Le 20 janvier 2020
Le plus souvent, dans un lieu public, il y a des toilettes pour femmes et des toilettes pour hommes.
Ça peut te sembler évident, ça peut te sembler nécessaire même. Mais moi, ça me fait l’effet d’une séparation archaïque dont je peine à trouver le sens.
A priori, on y va tous et toutes, et pour faire la même chose, alors pourquoi on y irait pas… ensemble ?
Mon rapport au genre et à la mixité
Je ne me suis jamais identifiée à mon genre.
J’ai mis beaucoup d’années à réaliser que j’étais une femme et que cela impliquait que j’allais être traitée différemment de l’autre moitié de la population.
Depuis que je l’ai compris, à grand renfort d’injustices quotidiennes, je bous.
Depuis que je l’ai compris, je refuse de me voir réduite à mon genre, et de devoir me plier aux stéréotypes qui l’encadrent.
Mon cerveau ne veut pas croire en la frontière que ce monde sexiste épuisant voudrait tracer entre hommes et femmes.
Alors je joue la naïve, en ne m’interdisant rien au prétexte que je suis une femme, quitte à choquer ou à me faire rappeler à l’ordre.
Par conséquent, j’ai une vision un peu radicale de la mixité, dans le sens où je ne trouve jamais justifié de séparer les gens sur la base de leur genre ou de leurs parties génitales.
Dans mon idéal de société, la frontière féminin/masculin n’existe plus. Les individus y vivent ensemble, jouent ensemble, grandissent ensemble, s’aiment, mangent, travaillent ensemble, sans que le genre ne soit un critère.
Dans mon idéal, les différences ne font pas de différence.
Dans mon idéal, tout le monde utilise les mêmes toilettes.
Ça paraît simple, mais ça ne l’est pas.
Toilettes mixtes, la question pratique
Les mêmes toilettes cabines pour tous et toutes, ce serait d’abord selon moi beaucoup plus pratique.
Je ne t’apprends rien : il y a toujours la queue dans les toilettes des meufs !
Cela pourrait s’expliquer par un besoin plus fréquent d’uriner dû à une vessie plus petite mais aucune donnée scientifique ne le confirme.
Je pense que cela vient plutôt du fait que les femmes mettent plus de temps aux toilettes car elles doivent dans tous les cas s’y déshabiller, puis se rhabiller et parfois gérer les affaires attenantes aux règles, également chronophages, pendant que les mecs ont juste à ouvrir leur braguette.
Sans compter que là où les mecs sont généralement en jean-t-shirt, certaines femmes portent des bodys, des collants, des porte-jarretelle et autres vêtements plus longs à enlever puis renfiler.
En tout cas, je suis toujours révoltée (j’ai la révolte facile, tu l’as compris depuis quelques lignes je pense) d’attendre 5 minutes devant une porte close, pendant que les types défilent devant moi pour se rendre fissa aux urinoirs !
Si tout le monde devait emprunter les mêmes cabines, tout le monde serait logé à la même enseigne, les rapides comme les mous du genou, quel que soit leur genre.
Le Guardian a même calculé précisément comment le temps d’attente s’en retrouverait égalisé.
OU ALORS, si vous voulez continuer à séparer hommes et femmes aux toilettes, mettez PLUS de cabines pour les femmes, merci.
Toilettes non-mixtes et mystère féminin
Un autre constat qui nourrit mon opposition aux toilettes non-mixtes est que ces installations séparées entretiennent selon moi un certain nombre de stéréotypes de genre.
Par exemple, les tables à langer se trouvent généralement dans les toilettes des meufs (#ChargeMentale), alors qu’à ma connaissance… des hommes aussi ont des enfants. Et les changent, même, parfois.
Enfin je crois, hein, vous me dites si je me trompe.
De mon point de vue, les toilettes non-mixtes entretiennent aussi le « mystère féminin », ce mythe sexiste dont parle Simone de Beauvoir dans Le deuxième sexe.
C’est l’idée que les femmes sont à la fois incompréhensibles et tenues d’entretenir une aura de secret pour préserver leur charme, surtout quand il s’agit des fonctions basses du corps…
C’est un piédestal hypocrite et pratique : il permet de mettre les meufs à l’écart et justifie du même coup de ne pas s’intéresser à elles, à leurs aspirations, à leur fonctionnement en tant que personnes.
Dans la vie quotidienne, ça peut se traduire par un homme qui trouve que c’est abusé qu’une femme parle de ses règles par exemple (« Et le glamour alors ? »).
Il ne faudrait donc surtout pas savoir, et encore moins voir, ce qui se déroule dans les toilettes des femme !
On risquerait de désacraliser LA FÂME, d’y apprendre qu’elle pète et que son teint parfait est dû au MAQUILLAGE. Le rêve serait brisé…
Toilettes non-mixtes et zizis impudiques
Côté mecs, le mystère, on oublie.
