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Les gens qui croient aux théories du complot sont-ils de gros débiles ?

Les gens qui croient aux théories du complot te font soupirer tellement tu les trouves idiots de donner foi à des mensonges ? Marie t’explique pourquoi c’est un peu plus compliqué que ça.

Le 13 mai 2020

« Je ne sais pas si le plus affligeant était leur discours abscons, ou les 30 000 moutons lobotomisés qui buvaient ce flot de conneries. »

Je crois que c’est cet énième tweet méprisant qui a fait déborder le vase.

Partout sur Internet et souvent en soirée, j’assiste à un phénomène qui ne manque jamais de me surprendre par sa violence : on peut tranquillement insulter et humilier les gens qui croient (même juste un peu) aux théories du complot.

L’auteur du tweet attaque frontalement les spectateurs « lobotomisés » d’un live mené par 4 personnalités connues pour leurs thèses sur les miracles des médecines alternatives (ouiiii boire son pipi pour guérir du Sida) ou leurs dérives sectaires.

En effet, alors qu’il n’a jamais été aussi important de trouver des informations fiables sur la crise sanitaire, le complotisme gagne du terrain dans la population française.

Les « délires complotistes » de Juliette Binoche

Avec la crise du covid-19, le sujet de discussion a changé mais la mécanique reste la même.

Selon une étude de menée par Conspiracy Watch et la Fondation Jean Jaurès, 1 Français sur 4 croit à au moins une théorie du complot autour du virus.

26% de la population interrogée pense ainsi que le covid-19 a été conçu dans un laboratoire ; pour 17%, il aurait été créé de manière intentionnelle.

Tout récemment, la comédienne Juliette Binoche a créé la polémique en réagissant à un commentaire sous une de ses publications Instagram dans laquelle elle se révoltait contre les mesures du gouvernement, jugées liberticides.

En répondant à la question « Pourquoi le gouvernement fait ça ? », elle a relayé une des théories qui circulent en ce moment autour des traitements contre le covid-19 :

« Ce sont des opérations organisées par des groupes financiers internationaux (principalement américains) depuis longtemps.

Ils manipulent (sans être parano) : les vaccins qu’ils préparent en font partie : mettre une puce sous-cutanée pour tous c’est NON. NON aux opérations de Bill Gates, NON à la 5G. »

Selon cette théorie, le coronavirus serait une création de Bill Gates, qui n’aurait d’autre dessein que de faire installer des puces sous la peau à travers des vaccins.

Oui. Bon.

C’est agaçant qu’une personne comme Juliette Binoche relaie de telles absurdités.

On en revient à l’éternel enjeu de la responsabilité des figures publiques : un grand pouvoir (de parole) implique de grandes responsabilités. Et quand ces responsabilités relèvent de la sécurité publique, il est difficile de garder son sang froid.

Alors ce commentaire enfoui dans les tréfonds d’Instagram méritait-il que France Inter qualifie les prises de parole de Juliette Binoche de « délires complotistes » ?

Il est fort, ce mot « délires », et particulièrement connoté, surtout lorsqu’il est attribué à une femme.

Mais surtout, en lisant la palanquée d’articles méprisants à son sujet, Juliette Binoche s’est-elle dit : « Wow c’est trop vrai ! Je suis en plein délire complotiste lol déso » ?

Bien sûr que non. De la même façon que lorsque je sors de mes gonds face à une personne qui me tient des propos sexistes, je la braque toujours. Tou-jours.

Même mépris dans une vidéo bonus d’Ouvrez les guillemets, la chronique hebdo d’Usul pour Médiapart.

« Son discours anti-confinement, c’est le même que beaucoup d’autres abrutis […] C’est pas des complotistes, c’est des cons plotistes. »

Ah, qu’est-ce qu’on rigole de l’ignorance des autres. Ils sont sacrément cons, les autres, à regarder ces lives comme des troupeaux écervelés.

