Qu’est-ce que ça fait de monter les marches d’un sanctuaire du cinéma ? De présenter son film devant une salle bondée ? D’être ovationné-e pour ensuite recevoir un prix pour son travail ?
Voici quelques-unes des questions qui ont parcouru mon esprit et celui de mes collègues pendant notre festival de Cannes.
Je ne parle pas de celui que tout le monde connaît, mais d’un autre, qui a aussi son lieu culte, son public cinéphile et ses prix imposants. Mon festival, il s’appelle Tous en Short, il a lieu à Cannes le premier samedi de janvier, il fête ses trois ans cette année et j’y ai participé, en tant que candidate la première année puis comme organisatrice la deuxième ! Et cette année, j’y apporte tout mon soutien, car il n’y a rien de plus beau que de bercer un projet auquel on tient.
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Un festival jeune
Le Festival Tous en Short a été créé en 2012 par l’AEBAC, l’Association Étudiante du BTS Audiovisuel de Cannes. Comme son nom l’indique, l’initiative est purement cannoise, d’où le lieu de déroulement du festival. Le but était de réunir les étudiants en BTS Audiovisuel de la France entière — c’est l’une des branches formatrices en télévision, cinéma et audiovisuel — autour d’un sujet commun de réalisation de court-métrage, pour permettre de nombreuses rencontres et de faire émerger de futures perles de la profession.
Pour juger tous les films, un jury d’experts chaperonne la remise des différents Shorts (un peu de fun dans les prix, voyons, il n’y a pas que les palmes dans la vie) : le short du meilleur scénario, du meilleur montage, de la meilleure bande son, de la meilleure image mais aussi les prix du public et bien sûr, le seul et unique, le Short d’Or. Et pour rester dans l’originalité, les prix sont de vrais shorts… parce que c’est bien de recevoir un prix, mais le porter, c’est quand même plus cool !
Le Dude approuve.
Chaque année, un thème est déterminé par l’équipe d’organisation, et les différentes équipes doivent le suivre dans la réalisation de leurs courts-métrages. Après « Première fois » et « Domino », c’est « À l’envers » qui a été choisi comme sujet de l’édition 2015. Il existe aussi une sélection Hors-Compétition, ouverte à tous les sujets et également primée !
L’équipe se compose d’une vingtaine de personnes, et l’entrée est à prix libre et ouverte à tous.
Creuser ses compétences
Pour l’édition 2014, j’ai voulu participer à l’aventure. Faisant déjà parti du bureau de l’AEBAC, je me suis donnée une double casquette en rejoignant l’équipe d’organisation de Tous en Short. Le festival n’avait eu qu’une seule édition, alors la nôtre devait être encore meilleure ! Tous les volontaires se sont retrouvés (j’étais alors en deuxième année de BTS audiovisuel option montage), avec le créateur du festival qui nous suivait de près, et nous nous sommes répartis les différents postes en fonction de nos envies mais aussi de nos compétences.
Personnellement, j’ai toujours aimé aller vers les gens, engager la conversation et partager mes passions. Un poste dans la communication était le plus adapté pour moi. Mieux encore : comme je l’ai dit plus haut, nous avions un jury dans le festival, qu’il fallait évidemment sélectionner, convaincre, dont il fallait s’occuper… Peut-être était-ce un peu pour me permettre de remplir mon carnet d’adresses professionnel, mais j’ai décidé d’être chargée du pôle Jury du festival. Une collègue, en option gestion de production et donc plus calée que moi en paperasse, m’a rejointe, et nous avons pu nous lancer.
Le rôle du pôle Jury dans notre festival est de trouver une équipe diversifiée et complémentaire de professionnels issus de domaines audiovisuels. Il fallait aussi pouvoir les faire venir (donc s’occuper des billets de train et d’avion), les loger, les nourrir, leur faire passer des interviews avec les médias locaux, etc.
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Rassembler et entourer un jury
En ce qui concerne le logement, on a trouvé avec ma collègue un super partenariat avec un hôtel de luxe sur la Croisette, qui nous demandait une vidéo promotionnelle en échange du prêt de chambres. C’était génial de tomber sur des gens ouverts qui désiraient plus que tout aider les jeunes dans leurs projets !
