Le 12 février 2020
Je n’ai pas eu une grossesse banale. Nous étions ensemble depuis quelques années (j’avais 26 ans, et lui 21, eh oui !) quand nous avons appris du jour au lendemain que j’étais enceinte de six mois et demi.
J’ai fait un déni de grossesse pendant mes études
Avant ça, aucun symptôme, rien. Toujours mes règles, toujours la même taille de vêtements, pas de nausées… QUE DALLE.
Jusqu’au jour où j’ai eu un retard de règles. Du coup, prise de sang, échographie, et PAF. C’était un vendredi de décembre, et j’étais en cloque. Un déni de grossesse suite à UN oubli de pilule… Je ne vais pas cacher que ça a été très dur à encaisser.
En 48 heures après l’annonce, mon ventre a grossi d’un coup. J’ai été obligée de faire l’annonce à mes profs et à ma promo. Ont suivi tout plein de questions embarrassantes de la part des étudiants, ni moi, ni mon copain n’avions les réponses. Heureusement, les profs et la directrice, ont été très sympa et m’ont soutenue.
On était étudiants tous les deux, lui en licence, moi en pleine reprise d’études avec un BTS esthétique. J’avais l’impression que c’était un événement insurmontable, que les bonnes bases que j’avais donné à mon château de cartes de la vie ne tenaient plus, que je finirais ratée.
Selon l’ouvrage universitaire Les baby-blues, que tu peux lire sur Cairn, le déni de grossesse est lié à la complexité du désir d’enfant et au rôle de l’inconscient.
Le terme « déni » s’est imposé avec le développement de la psychanalyse au début du 20ème siècle. Il désigne, selon le même ouvrage, « les mécanismes qui consistent à refouler ou à exclure de la conscience des représentations déplaisantes ou intolérables, de manière active et inconsciente ».
Lors d’un déni de grossesse, les règles restent présentes, parfois même régulières, et la taille de la mère ne s’élargit pas. La mère ne perçoit pas non plus les mouvements du fœtus et la modification de sa poitrine
Étudiante et future maman, une galère administrative
Suite à ça, tout s’est emballé ! C’est fou le nombre de procédures administratives qu’il faut faire quand on attend un enfant, et nous n’avions que deux mois et demi avant l’accouchement. Nous avons essayé de voir des assistantes sociales en Hôpital et en Centre de Protection maternelle et infantile (PMI), où des suivis de grossesse sont dispensés. Malheureusement, nous avons eu du mal à trouver des réponses à nos questions.
Nous voulions des informations sur les procédures, les différentes aides, les demandes de crèches et on nous répondait :
« Je ne sais pas moi, demandez au CROUS ! »
« Mais vous croyez que je suis au courant de comment fonctionne la CAF ? »
C’est la première fois où on a été confrontés au jugement concernant le rapport études et le fait d’être parents. C’était parfois compliqué au niveau du moral car nos parents ne sont pas en France métropolitaine. Les miens étaient à la Réunion et ceux de mon copain à Wallis et Futuna…
Étudier quand on attend un bébé inattendu
L’école n’a pas été embêtante pour mes différents rendez-vous médicaux (échographies, hôpital, sage femme, kiné…). C’était juste dur de devoir rattraper tous les cours, ou les contrôles que je loupais. Surtout les dernières semaines avant mon arrêt, j’était lourde, rapidement fatiguée, et une vraie tête en l’air ! Les symptômes de la grossesse, quoi.
Je n’arrivais plus à réviser ni à me concentrer, je ne pensais qu’à ce petit bébé qui allait bientôt arriver. Étant étudiante et non salariée, je n’avais pas vraiment de congés à prendre. Trois semaines avant d’accoucher, mon médecin m’a fait un certificat pour l’école, histoire de m’arrêter et me laisser le temps de me reposer avant le jour J. Et tant mieux !
