Des soirées en banlieue parisienne « Tecktonik Killer » dès 2002, l’esthétique tecktonik a envahi toute la France dès 2006, soutenue par les débuts de YouTube et Dailymotion, avant de disparaître dès 2008. Mais voilà que la mode Y2K et TikTok pourraient bien la ressusciter…
Je vous parle d’un temps que les moins de vingt ans ne peuvent pas connaître : la tecktonik. Un raz-de-marée qui pourrait bien revenir… Car depuis quelques saisons, le monde de la mode régurgite différentes tendances des années 2000 (surnommée Y2K). Et parmi elles, en France, la tecktonik a beaucoup (trop) compté.
Seulement, quand on assemble le tout, en contexte français, cela peut aussi rappeler une dégaine bien particulière dans l’hexagone : le spectre de la tecktonik…
D’obscures soirées franciliennes à un tsunami mode hexagonal
Flashback. Dès 2002, au Métropolis, une discothèque de la banlieue parisienne, s’organisent des soirées électros où se dansent le hardstyle et le jumpstyle. Baptisé « Tecktonik Killer », ces soirées, leurs danses, mais aussi les produits dérivés imaginés par les organisateurs pour capitaliser dessus, gagnent en popularité et attirent l’intérêt d’une grande partie de la France.
Soutenus par l’essor de plateformes alors nouvelles pour l’époque, YouTube et Dailymotion, les danses et le style vestimentaire autour deviennent progressivement viraux. Au point que les médias, toujours avides d’approximations et d’amalgames, se mettent à confondre le tout en une esthétique surnommée la tecktonik, à partir de 2006.
Outre les basiques des années 2000 comme le jean taille basse et le crop top, c’est dans l’accessoirisation que ce style se démarque particulièrement : des imprimés étoiles, rayures et damiers, des guêtres et des mitaines, des grosses ceintures, accompagnés parfois de bretelles (car on n’est jamais trop prudents quand on gigote aussi énergiquement), et surtout des couleurs fluos qui décuplent les mouvements de danse par effet d’optique dans les clubs et dans les rues.
La tendance mode de la tecktonik, brutalement ringarde à partir de 2008
Preuve de son basculement dans le mainstream : c’est le créneau que choisit la pop-star Lorie, alors en perte de vitesse, pour tenter de regagner les oreilles françaises, avec le clip Je vais vite (et ce fut un échec).
En effet, tsunami oblige, après avoir brutalement submergé les clubs et le bitume, cette tendance mode est tout aussi rapidement tombée en désuétude. Laissant comme seuls vestiges, d’anciennes crêtes et mulets en phase de repousse et des tatouages aigles et étoiles à l’allure soudainement surannée.
TikTok s’agite sur la tecktonik, mais de l’ironie au désir, il n’y a qu’un pas…
Mais puisque la mode est un éternel recommencement, il y a fort à parier (et redouter ?) que cette vogue de 2006 devenue ringarde dès 2008 reviennent donc en force et en fluo dans les années 2020 auprès d’une génération Z trop jeune pour en avoir été traumatisée.
Signe de ce probable retour des moulinets de poignets fluos, des vidéos dépassent facilement le millions de vues, et pas qu’en France…
C’est donc peut-être l’heure de foncer sur les sites de seconde main comme Vinted, Depop et consorts revendre vos derniers bracelets éponge imprimé damier en passe de redevenir tendance ! Ou de ré-embrasser cette allure en passe de redevenir d’avant-garde si la nostalgie vous submerge avec tendresse, puisque la mode aime tant confondre ironie et désir…
Le ringard local d’hier peut devenir l’avant-garde internationale de demain
C’est précisément dans sa ringardise jugée subjectivement comme laide aujourd’hui que la tecktonik puise sa future modernité, comme l’explique l’autrice du Goût du moche, Alice Pfeiffer au sujet du cyclisme dans la mode, auprès de Madmoizelle :
« Revendiquer un goût pour le moche, c’est aussi jouer avec la temporalité de la mode. Comme c’est peut-être le beau de demain, cela donne l’impression que le beau d’aujourd’hui a déjà un pied dans le passé. Cette performance de modernité contribue à donner naissance à tant de choses incompréhensibles dans la mode. Le moche assumé comme tel est promesse de renouveau, de disruption, de réinvention. »
Sauf qu’aujourd’hui, avec les réseaux sociaux mondialisés, ce phénomène franco-français hier pourrait bien s’offrir une dimension internationale demain. Pour le meilleur ou pour le pire. La tecktonik est morte, vive la tecktonik ?
En vrai, ce serait rigolo. Et, je l'espère, beaucoup plus inclusif qu'à l'époque (de mémoire c'était plutôt les futurs étudiants en école de commerce qui s'y adonnaient, avec leurs cheveux frangés et slims)...
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