Le groupe de Alex Kapranos m’a toujours fait penser à ces groupes pop des années 1960 qui étaient considérés comme des “groupes à single”s, un peu comme les premières années de succès des Kinks ou les Small Faces. Même si leurs deux premiers albums, Franz Ferdinand (2004) et You Could Have It So Much Better (2005), ont été largement salués par la critique, aucun des deux ne m’avait vraiment frappés si ce n’est pas leurs singles imparables (”Take Me Out”, “This Fire” ,”Do You Want To” et un ou deux autres peut-être). Tonight, qui arrive 3 ans et demi avec You Could… est un tournant pour le groupe de Glasgow. M’est avis qu’c’en est un bon.
Mais ça reste un album de Franz Ferdinand, donc un album avec des excellents moments et d’autres que je trouve plutôt ratés (le ratio, c’est pile 50/50, voir plus bas). Mais cette deuxième caractéristique n’est pas forcément mauvaise, en tout cas pas dans l’absolu. Après You Could Have It So Much Better, les camarades de Alex Kapranos et lui-même ont décidé de prendre un break pour s’occuper de projets solos (pour Alex, il s’est agi de produire le dernier albums des Cribbs et de s’occuper de sa carrière de critique culinaire ; pour Bob Hardy, le bassiste, il s’est agi, selon les versions, soit de la réalisation d’un film à Glasgow, soit d’une longue pause Xbox) (là j’me sens obligée de citer la source, parce que ça doit vous paraître un peu dingue) pour éviter le pétage de câble consécutif à la sortie de 2 albums en moins de 18 mois, d’une tournée épuisante, d’être constamment les uns avec les autres…
C’est donc l’esprit plus ou moins clair et les jauges de motivation de nouveau au maximum que Franz Ferdinand s’est remis au boulot, avec de nouvelles influences, de nouvelles envies et un seul plan : aucun plan. Cela se ressent sur certaines pistes qui ressemblent à des jams du groupe, à des assemblages d’idées spontanées. Avec 2 succès en 2 albums, ils ont sûrement ressenti l’envie de ne pas refaire la même chose, d’exploiter les bonnes vieilles recettes des disques précédents. Ils ont aussi, forcément, une confiance en eux décuplée par la scène et la confiance de leur maison de disques, Domino Records.
Tonight ne ressemble pas aux précédents albums.
Première caractéristique qui me fait penser qu’il s’agit d’un tournant : ce n’est pas une collection de singles, il n’y a pas de titre qui vous saute au visage comme c’était le cas sur les précédents (”Take Me Out” pour le premier, “Do You Want To” pour le second). Si vous avez aimé les deux premiers, vous aurez peut-être un peu plus de mal avec celui-ci, autant vous prévenir. Ayant plus de mal avec les deux premiers, j’apprécie celui-ci d’autant plus.
Alors que les deux premiers s’appuyaient sur des riffs de guitare renversants dans tous les sens du terme, Tonight est plus éclectique, plus “fin”, même si “No You Girls”, un des titres-phare, repose sur le même principe (en moins fracassant toutefois) (mais toujours terriblement, terriblement, terriblement efficace). Les synthés sont plus présents, il y a des titres plus sombres, plus expérimentaux (comme “Lucid Dreams”, bien différente que la version qui était sortie sur leur site web, et sur lequel je m’étais jetée comme une morte de faim ; une version plus lente, plus longue, et qui se termine sur 3 minutes de d’électro-trance qui pourrait témoigner d’une envie du groupe d’évoluer vers un style musical différent, mais je ne veux pas trop conjecturer, d’autant plus que cette parenthèse atteint des proportions dingues) qui ne prennent pas forcément aux tripes, qui se laissent apprécier à partir de la deuxième écoute. Je pense à “Lucid Dreams”, mais aussi à “Bite Hard” qui commence comme une ballade au piano pour exploser ensuite dans un style tout à fait franzferdinien, un glam-rock disco correspondant parfaitement à la philosophie (si on peut appeler ça comme ça) du groupe : “faire danser les jolies filles”. “What She Came For”, dont le titre me rappelle qu’il faut bien que je vous dise que les thèmes des paroles n’ont pas beaucoup changé (les filles, le sexe, les relations amoureuses… mais ces thèmes prennent une autre dimension sous la plume cynique et aiguisée de Kapranos), est elle aussi très efficace, même si, et je me répète, elle ne s’impose pas à la première écoute.
Et que dire de “Send Him Away”, peut-être ma chanson préférée de l’album, sorte de jam psyché-funk, sorte de Yeasayer à la sauce Bodies of Water avec un louchette d’un jenesaisquoi afrobeat qui rend ce titre terriblement accrocheur. Énorme.
Ce qui m’amène à la deuxième caractéristique qui m’a sauté aux yeux (j’exagère un peu) : le son de Franz Ferdinand est plus maîtrisé, plus élaboré, sans pour autant perdre de l’urgence qu’il dégage (toujours cette impression que certains titres sont issus de jams). S’il y a encore des “la la la” comme sur “Ulysses”, qui ouvre le disque, un travail important a été apporté sur la construction, la sophistification oserais-je dire, des morceaux. Coup de coeur pour la dernière piste du disque, “Katherine Kiss Me”, qui voit Alex Kapranos s’accompagner seul à la guitare sèche dans une sorte de berceuse que j’ai beaucoup aimé (je dois vous avouer que je dors assez mal en ce moment, ceci explique peut-être cela, j’écoute trop de trucs qui me font vriller les tympans, alors une petite douceur imprévue comme ça, ça fait du bien).
Alors certes, il n’y a pas de singles gigantissimes, mais il y a une évolution dans le bon sens : les Franz Ferdinand explorent leurs capacités, testent, expérimentent, et même s’il y a 3 ou 4 ratés (”Turn It On”, “Twilight Omens” qui ressemble à du mauvais Killers, “Can’t Stop Feeling” que beaucoup aimeront mais que je ne supporte pas) il s’agit encore d’un très bon album, et les Écossais sont encore le grand groupe britannique de dance-rock. Je n’ose pas parler d’album de transition, il faudra attendre d’entendre ce qu’ils nous proposeront pour le prochain, en espérant qu’il n’y ait pas encore une attente de 3 ans.
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