Le choix du prénom de nos enfants n’est jamais anodin. Qu’on le choisisse en hommage à un être cher, pour ses sonorités mélodieuses, ou pour le symbolisme qui s’y cache, il révèle bien plus que ce que l’on pense. Pendant longtemps, le prénom était vu comme un héritage familial. Désormais, les parents donnent avant tout un prénom qu’ils aiment et ce choix est donc souvent au cœur d’une longue réflexion. Preuve de l’engouement autour de cette question, le nombre de sites ou d’applications spécialisés dans la recherche du prénom idéal, ou le succès des classements annuels des prénoms tendances. Mais au-delà de ces influences, le prénom est un choix personnel qui peut raconter beaucoup de nous.
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Prénom des enfants : le surgissement de l’inconscient
Dans le choix du prénom, chacun a ses propres critères. Un prénom court, pour celui qui aura souffert d’un surnom ridicule. Un prénom original, pour celle qui aura détesté avoir des camarades de classe nommés de la même façon. Ou encore un rappel des origines pour ce couple mixte. Mais au-delà de ces raisons pragmatiques, il existe des motivations plus difficiles à expliquer. « Chacun y met une partie de son histoire, de ses fantasmes ou de ses espoirs par rapport à l’enfant à naître. Le choix du prénom est souvent un mélange de conscient et d’inconscient et a donc une explication plus vaste qu’on ne le pense », explique Juan Eduardo Tesone, psychiatre et auteur du livre, Dans les traces du prénom. Ce que les autres inscrivent en nous (PUF). Dans sa pratique, il a parfois observé le surgissement de cette part d’inconscient. Plonger dans les prénoms peut parfois révéler des secrets, ou des non-dits. Il y a les actes manqués qui disent beaucoup, comme cet homme qui au lieu d’inscrire le prénom choisi avec sa femme, écrit celui de son amante. Ou, parfois, des inspirations mystérieuses qui, à y regarder de plus près, ont un sens plus profond. Dans son ouvrage, Juan Eduardo Tesone raconte ainsi le cas de cet homme argentin dont la femme meurt après la naissance de leur fille, et qui, avant de faire adopter le bébé par sa sœur, la prénomme Noelia. Difficile pour le psychiatre de ne pas remarquer qu’en espagnol ce prénom s’entend « No ella » (non elle).
Le prénom que l’on donne à nos enfants est le reflet de qui nous sommes
Si le rôle de l’inconscient rend parfois difficile la compréhension de tout ce qui se cache derrière les prénoms, ils apparaissent comme la première transmission faite à nos enfants. « Ils sont l’échafaudage à partir duquel l’enfant va se créer son identité. Les prénoms sont donc révélateurs des souhaits que peuvent avoir les parents sur cet enfant », explique Juan Eduardo Tesone. En choisissant un prénom, on imagine forcément l’enfant qui le portera. Pour Laura, bientôt maman de deux petites filles, derrière les prénoms choisis se cache la volonté d’élever des femmes fortes et indépendantes. « Il y a dans nos choix une dimension un peu féministe. La première s’appelle Alix. Un prénom espiègle et punchy qui fait également référence à un personnage de BD masculin. Pour la seconde, l’idée est aussi d’éviter les prénoms trop doux ou trop ‘fifille’. Le choix devrait se faire entre Circé et Cléone », explique-t-elle.
S’il peut dire beaucoup de nous, l’histoire du prénom est avant tout une histoire de compromis. Il s’agit d’une décision souvent commune, et les prénoms abandonnés sont tout aussi révélateurs, si ce n’est plus. Margaux, enceinte de son premier enfant a ainsi dû faire une croix sur le prénom qui la faisait rêver depuis son adolescence. « À 13 ans, je me suis passionnée pour les prénoms grâce à la littérature. Je tenais des listes avec ceux qui me plaisaient. Des prénoms romanesques avec un côté un peu royal et très anglais, comme Phillipa. Finalement, ce ne sont pas les mêmes goûts que mon conjoint. En y réfléchissant, ils reflètent plus l’adolescente que j’étais et ne correspondent pas vraiment à mon mode de vie ou à mon couple », confie la future maman. Ce sera donc un prénom mythologique et issu du vieux norois en rappel des origines norvégiennes du papa.
Le prénom comme objet sociologique
Une fois accordés sur la signification, l’étymologie ou les sonorités, reste une multitude de possibilités. Les goûts personnels entrent en jeu et là encore, ils ne sont pas sans intérêt sur qui nous sommes. « Notre appréciation des choses dépend de l’ensemble de nos expériences sociales. Lorsqu’on observe des variables comme l’âge, la catégorie socio-professionnelle, le niveau de diplôme, l’origine, on constate des différences. Les agriculteurs n’aiment souvent pas les mêmes choses que les artistes, les parents algériens n’aiment pas les mêmes prénoms que ceux qui viendraient de Belgique », constate ainsi Baptiste Coulmont, auteur de la Sociologie des prénoms. Cette dimension sociale du prénom semble même se renforcer. « Auparavant, les prénoms circulaient principalement verticalement, émergeant dans la bourgeoisie pour se diffuser dans le reste de la population. Depuis les années 70, un autre mécanisme s’est développé, avec des prénoms circulant horizontalement au sein d’un même groupe social. Par exemple, les prénoms anglophones ou celtiques, tels que Kevin ou Donovan, sont nés et morts au sein des classes populaires.», relate le sociologue. Marqueur social, symbole de nos espoirs, miroir de nos traumatismes… le prénom est un objet complexe qui révèle beaucoup à la fois sur nous en tant qu’individus et sur la société dans laquelle nous vivons.
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Les Commentaires
Ah oui, Franklin déjà c'est particulier, et si en plus le mec ne t'a pas laissé un sentiment génial, c'est à oublier direct !
Pour ma part, mon obstétricien était une obstétriciennne alors ça n'était pas possible (prénom presque impossible à masculiniser). Même si elle a été géniale et m'a sauvé la vie... Anatole-Lysandre... Je ne suis pas prête non plus
On baptisera ses peluches/doudous préférés à la place.
edo:
Bon j'arrête avec mes emojis ridicules...