Entendons-nous bien. Je ne cherche ni à excuser ni à minimiser la portée des propos complotistes.

Mais dans ce contexte précis, j’estime que le mépris, les insultes et la violence symbolique sont nos pires ennemis. Car ils n’amènent que de la défiance et creusent l’écart entre nos croyances.

Qui sont les personnes qui croient aux théories du complot ?

Dans les bottes de qui devons-nous rentrer pour mieux comprendre le phénomène ?

Eh bien, d’un peu tout le monde. L’Observatoire du conspirationnisme affirme que les populations les plus perméables aux théories conspirationnistes autour du virus sont les plus jeunes et les moins académiquement éduquées :

Les plus diplômés sont tendanciellement plus enclins à adhérer à une vision « officielle » et scientifique des faits sociaux alors que les populations moins diplômées sont, en moyenne, plus ouvertes à des grilles de lectures alternatives de type « la vérité est ailleurs » qui leur permettent de rendre intelligibles des situations complexes via des liens de causalités simples.

Par ailleurs, cultivant une profonde défiance vis-à-vis des élites et des autorités, les milieux populaires ont une propension plus importante à croire à des récits mettant en scène des complots ou des stratégies secrètes mises en œuvre par des puissances institutionnelles ou financières pour servir leurs propres intérêts au détriment du peuple ou de ceux d’« en bas ».

Néanmoins, ce que j’observe autour de moi est légèrement différent.

Au début du confinement, j’ai reçu plusieurs messages contenant des fake news qui disaient : « Pour vérifier si tu as le coronavirus, retiens ta respiration pendant 10 secondes et si tu as une gêne dans les poumons, c’est que tu es contaminée ».

Tu as peut-être aussi vu tourner la vidéo de cette jeune femme qui affirme que le virus a été créé pour réduire drastiquement la population planétaire ?

Ces messages étaient-ils envoyés par des adolescents ou des potes de mon âge ? Que nenni, ils provenaient de mon beau-père, 65 ans au compteur, lui-même assailli de fake news provenant de gens de sa génération.

Et en faisant le tour de mes proches, beaucoup d’entre eux m’ont confirmé que ces chaînes provenaient de personnes plus âgées exerçant ou ayant exercé des professions intermédiaires.

Contredites d’un jour à l’autre, les études scientifiques contribuent à entretenir le flou dans une partie de la population qui n’a pas forcément une démarche d’information proactive.

Vérifier une information, se fier à des sources fiables reste un obstacle pour beaucoup de gens aujourd’hui, même à l’heure d’Internet, si bien que même les journalistes s’y cassent parfois les dents.

Dans le cas de nos 4 zozos qui étaient en live, il est frappant de constater que leurs adeptes, les fameux « moutons lobotomisés » proviennent en réalité de milieux intellectuels et cultivés… comme Juliette Binoche :

Pourquoi il est difficile de lutter contre les théories du complot

Gênant donc, d’affirmer que seuls les jeunes débiles (pléonasme selon certains) croient à ces théories, surtout vu le flou entretenu entre une fausse information et une théorie du complot.

Lorsqu’un traitement commence à faire ses preuves contre le coronavirus par exemple, certains médias sont prompts à en relayer les résultats (avec parfois quelques réserves) sans attendre la validation des travaux par les pairs.

Ces dernières semaines, on s’est demandé si la chaleur estivale aurait un impact sur la survie du coronavirus parce qu’une étude préliminaire avait publié des résultats en ce sens.

Elle vient d’être reproduite et contredite mais l’information circule déjà allègrement.

Voilà comment on assiste à la naissance d’une fake news qui mettra sans doute des mois à être déconstruite.

« La théorie du complot est une réécriture de l’histoire réelle d’événements, une sorte de fabulation qui tend à prouver que des intentions malveillantes et cachées ont induit cet événement excluant ainsi toute cause accidentelle ou multifactorielle.

