Mise à jour du 22 septembre 2021
Les restes humains découverts ce dimanche 19 septembre dans le parc national de Grand Teton dans l’État du Wyoming sont bien ceux de la jeune Gabby Petito.
Selon les enquêteurs, il s’agit d’un cas d’homicide.
À ce jour, Brian Laundrie est toujours introuvable. Le petit ami de Gabby Petito était revenu seul en Floride et était depuis resté silencieux sur ce qu’il était advenu de la jeune femme.
Celui qui est considéré comme suspect par les autorités a quitté son domicile depuis une semaine, pour se rendre à la réserve Carlton, officiellement afin d’y faire de la randonnée.
Tout ce qu’on sait de l’affaire Gabby Petito, influenceuse disparue
Article publié le 21 septembre 2021
C’est une histoire qui tient du fait divers, et pourtant, elle a largement dépassé les frontières des États-Unis. Gabby Petito, jeune influenceuse de 22 ans, a disparu. Partie en road trip avec son petit ami, Brian Laundrie, 23 ans, elle n’a plus donné signe de vie depuis le 24 août.
Le 1er septembre, Brian Laundrie est rentré chez lui, à North Port en Floride. Seul. Et n’a depuis donné aucune information permettant de savoir où se trouve Gabby Petito, malgré les demandes de la famille de la jeune femme et les investigations de la police.
Ce week-end, un corps a été retrouvé au parc national de Grand Teton, là où le couple est passé. On ne sait pas encore s’il est celui de Gabby Petito. L’autopsie du corps retrouvé dimanche dans le Wyoming doit avoir lieu en Floride.
Tout commençait pourtant comme une belle histoire : Gabby Petito et Brian Laundrie, jeune couple hétérosexuel prometteur, étaient partis en juillet pour un road trip de plusieurs mois — et comme tous bons influenceurs, elle et il ont documenté leur voyage à travers les États-Unis sur leurs réseaux sociaux.
Une altercation inquiétante entre Gabby Patito et son petit ami
Le voyage semble idyllique, mais derrière le filtre Instagram, l’escapade était-elle si parfaite ? Ce jeudi 16 septembre, la police de l’Utah a dévoilé une vidéo de piéton datant du 12 août montrant Gabby Petito et Brian Laundrie séparés par un officier.
La jeune femme a l’air en état de choc, confuse, s’excuse, raconte qu’elle et son petit ami se sont disputés le matin même. Elle aurait frappé Brian Laundrie au bras alors qu’il conduisait le van.
Selon NBC News, le rapport de police indique que le couple a choisi de se séparer le temps d’une nuit, au lieu que Brian ne porte plainte pour violence conjugale contre Gabby Petito. Les officiers ont estimé que la dispute était lié au stress émotionnel d’avoir voyagé pendant plusieurs mois ensemble.
Gabby Petito était-elle en danger ? Le rapport montre aussi qu’elle souffrait d’anxiété au moment de l’altercation et des échanges avec les policiers. Mais comme Brian Laundrie portait des marques de griffures au visage, c’est vers la jeune femme que l’attention s’est portée.
Gabby Petito : un possible féminicide ?
À ce stade de l’enquête, Brian Laundrie est considéré par la police comme un suspect potentiel. Après avoir non seulement refusé de répondre aux questions sur Gabby Petito, il a disparu depuis le 14 septembre et est activement recherché par les autorités.
La dispute dans l’Utah, la disparition de Gabby Petito, le retour en Floride en van et seul, son silence… autant d’éléments qui portent tous les regards vers Brian Laundrie.
Il y a aussi cet obscur SMS envoyé le 30 août — soit deux jours avant la réapparition du jeune homme — qui pose question. La mère de Gabby Petito a reçu un dernier message venant du portable de sa fille, un laconique « Pas de réseau à Yosemite », le parc californien.
Par voie d’avocats, la famille a fait part de ses doutes : elle a la conviction que la jeune femme n’a pas pu écrire ce message, pour des raisons qu’elle ne peut pas encore révéler.
Une coïncidence ? Ou un SMS envoyé pour brouiller les pistes et porter l’attention vers un autre parc, loin de celui où Gabby Petito a été vue pour la dernière fois ?
Pourquoi un tel engouement pour l’affaire Gabby Petito ?