Pour dénicher le jury, on s’est un peu arrangées grâce à nos propres connaissances dans le milieu. J’avais eu la chance de faire un stage en mai 2013 au Festival de Cannes, pour le compte de la Commission Supérieure Technique (ou C.S.T.) — les gens qui donnent les normes de projection des films, par exemple. J’ai ainsi pu entrer dans un cercle de techniciens très intéressants et blindés de contacts.
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Et c’est grâce à ce stage que j’ai pu entrer en contact avec de futurs membres du jury. Déjà, j’ai voulu taper haut, en demandant au président de la C.S.T., Pierre-William Glenn, un grand chef opérateur (le monsieur qui fait la lumière et qui filme, tout simplement) qui a travaillé avec de beaux noms de la Nouvelle Vague, comme Truffaut. Il avait été tellement gentil avec moi durant mon stage au Festival de Cannes, et sa renommée pouvait être un coup de pouce : je lui ai très vite proposé de se joindre à nous, même si sa réponse n’est revenue que tard, emploi du temps oblige !
Durant ce même stage, j’avais rencontré un couple adorable et passionnant, puisque le mari, Noël Véry, est, excusez du peu, l’un des premiers steadicamers français (un opérateur vidéo qui utilise un mécanisme de stabilisation pour filmer de manière fluide), et la femme, Zoé Zurstrassen, est une grande scripte, anciennement directrice du département Scripte de la Femis — l’École nationale supérieure des métiers de l’image et du son, la référence en la matière. On a tellement bien accroché qu’à ma première évocation de Tous en Short, ils étaient emballés et voulaient absolument y participer en tant que jury. Chance, quand tu nous tiens…
Grâce à ce stage, nous avions donc déjà trois jurés. Pour le quatrième, cela s’est également fait avec une rencontre chanceuse. Nous avons eu la chance de voir en avant-première cette année-là le film Pop Redemption, avec Julien Doré, Alexandre Astier et Audrey Fleurot. Son réalisateur, Martin LeGall, était présent pour une masterclass à la suite de la projection. Jeune, ayant fait un BTS Audiovisuel, il était pour nous tous le prototype même du président du Jury de notre festival. Le convaincre n’a pas été trop dur (encore une question d’agenda, normal), et c’était dans la poche !
Enfin, le dernier des jurés, c’est ma collègue, Rym, qui le connaissait, et il fut un peu la coqueluche de cette édition, puisqu’il s’agissait quand même de Jacques Chambon, qui joue le rôle de Merlin dans la série Kaamelott. Voilà pour notre « petit » jury, dont nous étions tout de même assez fiers !
Hé hé.
Une fois tous ces gentils gens rameutés à notre cause, on a pu se préparer pour la journée du 3 janvier, THE jour J. Je vous passe les différentes réservations de billets d’avion, la course en voiture pour aller les chercher à l’aéroport et tout le tralala.
Un vrai festival
Notre rôle, le jour du festival, était de nous occuper du jury. Au point être presque collées à eux ! Car un jury qui s’échappe, qui va boire un coup, qui se perd dans les toilettes, c’est pas très cool. J’ai passé toute cette journée à leurs côtés, les aiguillant pour le déroulement des événements, les horaires à respecter, voire pour leur indiquer qui était qui.
Parce qu’avec une salle pleine de 300 personnes, dont la majorité sont des étudiants, il est dur de s’y retrouver. On a aussi dû faire un « stand » dédicace d’affiches, l’un des lots de contribution à l’aide Ulule que nous avions reçue. Heureusement, j’ai quand même pu assister aux projections, qui valaient vraiment le coup !
À la fin de la journée, vers 20h, nous les avons amenés dans un bar à côté de la salle pour qu’ils puissent délibérer. Bon, on a peut-être joué court, puisque l’emploi du temps ne leur donnait qu’une heure pour le choix de prix. Heureusement qu’ils étaient gentils, qu’ils se sont vite accordés et ont décidé du palmarès !