Croire ou ne pas croire à une théorie du complot n’est pas simplement binaire. Chacun peut y croire plus ou moins dans une échelle de 1 à 10 par exemple.

Il n’y a pas de frontière nette entre la fabulation, le questionnement critique et la réalité admise par toute ou partie de la communauté humaine. »

De la théorie du complot aux systèmes de croyance, Jean-Michel Serres, Echosciences Grenoble

Malheureusement, bien que le développement de l’esprit critique soit inscrit dans les programmes scolaires depuis le début des années 80 et que l’EMC (Enseignement Moral et Civique) ait été réformé récemment, l’éducation aux médias est loin d’atteindre ses objectifs.

La base commune que représente l’École n’est toujours pas assez investie et ancrée dans la réalité de la consommation de l’information par les élèves.

Peu d’enfants et d’adolescents discutent en cours de leurs usages d’Internet, encore moins des sujets d’actualité.

Les profs craignent parfois de s’aventurer sur des sujets politiques sensibles, comme la religion, le racisme, l’éducation sexuelle ou le partisianisme, de peur d’être démunis face à la puissance de certaines croyances ou d’être pris à parti par les parents.

YouTube entretient-il les théories du complot ?

Bon, et YouTube dans tout ça ? La plateforme consultée chaque mois par 88% des internautes français est-elle responsable de la propagation des théories complotistes ?

C’est un peu plus nuancé que ça.

Depuis début 2019, YouTube déclare s’attaquer sérieusement au sujet. Pour cela, la plateforme passe en revue les vidéos conspirationnistes et met particulièrement en avant les vidéos issues de chaînes de médias traditionnels sur certains sujets.

Une étude du CSA menée en novembre dernier tend à démontrer que l’algorithme de YouTube n’enferme pas nécessairement les utilisateurs dans des bulles informationnelles homogènes, mais qu’il les amène bien régulièrement vers des chaînes « vérifiées » de grands médias.

Pendant la crise du covid-19, YouTube a passé un cap en supprimant certaines vidéos relayant de fausses informations, ainsi que la chaîne de David Icke, un théoricien du complot qui affirme que la 5G propage le virus.

En parallèle, quelques vulgarisateurs ont pris le sujet à bras-le-corps, en essayant de faire remonter dans les recommandations leurs vidéos sérieusement documentées.

Tu les connais peut-être sous l’étendard de la zététique, un mécanisme qu’ils qualifient « d’autodéfense intellectuelle ».

Malheureusement, face à la profusion des vidéos complotistes, c’est un travail de longue haleine, et il ne porte pas toujours ses fruits.

Pourquoi croit-on aux théories du complot ?

Présentées comme des vérités, les théories du complot sont très difficiles à démonter et chaque tentative de les contredire semble renforcer le système de croyance de la personne complotiste.

Ce dogme est entretenu par plusieurs moteurs psychologiques : une méfiance vis-à-vis d’un monde dangereux, une marginalisation et une impuissance politique, une santé psychique fragile, sans être pathologique, une vision de soi flatteuse et une ouverture d’esprit et curiosité.

Certains chercheurs le résument dans 3 traits psychologiques : Croyance, Ouverture d’esprit et Singularité. Et aussi surprenant que cela puisse paraître…

« Ces trois traits psychologiques majeurs peuvent caractériser aussi bien un adepte de la théorie du complot, un chercheur scientifique possédant une conviction théorique, un croyant d’une tradition confessionnelle ou toute autre personne dans le cadre de ses activités humaines.

Par exemple, quand une personne lit un ouvrage, elle peut être victime d’un biais de confirmation de ses convictions et ainsi déformer le sens du texte. »

Ça donne une autre perspective à nos biais de pensée, non ? Les adeptes des théories conspirationnistes sont finalement aussi humains que toi et moi et à peu de choses près, leur démarche pourrait être quasi scientifique !

Ce qui les différencie réside dans plusieurs insécurités qu’ils ressentent au plus profond de leur être.