Les deux premières semaines, j’ai essayé de suivre les cours en demandant aux autres étudiantes de m’envoyer les leurs. Mais j’étais trop fatiguée pour étudier, même allongée dans mon lit. Et puis je n’avais pas la tête à ça… Avec le recul, d’ailleurs, je me rends compte que les autres étudiantes n’ont pas vraiment été cool avec moi.
C’est vrai que la plupart étaient jeunes (18 ans et sortaient principalement du bac), elles ne réalisaient pas du tout la situation. Je ne sentais pas du tout soutenue… Aucune de mes camarades ne m’a rendu visite ou même envoyé un petit SMS. Rien !
Quand le bébé est arrivé
À l’époque nous vivions dans un T2 de 50m² et nous avons dû vite réorganiser l’appartement pour accueillir le bébé. Je tiens à remercier Le Bon Coin pour tous les meubles d’occasions que nous avons pu acheter pas cher !
Le 27 février, bébé est arrivé dans nos existences (après un marathon de 38h de travail) et ça a été le plus beau jour de notre vie. J’ai prévenu mon école que je ne pourrais revenir qu’à la rentrée de septembre car nous n’avons pas trouvé de place en crèche avant et n’avions aucun moyen de garde. La nounou coûtait bien trop cher pour nous ! Je devais donc redoubler ma première année…
C’est suite à l’accouchement que la vie d’étudiant de mon copain a changé. Il a réussi à demander symboliquement les fameux 12 jours de congé paternité à son école, mais c’était bien trop court.
On se sentait vraiment à l’étroit dans cet appartement, dans notre chambre de 9m² avec un lit double et un lit à barreaux, la table à langer collée au bureau pour étudier…
Bébé ne faisait pas ses nuits, mon copain partait en cours à 7h et revenait à 18h. Je me retrouvais toute seule avec l’enfant toute la journée.
J’étais crevée et c’était impossible de me reposer, il n’y avait personne pour prendre le relais juste une heure. Ajoutons à ça la fameuse déprime post-accouchement et le fait d’allaiter… Un bon cocktail molotov ! Dès que mon copain rentrait des cours, exténuée, je lui donnais le bébé pour me retrouver juste avec moi-même et me reposer une petite heure.
Lui enfilait sa casquette de jeune papa, puis vers 22h, quand l’enfant dormait enfin, il remettait sa casquette d’étudiant pour bosser ses cours et faire ses travaux de groupe. On a essayé de se soutenir comme on pouvait, lui à me rassurer sur mon rôle de mère, et moi à l’aider dans ses révisions et son mémoire.
Les difficultés financières quand on est étudiante et maman
Niveau financier, c’était parfois compliqué. Il nous est arrivé certaines semaines de nous retrouver à ne manger que des pâtes pour pouvoir payer les couches, avancer les frais du médecin ou les vaccins… Heureusement, nous avions les aides de la CAF et de nos parents parce qu’un bébé, ça coûte cher au début de sa vie !
Au mois d’août, après discussion avec nos parents, nous avons déménagé dans un appartement plus grand, un T3. Nous avons retrouvé de l’intimité car notre bébé avait enfin sa chambre. Il y avait moins de tensions dans notre couple, l’enfant faisait ses nuits (ouf !)… C’était un espèce de nouveau départ, pile ce qu’il me fallait pour reprendre sereinement les études à la rentrée !
Il faut savoir que j’étudiais dans une école privée d’esthétique et que j’avais fait un prêt étudiant pour les financer. Certes, j’étais soutenue par mon école pour ma grossesse… mais pas par le service comptabilité. Suite à mon arrêt des cours vers janvier (pour une raison légitime, à mes yeux), je leur ai demandé s’il était possible exceptionnellement de stopper les retraits d’argents de février à juin car je ne suivais plus la formation.
Demande qui a été rejetée. Même en discutant avec eux de ma situation, du déni de grossesse, rien. Leur argument ?
« Mais madame, on a des profs à payer tous les mois… »
J’ai essayé de faire un plus gros prêt à la banque pour repayer une année de formation en plus mais il a été refusé. J’ai donc été, grâce au service compta de l’école et la banque, obligée de revoir mon niveau d’études à la baisse.