Avec les urinoirs, les toilettes genrées nourrissent l’idée que les hommes sont des bonhommes qui n’ont ni pudeur, ni besoin d’intimité.
Bien sûr, ces messieurs ont le choix
de s’isoler dans une cabine fermée (ils ne font pas encore caca debout côte à côte).
Mais l’existence même d’urinoirs sans cloisons normalise le fait de sortir son sexe et pisser devant tout le monde quand on est un garçon;
Y compris, dans certains lieux, devant les femmes qui doivent passer devant ces urinoirs et décider où poser leur regard pour ne pas violer l’intimité de l’inconnu occupé à se soulager.
Je suis également convaincue que les urinoirs incitent, ou en tout cas ne découragent pas le fait de pisser un peu partout dans l’espace public.
Alors OK, ce n’est pas directement parce que les urinoirs existent que des mecs se permettent de pisser sur la voie publique : ça, c’est un problème d’éducation.
Quoique… Dans un article du Guardian, l’auteur masculin émet l’idée que l’urinoir, n’ayant rien à voir avec une nécessité biologique, est surtout un instrument tape-à-l’œil de la masculinité toxique.
Notons qu’en 2018, à Paris, un concept d’urinoir écolo a été créé, partant du constat que certains mecs pissent n’importe où et actant au passage qu’il est ok de sortir sa teub au coin de la rue, opinion que je ne partage pas.
Pour moi, la présence d’urinoir dans les toilettes publiques envoie le message « c’est ok de pisser devant les autres ».
Il est d’ailleurs courant que les hommes empruntent les toilettes cabines sans fermer la porte, pour le plus grand bonheur de la personne qui l’ouvrira en pensant que c’est libre.
Et puis personne n’a d’urinoir chez soi, c’est donc qu’il doit être possible de vivre sans !
Voilà, moi présidente, j’interdirai les urinoirs, votez pour moi.
Les toilettes non-mixtes protègent-elles des agressions ?
Un argument courant chez les défenseurs des toilettes non-mixtes est que la séparation des genres limite les agressions (des hommes sur les femmes, au cas où vous vivez sur fucking Pluton), et en particulier les violences sexuelles.
Ça permettrait aussi d’échapper à un dragueur un peu lourd par exemple : c’est le seul endroit où il ne peut pas suivre une femme, pas sans se faire remarquer, rejeter.
Pour moi, c’est le genre de raisonnement qui entretient de la peur des femmes et empêche les mentalités d’évoluer.
Je ne peux pas m’empêcher de penser que les agresseurs comme les dragueurs relou sont, potentiellement, partout, et qu’un simple passage aux WC ne suffira pas à les décourager.
En l’état actuel de notre société misogyne, il est compréhensible que certaines femmes se sentent plus en sécurité quand il n’y a pas d’hommes dans les toilettes, mais est-ce souhaitable sur le long terme ?
Est-ce normal de devoir être séparés physiquement pour pouvoir co-exister sereinement ?
Justifier la séparation des sexes par la sécurité des femmes, c’est dire « les meufs sont des proies, les mecs des prédateurs ».
C’est la même idée qui se cache derrière les taxis pour femmes, ou les wagons de métro féminins en réponse au harcèlement dans les transports.
Des emplâtres sur une jambe de bois, de mon point de vue. Et je sais que ce point de vue n’est pas partagé par tous et toutes.
Mais je ne pense pas que l’on puisse régler le problème des violences sexistes et sexuelles en séparant les hommes et les femmes.
Je pense qu’on le fera plutôt en éduquant des deux côtés, en apprenant à vivre ensemble, en faisant participer les deux genres au progrès, et non en les isolant un peu plus l’un de l’autre.
Les toilettes mixtes, plus inclusives ?
Je ne suis pas la première à m’interroger sur la pertinence de toilettes genrées.
Ailleurs dans le monde, cette question s’est notamment posée sous l’angle de l’inclusivité et de la sécurité des personnes trans.
Où se rendre en effet quand le genre auquel on semble physiquement appartenir n’est pas celui auquel on s’identifie ?
Et quid des hommes trans qui ont leurs règles, puisque dans les toilettes pour hommes, il n’y a certes pas de table à langer, mais pas non plus de poubelle pour les protections hygiéniques ?
Pour faciliter la vie des personnes trans, et leur éviter des situations gênantes voire dangereuses, le Canada a mis en place des toilettes ouvertes à toutes et tous dans certains établissements scolaires.
Plusieurs pays européens ont pris des initiatives similaires, comme le montre cette vidéo de Brut :
En résumé, les enjeux idéologiques derrière la porte des WC sont plus profonds qu’ils n’y paraissent…
Pour ma part, je pense avoir fait le tour des les raisons qui me poussent à désirer des toilettes mixtes, mais le débat reste ouvert !
Et toi, dans quel genre de toilettes aimerais-tu faire pipi ? Ok pour la mixité ou tu préfères des lieux genrés ?
À lire aussi : Pourquoi certains mecs se mettent tout nus pour faire caca
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