Souvent, ces personnes ont besoin de trouver des certitudes dans un monde dépourvu de sens et elles réfutent le hasard, les coïncidences ou les accidents.

Et comment les blâmer : le doute et les incertitudes ne sont-ils pas les pires sentiments ? Qui peut contredire qu’il est plus rassurant de penser que les choses sont écrites et planifiées ?

Pourquoi ce virus serait-il apparu soudainement, en condamnant une partie de l’humanité à une mort violente et solitaire ?

Pour certains, « Parce que c’est ainsi » ou « Parce que nous subissons les travers d’une société mondialisée » ne sont pas des réponses concevables ; une entité doit forcément avoir un dessein malveillant.

Les autres réponses, les plus pragmatiques, sont aussi les plus douloureuses car elles nous laissent démunies et impuissantes.

Les adeptes de ces théories sont aussi mus par l’impression de détenir un savoir caché réservé à un groupe d’initiés. Ils et elles rejettent le conformisme dans lequel tombent les « moutons lobotomisés » (ironique, non ?). Ce sont les « élus », ceux qui connaissent la vérité.

N’est-il pas plaisant de se sentir au-dessus de la mêlée ?

Pourquoi se moque-t-on de ceux qui croient aux théories du complot ?

Ahlala, qu’est-ce qu’ils sont débiles ces gens qui croient à ces théories ! Et ceux qui sont sortis jour 1 du déconfinement pour se masser sur les berges du Canal Saint-Martin ! Sans parler de ces incroyables imbéciles qui ne portent pas de masques ! Ni de ces connards qui prennent les transports en commun en heure de pointe, c’est fou !

Nous, on vaut tellement mieux qu’eux.

Nous, on est un peu l’élite, ceux qui savent, ceux qui méritent.

Comme on est au-dessus, on a le droit de les fustiger, de les humilier, de s’en moquer, vu qu’ils sont terriblement ignorants et nous, tellement intelligentes.

Dévaloriser l’autre pour rechercher l’estime de soi, c’est aussi vieux que l’humanité. Cette tendance nous colle méchamment à la peau : derrière nos hashtags #bienveillance, on ne peut pas s’empêcher de juger les autres pour nous rassurer.

Le constat est amer et peu glorieux pour nous mais je ne le sors pas de mon chapeau : voilà des années que la psychologie sociale étudie ces phénomènes.

Dans une vidéo brillante intitulée Pourquoi les américains nous paraissent-ils idiots ?, l’équipe de Hacking Social revient sur les biais psychologiques qui nous amènent inconsciemment à légitimer le rejet de l’autre.

Tout part de cette vidéo dans laquelle des Américains répondent à côté à des questions basiques comme « Citez-moi un nom de pays commençant par un U » ou « De quelle religion sont les moines bouddhistes ? ».

À partir de cette anecdote, Gull explique notamment les phénomènes de biais d’attribution et de biais d’autocomplaisance.

Dans la vidéo, les Américains sont désignés comme l’exogroupe, les autres, et les Français comme l’endogroupe, notre communauté. Si les Américains ne savent pas répondre à ces questions basiques, nous l’attribuons à leur bêtise.

En revanche, si une même vidéo mettait en scène des Français avec les mêmes résultats, nous l’attribuerions au contexte : les journalistes ont dû être intimidants, ça a dû déconcentrer les répondants, non ?

Ou alors, c’est simple : ceux qui ont été interrogés sont des Français débiles. Pas comme moi. Qui suis une Française d’élite, parfaitement au courant que les moines bouddhistes sont… bouddhistes. C’est encore un exogroupe.

Dans le cas des théories complotistes, nous pourrions voir les croyants des théories comme l’exogroupe et nous, les sceptiques, comme l’endogroupe.

Lorsque des personnes de l’exogroupe relaient une théorie fallacieuse, nous attribuons plus facilement leurs actions à un contexte interne (= elles sont débiles).

