient debout huit heures par jour, qui ne nécessitent aucune qualification précise et ont un caractère assez répétitif.
La seule façon d’y échapper : l’évolution hiérarchique ou le transfert vers un autre service, solutions tout à fait accessibles à qui s’en donne les moyens. Ensuite, travailler dans un parc à thème aussi réputé sous entend aussi tirer un trait sur une bonne partie de sa vie sociale parce qu’entre les horaires et les jours de repos qui varient d’une semaine à l’autre et le travail le weekend et les jours fériés (et oui le parc est ouvert 365 jours par an), difficile de trouver du temps pour la famille et les amis qui ont un rythme de vie plus « classique ».
Mais assez de critiques, je vais être positive et objective, travailler à Disneyland Paris, ce n’est pas le bagne non plus ! En plus d’appartenir à une entreprise dont les employés sont assez jeunes et amicaux, le lieu de travail est plutôt génial. Qui voudrait travailler dans un petit bureau mal aéré quand on peut travailler dans un cadre féerique et coloré, bercé de musique et de bonne humeur ? Même après quelques années passées à Disney, on se surprend encore à regarder la parade quand le temps nous le permet ou à sourire en voyant Tic et Tac jouer de mauvais tours à un touriste.
Ensuite, même si certains visiteurs peuvent se montrer odieux (comme dans tous les métiers de service après tout), ils sont en majorité très gentils et ont le contact facile du fait qu’ils sont en vacances et viennent avant tout pour se détendre et s’amuser. Ils engagent la conversation et plaisantent naturellement tandis que les enfants nous racontent, les yeux plein d’étoiles, les manèges qu’ils ont faits et les personnages qu’ils ont vus. Dans les journées difficiles et fatigantes, il suffit d’une seule rencontre dans le genre pour nous redonner de l’élan.
Alors, certes, la réalité n’est pas toujours très féerique et fun derrière le nom Disneyland Paris mais je crois bien qu’aucune compagnie ne peut se vanter d’une telle chose et celle-ci reste, à mon sens, un endroit où il fait bon travailler.
— Illustration Timtimsia
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