Les affaires de disparition ne sont pas rares et pourtant ce seul cas attire une attention démesurée.
Tout le voyage du couple est visible sur les réseaux sociaux. Des internautes se sont donc mobilisés pour essayer de retrouver Gabby Petito. Mais certains y voient aussi une matière inespérée pour jouer les Sherlock Holmes en ligne et tenter de retracer le périple de la disparue.
Une tiktokeuse, Miranda Baker, a justement publié une vidéo où elle témoigne avoir croisé la route de Brian Laundrie le 29 août :
L’attrait pour le true crime et les séries documentaires basées sur de véritables affaires judiciaires semble avoir débordé sur les réseaux sociaux, et il va falloir faire avec, comme l’explique à BuzzFeed Josh Taylor, responsable de l’information au service de police de North Port :
« Les réseaux sociaux nous ont aidés à résoudre beaucoup de crimes. Il faut prendre les bons et les mauvais côtés ; on peut y récolter mille éléments qui n’ont aucun sens, mais un seul renseignement qui pourrait être la pièce manquante du puzzle, c’est important. »
Une affaire de traitement médiatique
Sur le site Mitú, média dédié aux questions qui touchent les communautés latinos aux États-Unis, on dénonce un autre constat face à l’emballement mondial pour la disparition de Gabby Petito : pourquoi les victimes qui ne sont pas blanches ne reçoivent-elles pas un quart de la visibilité accordée à la disparition de Gabby Petito ?
Il ne s’agit pas là de dire qu’il faudrait accorder moins d’importance à cette affaire, mais plutôt de réfléchir aux mécanismes qui conduisent à effacer les autres drames.
Il s’agit d’admettre que le racisme imprègne aussi cet enjeu.
Le chercheur Charlton McIlwain a justement identifié ce processus, le « syndrome de la femme blanche disparue », autrement dit le fait que les femmes blanches occupent une place privilégiée en tant que victimes de crimes violents dans les médias.
« Une bonne victime est une victime qui ressemble au journaliste », explique à la BBC Charlton McIlwain.
« Les recherches montrent qu’en terme de victimes de crimes, il y a des gens qui sont vus comme étant comme nous – comme ceux qui couvrent les infos ou qui les lisent. Notre idéal national de qui est vulnérable – et qui détient le statut de victime – ce sont les victimes qui sont blanches et qui sont des femmes. »
Si le cas Gabby Petito connaît un tel retentissement, il est donc aussi de notre devoir de réfléchir à la façon dont cette affaire absorbe notre attention, nous émeut, nous mobilise, et de nous interroger sur les raisons pour lesquelles d’autres cas similaires sont tout bonnement ignorés, des victimes oubliées.
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Crédit photo : VAN LIFE | Beginning Our Van Life Journey
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Les Commentaires
La question des homicides et des disparitions de femmes racisées agite l'espace médiatique nord-américain depuis très peu de temps, et cette nouvelle visibilité demeure fragile. Très longtemps, les gouvernements canadiens et américains ne se sont pas préoccupés de ces cas et je trouve assez normal que certains puissent s'agacer du battage médiatique qui entoure une seule affaire (quoique tragique, bien entendu) alors que le silence a plané sur des milliers de meurtres de femmes noires, hispaniques et autochtones pendant des décennies et des décennies. Pour donner un petit exemple, 24% des victimes d'homicides au Canada sont des femmes autochtones, et l'État met encore peu de choses en place pour retrouver celles qui ont disparu, obligeant les associations et la société civile à prendre le relais.
Tout ça pour dire que je comprends qu'on soit gêné de l'instrumentalisation militante d'un fait divers (mais c'est monnaie courante, je ne vois personnellement pas pourquoi ce cas serait plus sensible qu'un autre) mais je crois qu'une partie des réponses est aussi liée au fait que pour un public européen comme le lectorat de Madmoizelle, la réalité sociétale des meurtres et disparition des femmes racisées en Amérique du Nord ne paraît pas aussi "saillante" qu'elle ne l'est outre-Atlantique ! Disons que ça semblerait assez peu hors-sujet pour les féministes nord-Américaines alors que ça semble plus étrange en France. En revanche, en effet, j'aurais préféré que cela se soit fait avec davantage de respect pour la mémoire et la famille de cette jeune femme.