Tout est parti d’une discussion entre amis hétéros de sexe opposé.
Tinder, c’est pire quand on est un homme ou une femme ?
Pour la savoir, deux journalistes ont échangé les rôles pour une enquête passionnante, publiée ce 26 juillet sur Le Monde.
Tinder : pire quand on est un homme ou une femme ?
En mars dernier, Judith Duportail a publié L’amour sous algorithme, le résultat d’une enquête de plusieurs années sur la manière dont Tinder fonctionne.
Elle y met notamment à jour les mécanismes sexistes qui rendent « moins désirables » les femmes ayant plus de diplômes, et le caractère hautement addictif de l’appli.
Quelques mois plus tard, une conversation avec son confrère Nicolas Kayser-Bril, datajournaliste, lui a donné envie de pousser plus loin l’expérience.
Il lui affirme qu’il est bien plus compliqué pour un homme que pour une femme de trouver l’amour sur l’appli. Elle pense le contraire.
Pour déterminer si les recherches hétérosexuelles sont plus faciles du côté des hommes ou du côté des femmes, les deux journalistes ont créés de faux profils en se faisant passé pour le sexe opposé.
Sur Tinder, les femmes ultra-sollicitées, les hommes délaissés
Les résultats n’ont pas tardé à tomber.
Alors que Judith Duportail a soigné son profil réaliste d’homme « attirant, mais pas trop », ses matchs se comptent sur les doigts d’une main et personne ne répond à ses messages.
Du côté de Nicolas Kayser-Bril, l’expérience est bien différente. Son profil féminin a un écran noir en guise de photo mais il est pourtant assailli de demandes…
« Cela ne fait que deux heures, et pourtant, je ne peux plus supporter les mecs ! »
Tant est si bien que le journaliste supprime son compte avec le sentiment d’avoir été harcelé.
Au long de leur enquête, le duo a mené une étude empirique sur un échantillon de profils de trentenaires urbains. Résultat : « le taux de succès moyen d’une femme est de 50%, et celui d’un homme de… 2% ».
Doit-on en conclure que les hommes sont des morts de faim et les femmes des reines de glace pointilleuses ?
Selon l’article, cette différence de comportements va au-delà des stéréotypes de genre en matière de drague.
Sur Tinder, pourquoi une telle différence entre femmes et hommes ?
Cette inégalité trouverait aussi sa source dans les stratégies des applis, comme l’explique Mark Brooks, PDG d’une agence de conseil qui a notamment travaillé avec OKCupid et Plenty of Fish :
« La responsabilité des applications de dating est immense. L’architecture de votre application influence la façon dont les utilisateurs s’y comportent. »
Sur Bumble par exemple, une appli créée par Whitney Wolfe Herd, ancienne de l’équipe Tinder, ce sont les femmes qui doivent envoyer le premier message.
Selon elle, ce système permet de réduire le nombre de messages agressifs et vulgaire reçues par les candidates à l’amour.
« C’est ce contexte, où les hommes doivent attirer à tout prix l’attention des femmes qui reçoivent des dizaines de messages par jour, qui fait que certains deviennent agressifs.
Le rejet crée de l’obsession et l’obsession crée de la violence. »
Sans excuser le comportement des utilisateurs, l’enquête souligne la responsabilité des applis de rencontres dans la création d’un environnement plus ou moins hostile pour les femmes, en favorisant ou non le sentiment de rejet des hommes.
Frustrer les hommes sur Tinder pour les faire payer
Oui, les choses pourraient être différentes.
Cité dans l’enquête, le philosophe Joe Edelman, proche du Centre pour une technologie humaine, souligne un déséquilibre structurel :
« Les femmes savent que quand elles « likent » un profil, il y a de fortes chances qu’elles soient « likées » en retour. […]
Elles deviennent de plus en plus sévères dans leur jugement, avec très peu d’informations à leur disposition, ce qui les pousse à des jugements superficiels.
Les hommes feraient pareil dans leur situation. »
Sauf que si les hommes étaient de l’autre côté de la barrière, ils n’achèteraient plus les options payantes comme Tinder Boost ou Tinder Gold pour obtenir plus de matchs.
Jean Meyer, PDG de l’application Once, soupçonne même Tinder de pénaliser un profil masculin ayant du pouvoir d’achat pour le pousser à souscrire à ces options, et lui procurer « un sentiment de gratification instantané dès qu’il se met à payer ».
Triste business model qui se nourrit de la frustration des célibataires… L’enquête, passionnante, est à lire dans son intégralité sur Le Monde.
Et toi, quelle est ton expérience des applis de rencontres ? T’es-tu déjà sentie harcelée sur Tinder ?
À lire aussi : J’étais accro à Tinder, mais ça va mieux, merci
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