Sorti en 2011, le film Tomboy a connu un très certain succès critique. Il raconte l’histoire de Laure, une petite fille de 10 ans qui se fait passer pour un garçon du même âge. Véritable réflexion sur le genre et sur l’identité, le deuxième long-métrage de Céline Sciamma est inscrit depuis 2012 à École et cinéma, un programme soutenu par les ministères de la Culture et de l’Education nationale.
Ce programme a pour but d’initier les élèves au septième art à travers des oeuvres de styles différents dans des univers bien à elles. Tomboy racontant le quotidien d’une petite fille qui questionne son identité sexuelle, on peut dire qu’il rentre avec brio dans l’idée : il présente aux enfants un quotidien différent de celui de la plupart d’entre eux et les initie à la question du genre, un thème parfois difficile à aborder avec des enfants et (pré-)adolescent-e-s. Les projections des films étant accompagnées de réflexion sur l’oeuvre menée par les professeurs, formés pour l’occasion, on ne peut que louer l’initiative.
Pourtant, la présence de Tomboy dans le cadre d’École et cinéma ne ravit pas tout le monde. Pire, ça crée la polémique. Une polémique qui a a priori vu le jour dans les Deux-Sèvres, après une lettre envoyée par une mère à l’instituteur de son fils, à la directrice de l’école et au directeur académique. Une partie de cette missive est citée par Le Monde et on peut y lire des mots assez durs sur ce choix de programmation. Selon elle, il est « tout à fait dangereux de laisser penser à des enfants de 9 ans que l’on peut changer de sexe, qui plus est sans dommage ».
Cette phrase est marquante parce que j’ai beau retourner le problème dans tous les sens, la seule chose que je trouve dangereuse, c’est le fait qu’on puisse trouver « dangereux de laisser penser à des enfants de 9 ans que l’on peut changer de sexe, qui plus est sans dommage ». Moi, justement, j’aimerais bien vivre dans un monde où un enfant qui a une identité sexuelle différente de son sexe biologique peut vivre sa vie comme il l’entend, comme il la ressent.
La médiatisation de cette polémique a eu pour conséquence une pétition visant à faire retirer Tomboy d’École et cinéma
. Elle a, à l’heure où je vous parle, réuni plus de 19 000 signatures. On peut y lire les griefs suivantes :
« Laure a choisit ce nom en référence à Michael Jackson, « le chanteur pop androgyne ». Non seulement le film nous montre une fille empêtrée dans le mensonge (Laure se fait passer pour Michaël, elle utilise des subterfuges pour déguiser sa vraie identité), mais encore il nous plonge dans le monde de l’homosexualité (premiers baisers entre Laure et sa copine Lisa) et invite les spectateurs, selon les mots de la réalisatrice Céline Sciamma, à « l’identification et l’empathie ».
L’objectif affiché dans le cahier des charges du dispositif École et cinéma de « favoriser la formation du jugement, du goût et de la sensibilité » ressemble plutôt, dans les faits, à du prosélytisme en faveur de l’idéologie du genre. D’ailleurs, le film a remporté lors de la Berlinale 2011 le Prix du jury aux Teddy Awards, (prix récompensant les films traitant de sujets LGBT).
Or, l’école n’est pas et ne doit pas être un lieu de diffusion de l’idéologie du genre auprès des élèves. Nous demandons la cessation immédiate de toute projection du film Tomboy dans les écoles. »
Là où les initiateurs de la pétition voient une propagande vantant les mérites de ce qu’ils appellent l’idéologie du genre, on peut plutôt cerner une volonté d’ouvrir le champ de compréhension des enfants. Pourquoi s’opposer à la volonté d’initier les élèves à des façons de concevoir son identité sexuelle différente du modèle qu’ils connaissent ? Parce que l’un des intérêts principaux du cinéma, c’est d’ouvrir à des univers qui ne ressemblent pas aux nôtres. Au-delà du divertissement, certains films, à l’image de Tomboy, proposent une réflexion qui permet à des enfants, des futurs adultes qui feront le monde de demain, de développer leur ouverture d’esprit.
Selon moi, le choix d’intégrer Tomboy à École et cinéma est un véritable progrès, une avancée. Ce n’est pas une façon de dire aux élèves « eh, sois transgenre, c’est trop cool », ce n’est pas le propos. Le propos, c’est de dire avec des mots adaptés à la cible que chaque individu est unique. Que certains garçons se sentent garçons, que certaines filles se sentent filles, mais qu’il existe d’autres enfants qui ne se sentent pas en accord avec leur appareil génital et/ou l’éducation plus ou moins genrée qu’on leur donne, et que c’est pas grave. Parce que ça aussi, c’est normal.
C’est bien sûr le rôle des parents d’éduquer leurs enfants, mais c’est aussi à l’école de former les citoyens et citoyennes demain. Des citoyens tolérants, qui ne jugeraient pas les modes de vie des autres, qui accepteraient les sexualités et les identités sexuelles de chacun en faisant preuve de curiosité et d’ouverture d’esprit.
Toujours dans Le Monde, une enseignante raconte certaines réactions qu’ont eu des élèves à l’issue de la projection du film, et elle a pu discuter avec eux pour les faire réfléchir sur des questions auxquelles ils semblaient avoir de base des idées absolument inébranlables :
« Après la séance, l’enseignante du collège de l’Oise a découvert les réactions de ses élèves de sixième : « Certains m’ont dit : « L’homosexualité, c’est péché » […] Elle a pu, tout de même, échanger avec eux sur la construction du genre, sur les stéréotypes des jeux chez les enfants. Comment devient-on un homme, une femme ?, etc. »
Ouvrir le dialogue, questionner ces préjugés pour les mettre de côté et pouvoir accepter l’autre, les autres… C’est aussi ça, le devoir de l’école. Ce qui est dangereux, c’est l’exclusion et l’ignorance. Définitivement pas l’inverse.
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Les Commentaires
En 1ère année, on avait un travail à faire à choisir sur plusieurs thèmes proposés et j'avais réalisé le mien sur le changement de sexe au niveau juridique.