Pendant longtemps, j’ai un peu trop intériorisé l’idée qu’il valait mieux, une fois sortie de la solitude de ma chambre, éviter de montrer des signes extérieurs de faiblesse. Je m’enfilais alors une carapace taillée sur mesure, me focalisant sur mon côté meuf un peu beauf qui fait des blagues foireuses toutes les trois secondes et demi, la fille qui raconte ses histoires de cul et qui n’a pas peur du ridicule. Bien sûr, c’est un peu moi, puisque ça fait partie de la base de données de ma personnalité.
Mais j’ai tellement longtemps joué cette carte-là, et UNIQUEMENT celle-ci, que j’ai longtemps persuadé mon entourage que je n’étais que ça. Et puis un jour, j’en ai eu marre. J’ai eu envie d’assumer. Pas tout, parce que s’agirait pas d’envoyer à la face d’autrui la tornade que parfois j’ai dans le bide, mais suffisamment pour accepter l’idée que les autres pourraient voir, sous le vernis, ce que j’enfouissais sous une tonne de vannes de merde.
Évidemment, assumer que parfois, j’aime écouter L’envie d’aimer, ou qu’il m’arrive de manger du fromage au petit-déjeuner, c’est pas vraiment un truc qui va changer l’idée que les autres se font de moi. C’est pas vraiment se mettre en danger pour mieux vivre en paix avec soi-même.
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Du coup je t’en remets un petit coup.
Mon besoin de faire part de mes doutes
Avant, quand j’avais des griefs contre un ami proche ou mon être humain préféré du mois, je m’octroyais deux choix seulement : soit fermer ma gueule, ruminer dans mon coin et m’éloigner doucement mais sûrement, tirant sur le lien qui nous unissait pour mieux le faire s’effilocher, soit aller directement au conflit bien sonore et bien clivant. C’était pas malin et ça m’a simplement fait perdre facilement de vue des gens qui auraient pu compter encore longtemps.
C’était vraiment dommage d’en arriver là, parce que ces doutes, je les avais eus avant, évidemment ! On ne se met pas à avoir besoin de s’éloigner de quelqu’un comme ça, d’un coup, ou du moins très rarement. Le problème, c’est que j’étais toute intimidée à l’idée de régler mes comptes au compte-gouttes. J’avais honte parce que je n’avais confiance ni en ce que je pouvais éprouver, ni en l’autre. Je me disais que si j’en parlais, j’allais le saouler, j’allais passer pour la fille qui n’a jamais son cerveau au repos. Je me refusais un gain de temps et d’énergie considérable en agissant de la sorte.
- Pourquoi ça va vachement mieux depuis
Au-delà de tous les bénéfices niveau communication, faire part de ses doutes régulièrement permet de faire le tri : en essayant de régler au fur et à mesure les problèmes avec quelqu’un, calmement, avant qu’il ne soit trop tard, je lui prouve que j’ai envie de le garder dans ma vie (qui verrait l’intérêt de s’expliquer avec quelqu’un dont il se fout ?). C’est bon pour mon équilibre et pour le caractère sain de la relation.
Alors clairement, oui, si la personne en face ne répond pas du tout positivement et est complètement saoulée par mes tentatives de communication, je sais qu’il faut que je parte, parce que mes relations avec cette personne ne pourront jamais aller en s’améliorant.
Ça m’a fait perdre des amis ou des intérêts amoureux, mais j’ai désormais suffisamment d’estime pour moi-même pour éviter de m’enfoncer dans des relations malsaines.
Eh, juste pour préciser, rien à voir avec ça, hein. J’ai mes limites.
Être de mauvaise humeur, parfois
On m’a toujours bien appris à ne pas déranger et à m’arranger pour rendre les gens contents. Du coup, je fais toujours en sorte d’être d’agréable compagnie pour ne pas faire de ma présence une plaie purulente.
Pendant des années, je me suis évertuée à sourire et à faire des vannes même quand mon coeur n’était pas à la fête et que j’avais envie de tout dégommer à coup de boots en daim qui puent (parce qu’elles ont pris la pluie et que j’avais un trou dedans, pas parce que je sens des pieds : tu penses bien que si je sentais des pieds, je te le dirai, vu que j’ai décidé d’assumer toutes les parts de moi pour mieux régner).
C’était pas facile à gérer : quand je feinte la bonne humeur, j’en fais beaucoup trop et on dirait qu’il me manque une case. J’éclate de rire nerveusement, je bouge dans tous les sens sur ma chaise et je fais tomber des trucs tellement je suis fébrile. Il était temps que j’accepte que non, je n’avais pas pour obligation de faire sourire les gens quand moi, j’avais envie de grogner.
