Le spot pub de la préparation H
Je craignais de ne plus trouver trace de la première bête noire de mon enfance, mais il m’a suffi de taper « tabouret + hémorroïdes » dans YouTube pour la retrouver, un brin émue. Je parle bien sûr de la publicité pour la « préparation H » et de son riche pouvoir évocateur. Elle est plus souvent connue comme « la pub du tabouret qui avance tout seul » ou « la pub du tabouret qui fait aïe aïe aïe » :
J’avais pris l’habitude de fermer les yeux et de me boucher les oreilles quand elle se pointait à l’écran. Cette publicité m’angoissait, car elle était entourée d’une aura de mystère.
D’abord le fameux « AÏE AÏE AÏE », dans la plus pure tradition flamenco. Je comprenais que le monsieur avait mal, et je ne savais pas pourquoi. Ensuite évidemment ce tabouret possédé, qui s’avançait tant bien que mal au rythme de la musique. Et ce mot terriblement mystérieux, « HEMORROÏDES », si difficile à lire, dont le clignotement sonnait comme un avertissement des dieux contre un proche fléau.
Tout dans cette publicité m’échappait. Mais observant l’air mortifié que prenaient immanquablement mes parents devant le spot, j’ai toujours préféré taire mes questions. Je soupçonnais que la terrible vérité ne dépasse mes pires craintes. On se moque souvent de moi quand j’explique à quel point cette pub me terrifiait, les commentaires de YouTube m’ont pourtant révélé que je n’étais pas seule :
« Elle me faisait peur cette pub quand j’étais petit :( » « Pendant des années, j’avais peur quand je voyais un tabouret… » « J’ai longtemps pensé que le médicament était pour le tabouret qui avait mal »
À noter que l’on trouve, aux côtés des traumatisé-e-s, les témoignages de ceux et celles qui ont enfin percé le mystère (« C’est assez réaliste car avec de très grosses hémorroïdes on peut plus s’asseoir sans avoir mal »), mais aussi un certain nombre de nostalgiques (« Alalala que de souvenirs !! », « Des années que je la cherche cette pub !!! », « Une pub mythique »).
Jean Mineur (zéro un quarante sept vingt zéro zéro zéro UN)
Nombreux sont les spectateurs à se laisser attendrir par Jean Mineur, ce jovial bambin qui vient vous saluer avant un bon ciné. Pour ma part, je n’ai jamais baissé la garde.
Si je devais ne choisir qu’un seul adjectif pour décrire le spot Médiavision, ce serait « illicite ». Le premier plan donne le ton : perdu au milieu de l’espace, Jean Mineur, en tenue de travail, pose triomphant sur un ticket de cinéma. On frôle déjà le bad trip… Après avoir adressé au public un clin d’œil boccoliniesque masquant à peine son strabisme, Jean Mineur brandit virilement son pic, et le voilà surfant sauvagement sur une pellicule cosmique. Défiant les lois de la physique, notre envoyé du ciel arrive bientôt sur Terre pour :
- pénétrer par effraction dans une salle de cinéma,
- balancer de toute sa vigueur son pic à l’écran.
Je ne sais pas vous, mais moi j’appelle cela de la délinquance juvénile.
J’ai toujours eu très peur que Jean Mineur ne décapite un malheureux dans la salle. À ce stade, on peut encore plaider l’homicide involontaire. Mais lorsqu’il lance son outil à l’écran, le doute s’évapore : en plus de pourrir la séance à tout le monde, le monstre cherche à faucher quelques âmes supplémentaires !
Petite, je préférais me retourner plusieurs fois pour vérifier que ce psychopathe n’était pas sur le point de surgir dans la salle. Et même aujourd’hui, je retiens un soupir de soulagement quand je constate que le petit salaud a encore loupé son coup. Une fois de plus, rares sont ceux à comprendre mon angoisse. Pire, certaines de mes amies m’ont avoué les tendres sentiments qu’elles nourrissaient plus jeunes à l’égard du bad boy en culottes courtes.
Bonne nuit les petits
Si certains élèvent Bonne nuit les petits au rang de madeleine de Proust télévisuelle, les souvenirs de l’émission me font au contraire renouer avec de profondes angoisses.
https://youtu.be/U8j0XnyLvWI
Les épisodes débutaient invariablement avec le playback le plus minable de toute l’Histoire : le Marchand de sable faisait mine de jouer de la flûte pendant 4 secondes avant de lâcher l’affaire, l’air de dire « WELL FUCK IT ».
Tout dans ce personnage m’inspirait le malaise, avec en premier lieu son physique à mi-chemin entre le cintre et la momie aztèque. Nounours semblait atteindre confortablement les 2 mètres, pourtant le Marchand le toisait d’une bonne tête. J’étais terrifiée par sa façon tout à fait aléatoire de bouger les bras, comme si-ceux disposaient d’une complète autonomie. Et si j’étais assez niaise pour me laisser impressionner par un tabouret, je savais déjà qu’un type qui vend de la poudre pour gagner sa vie, c’est louche. Encore plus quand son acolyte l’appelle « Patron » ! J’avais plus de mal à mettre le doigt sur ce qui me faisait peur chez Nounours. Mon inquiétude avait cela dit quelque chose de visionnaire quand on connaît la triste réputation de son cousin PedoBear. J’espérais secrètement qu’un soir, au moment de descendre des cieux, le Marchand de Sable et Nounours seraient les victimes d’une collision fatale mais salvatrice avec ce vandale de Jean Mineur.
Nicolas et Pimprenelle me glaçaient tout autant le sang. J’étais surtout choquée par la manifeste absence de dimorphisme sexuel entre le frère et la sœur, hormis la couleur du pyjama et la présence d’une protubérance sur le crâne de Pimprenelle.
Je passe sur la pauvreté des intrigues, qui tentaient en vain d’insuffler de la force narrative quand l’épi rebelle de Nicolas était le véritable drame de la série. À la fin, le Marchand de sable prenait soin de balancer sur les enfants une quantité de sable suffisante pour garantir au moins 8 heures de tranquillité à leurs parents. Mais ce qui m’effrayait le plus, c’est que faute de paupières, Nicolas et Pimprenelle seraient contraints de dormir les yeux ouverts.
Dernier coup de poignard, le célèbre générique venait rappeler une nouvelle fois (si cela était encore nécessaire) que la flûte à bec est un instrument conçu par Belzébuth pour répandre sur l’humanité la terreur et la désolation.
Une minute après la création de la flûte à bec.
Et toi ? Qu’est-ce qui te faisait bizarrement peur quand tu était petite ?
Écoutez Laisse-moi kiffer, le podcast de recommandations culturelles de Madmoizelle.
Les Commentaires
La scène horrible du scarabée qui s'introduit sous la peau d'un gars dans le retour de la momie. La fin de Qui veut la peau de Roger Rabbit, obligé. Et puis un clip d'Etienne de Crecy dans lequel une vache se fait découpée vivante (ouais, sympa, ouais.) et pleins d'autres trucs. Je sais pourquoi je suis une fille un peu bizarre, maintenant.