Avec l’argent qui me restait je ne pouvait faire plus qu’une année, je me suis donc inscrite à la rentrée de septembre pour un CAP Esthétique, un diplôme qui ne m’ouvrait pas du tout les même portes, niveau emploi.
Entre son rôle d’étudiante et de mère, un rythme difficile
Dans l’ensemble, mon année de CAP s’est très bien déroulée. Je me suis retrouvé dans une nouvelle promo avec deux autres étudiantes mamans (solidarité !). Les profs étaient super compréhensives en ce qui concernait mes arrivées tous les jours en retard de 30 minutes : les cours commençaient à 8h mais la crèche ouvrait à la même heure.
Il y avait aussi des jours où je devais garder mon fils car il était trop malade pour la crèche. C’était tout de même difficile de suivre le rythme. Quand les autres rentrent chez eux et n’ont à penser qu’à eux-mêmes, moi j’allais vite chercher mon fils.
De 18h à 21h, mon copain et moi étions occupés par nos tâches de parents : bain, pyjama, préparer le repas, manger, histoire, couche, rituel de dodo.
Enfin, à 21h, quand nous étions claqués, on devait encore bosser et réviser…
S’ajoutaient à ça les taches ménagères quotidiennes, faire les courses, penser aux différents rendez-vous, les terreurs nocturnes de notre fils, les nombreuses nuits sans dormir quand il était malade, etc.
Être mère et étudiante m’a permis de faire du tri dans mes amis
Devenir des parents étudiants nous a permis de faire le tri dans nos amis. On s’est rendu compte que beaucoup ne nous comprenaient pas. Certains nous boudaient parce qu’on ne pouvait pas venir quand ils nous invitaient à une soirée au dernier moment (ce qui veut dire pas de moyen de faire garder bébé !), d’autres ne se rendaient pas compte de notre rythme de vie.
Ce que nous redoutions le plus avec mon copain, c’était les travaux de groupes. Le nombre de fois où nous sommes tombé sur des étudiants qui voulaient travailler la veille pour le lendemain en se couchant à pas d’heure !
Ils ne comprenaient pas que nous, jeunes parents, on avait besoin d’un peu d’organisation de leur part. Car oui, être parents et étudiants se résume à un mot : ORGANISATION !
Un bouleversement qui m’a rendue heureuse
Financièrement, les choses se sont arrangées car mon copain a continué ses études en alternance dans une entreprise. Notre famille nous a toujours soutenus, et dans l’ensemble le corps enseignant aussi. Je n’ai pas vraiment eu affaire à des jugements sur mon statut d’étudiante maman mais je penses que mon âge joue là-dedans : j’avais 26 ans.
Aujourd’hui, j’ai fini mon CAP que j’ai obtenu haut la main, et mon copain fini son Master II. Notre fils va avoir 3 ans et rentre à l’école à la rentrée.
En conclusion, je dirais que si c’était à refaire, je le ferais ! Malgré les différents obstacles, c’était une expérience magnifique. Notre fils fait notre bonheur, et on avance tout doucement. Nous avons été fatigués, frustrés parfois de ne pas avoir une vie d’étudiants « normaux » mais tellement heureux de voir notre famille se construire chaque jour.
Ça n’est pas facile d’être parent et étudiante à la fois, c’est sur, mais ce n’est pas insurmontable s’il y a du soutien, de l’amour et qu’on a la niaque ! Il est actuellement 02h50 du matin et je pense que je vais aller dormir car dans 5 heures, un petit être va venir coller ses pieds froids sur moi et prendre toute la place dans le lit en me poussant pour me réclamer les dessins animés…
J’espère que mon témoignage servira à certaines. Sachez que ça me tenait à cœur de le partager.
À lire aussi : Comment je suis tombée enceinte… avec un DIU cuivre (« stérilet ») !
Crédit photo : Jeshoot.com / Unsplash
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