- Pourquoi ça va vachement mieux depuis
Je parle pas non plus d’insulter tout le monde, de tirer la gueule quand on m’adresse la parole ou de répondre systématiquement « non » chaque fois qu’on me demande si ça va. Il s’agit juste d’accepter l’idée que oui, quand les autres ne sont que joie, et que moi, non, j’ai le droit de passer la journée avec mon casque sur les oreilles, le visage neutre, sans forcément prendre part aux vannes collectives qui circulent.
C’est mieux pour moi, parce que je me fous moins la pression et que je suis moins amère en rentrant chez moi le soir, et c’est mieux pour les autres, à qui ça fait un peu de vacances.
Mon ambition
J’en suis pas non plus au stade du « Quand je rentre sur la piste les gens ils leur poussent des varices ».
Je ne pense pas que mon ancien complexe face à mes ambitions est dû au fait que je suis de sexe féminin. Peut-être, on sait pas. Mais je ne pense pas, parce que mes parents n’ont jamais brimé mon envie de réussir dans le domaine de mon choix, bien au contraire. Les institutrices que j’ai eues ont davantage eu tendance à essayer de distiller en moi un peu d’esprit de compétition au lieu de me voir me reposer sur mes lauriers.
Mais longtemps, j’ai refusé de dire que oui, j’avais envie de réussir. Que oui, j’étais du genre à ne pas vouloir rester sur le côté quand je me mettais à faire quelque chose que j’aimais. Que j’avais envie de faire partie du jeu, et pas de regarder la partie d’un oeil mou.
Pourquoi ? Parce que je culpabilisais d’avoir suffisamment de confiance en moi pour croire que potentiellement, avec beaucoup de travail et les bonnes rencontres au bon moment, j’avais le droit de croire que ça paierait peut-être un jour.
Au bout d’un moment, j’ai fini par comprendre : avoir de l’ambition, c’est pas se persuader qu’on va réussir, c’est travailler, mettre toutes les cartes de son côté pour éventuellement, peut-être, réussir. À partir de l’instant où j’ai compris ça, j’ai arrêté de croire que je me prenais au sérieux quand je parlais de mes ambitions.
Oh, attends. Vu le nombre de « potentiellement », d’« éventuellement » et de « peut-être » et de conditionnel que je suis en train d’utiliser, j’ai je crois encore un peu de travail à faire à ce niveau-là. Passons donc au suivant.
Mon côté pingouin
Après mes cheveux orange et mes mini-doigts, la troisième chose qui se voit le plus chez moi, c’est ma maladresse. En société, avant, je savais pas trop comment m’y prendre. J’étais souvent gauche, faisais tomber tout ce qui me passait sous la main, j’arrêtais pas de faire des boulettes, je rougissais pour rien et je finissais par me cacher derrière la seule personne que je connaissais. Ou par me barrer.
C’était assez handicapant parce que moi aussi, j’avais envie d’être quelqu’un de sociable. J’avais envie de laisser ma timidité de côté et de foncer dans le tas, comme j’aurais voulu le faire quand j’étais petite et que je voulais me faire des potes le premier jour de la rentrée.
- Pourquoi ça va vachement mieux maintenant
Tout simplement parce qu’en assumant cette partie de moi, elle s’est un peu atténuée, comme si mon corps n’attendait que ça pour arrêter d’être un éléphant dans un magasin de porcelaine (désormais je ne suis plus qu’un kiwi qui essaie de se faire passer pour une boule de geisha dans un sex-shop). En réalité, je ne pense même pas que mon côté pingouin se soit dilué, je crois juste que j’ai appris à en rire (sauf quand je suis de mauvaise humeur, comme on l’a vu ci-dessus) et que ça désamorce souvent la gêne (la mienne, et celle des autres).
Par exemple, avant, quand je serrais la main alors que j’avais les mains moites, ça me rendait malade d’angoisse. Maintenant, je souris en tendant une paluche ferme et humide (un peu comme ma vulve) et en prévenant la personne de la moiteur qu’elle s’apprête à rencontrer.
Et puis je crois bien que mon côté pingouin, c’est ce qui fait que la plupart des gens que je rencontre commencent à bien m’aimer ; ce serait quand même vachement con qu’il disparaisse pour toujours.
Clairement, ne pas assumer une part aussi importante de sa personnalité, c’est se rendre la vie un peu plus terne, un peu plus nulle. Bien sûr, la confiance en soi commence par « ne pas avoir envie de péter tous les miroirs qu’on croise », mais pas que. Ce n’est que le début de la joie et de l’épanouissement.
L’épanouissement total, lui, il ne vient que quand on assume de mettre nos gonades sur la table. C’est dire « Ça c’est moi. Maintenant, t’aimes bien ou tu te casses. Si tu restes, je te fais des bisous, sinon je t’en fais qu’un seul ». Ou un truc du genre.
Et toi, c’est quoi le prochain aspect chez toi que t’aimerais bien assumer, ou que tu as enfin réussi à accepter ?
Écoutez l’Apéro des Daronnes, l’émission de Madmoizelle qui veut faire tomber les tabous autour de la parentalité.
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