En tant que chargée du jury, j’ai été la première à savoir qui avait gagné, puisque j’avais pour mission de relayer la sélection au projectionniste pour qu’il puisse afficher des extraits des films gagnants. N’ayant pas ma langue dans ma poche, j’ai commenté leurs choix avec les membres du jury… Et je les ai surpris en leur apprenant que la personne à qui ils avaient décidé de remettre le Short d’Or était celle qui l’avait déjà reçu lors de l’édition précédente. Comme quoi, certains ont vraiment du talent !
C’était pareil pour le prix du scénario, qu’un ami avec lequel j’avais travaillé a gagné. Ça fait toujours plaisir quand un copain gagne.
Je les ai ensuite raccompagnés à la salle, où avait lieu la cérémonie de clôture. Puis il y a eu une petite montée sur scène, un discours, et la remise des prix. Vous vous souvenez que j’ai dit que les prix étaient des shorts ? Eh bien pour les présenter, des collègues du BTS ont défilé avec : ils repartaient au bras du vainqueur !
Cette grosse journée s’est finie en beauté, avec un concert dans un bar privatisé à côté du Palais des Festivals. Le jury est ensuite parti manger dans un restaurant : ma tâche était terminée ! J’ai donc pu profiter de la soirée comme tous les participants.
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(S’)investir
Je ne savais pas ce que c’était de participer à un festival, et encore moins de l’organiser. Heureusement, nous étions tous ensemble, s’entraidant pour toutes les tâches, avec bien sûr des hauts et de bas, mais le tout dans la bonne humeur. Et cette année, pour la troisième édition de Tous en Short, je sais qu’une personne a repris le flambeau et j’essaye de l’aider au maximum quand j’en ai le temps.
Car forcément, il faut donner beaucoup de son énergie et de son temps pour aider à l’organisation : je pensais tout le temps au festival, surtout pendant la période où je cherchais les membres du jury. Quasiment tous les jours, je passais des coups de fil, j’envoyais des mails, etc. J’ai vraiment commencé à m’y mettre en septembre (alors que le festival est en janvier), mais j’avais déjà prospecté pour les jurés avant, depuis le Festival de Cannes. Sinon, pour ce qui est de l’hôtel, c’était après le festival surtout que ça nous a pris du temps, vu qu’on leur faisait une vidéo en échange des chambres gratuites. Jusqu’en janvier, j’étais donc presque tous les jours occupée à réfléchir dessus.
Un financement collaboratif
Comme n’importe quel projet à ses débuts, Tous en Short a besoin d’un coup de pouce. Dans un évènement entièrement créé par des étudiants, l’aide financière est une question épineuse. Pour cela, le bureau d’organisation du festival a décidé de faire participer les futurs participants, spectateurs ou juste cinéphiles, à une action de financement participatif par le biais du site Ulule.
Ils ont jusqu’au 22 décembre pour réunir la somme de 2000€, qui les aidera à financer les phases de communication (affiches et flyers), mais aussi la rémunération des techniciens de la nouvelle salle où aura lieu la projection, l’Espace Miramar (face à la Croisette), le défraiement du jury et enfin le buffet qui accueillera les spectateurs à la fin des projections. Évidemment, l’argent permettra aussi de préparer les éditions futures.
Car Cannes est une ville bien connue pour un autre grand festival, celui où le tapis rouge et les tenues de soirées sont de mises, où le monde entier s’invite pour s’émerveiller et rêver devant les grands écrans de la salle Lumière du Palais des Festivals… Tous en Short rêve de cette même gloire, de ce même prestige qui fait que les personnes sont remerciées pour leur travail et leurs efforts !
Créer ce festival à Cannes, ce n’était pas juste une question de proximité, c’est aussi une question de principe, car l’ambition est grande lorsqu’on débute. Le but de Tous en Short, c’est de faire passer ces futurs techniciens de l’Espace Miramar aux marches du Palais des Festivals.
L’engagement et l’entraide sont des valeurs sûres lorsqu’on croit en un projet. Le festival Tous en Short aide à faire progresser les techniciens audiovisuels de demain, d’où l’importance de l’aider dans sa réalisation !
Pour aller plus loin :
- La page Ulule de Tous en Short Festival
- Le site et la page Facebook du festival.
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