Lorsque des personnes de notre endogroupe sont mises en difficulté ou commettent une erreur, nous l’attribuons au contraire à un contexte externe (= elles n’ont pas eu de chance, ce n’était pas le bon moment).

Voilà une erreur d’attribution.

On voit bien dans le cas de la vidéo avec les Américains que la conclusion est bien plus complexe que : « ils sont débiles ». Ayons la même honnêteté intellectuelle envers les adeptes des théories complotistes.

Veillons aussi à limiter notre tendance à être ethnocentriques pour éviter d’être toujours complaisantes vis-à-vis de notre groupe et méprisantes voire remplies de préjugés vis-à-vis de l’autre.

Ces biais de pensée ne font pas de nous de mauvaises personnes, mais les connaitre et mettre une alerte rouge sur nos tendances promptes au jugement nous permettra de réagir plus justement les prochaines fois.

Comprendre que nous nous polarisons sans le vouloir dans ces groupes et que notre jugement en est altéré est particulièrement important pour lutter contre ces biais et sortir d’un cercle vicieux.

Le fossé se creuse entre nos croyances

D’autant qu’en nous opposant et en entrant en conflit sans dialoguer, nous voyons apparaitre des effets secondaires assez dévastateurs, comme celui de la réactance.

Selon Wikipédia, la réactance est « un mécanisme de défense psychologique mis en œuvre par un individu qui tente de maintenir sa liberté d’action lorsqu’il la croit ôtée ou menacée ».

Ce phénomène inconscient nous amène parfois à faire l’inverse de ce que l’on nous ordonne.

Début 2020, Clément Viktorovitch utilisait la polémique autour de Polanski, qui sortait J’accuse au cinéma, pour expliquer le concept de réactance.

Le film, malgré les efforts de certaines pour le censurer, est arrivé en tête du box-office français (et a par la suite remporté le « César de la honte »).

Il n’est pas impossible qu’une partie du public ait été voir J’accuse non pas par passion pour le film, mais pour se faire sa propre opinion face à des militantes et militants qui assénaient leur avis personnel.

« On voudrait m’empêcher de voir le Polanski en salles ?! Faudrait se lever tôt ! J’avais même pas tant envie d’y aller, mais là c’est sûr, je prends mon ticket ! »

Bien sûr, il est impossible de savoir combien de gens ont été voir J’accuse par envie, et combien l’ont fait par réactance. Pour beaucoup, c’est probablement un mix des deux. Mais le concept reste intéressant.

Cet effet de réactance, complètement inconscient et terriblement humain, explique en partie pourquoi lorsque j’essaie de détourner une personne des vidéos sur les pyramides construites par les extraterrestres, parfois son opinion ne s’en trouvera que renforcée.

Dès lors, que faire ? Faut-il jeter l’éponge et abandonner toute perspective de dialogue et tout espoir de nous comprendre un jour ?

Non, car tout n’est pas perdu. Nous partageons cette foutue planète alors autant trouver des moyens de se parler et de faire chacun un pas vers l’autre.

« Juger un peu moins, comprendre un peu plus »

Bien entendu, la tentation est forte. Les théories du complot, ça nous paraît tellement énorme, tellement hors sol. Finalement, rire de la bêtise des autres, ça nous rassure. Et ça nous rassemble.

En nous moquant des personnes qui croient aux théories du complot, nous recherchons nous aussi à faire communauté. Le rire fédère et en nous mettant à distance de cet autre, nous nous retrouvons dans notre bulle, notre petite zone de confort.

Mais nos réactions de rejet sont dévastatrices. Clivantes, elles nous empêchent d’ouvrir le dialogue avec les « croyants » qui se braquent et voient leurs opinions de départ renforcées.

Dans sa dernière série de vidéos autour de la crise et du confinement, Gull de la team Hacking Social présente les prochaines productions vidéo en expliquant qu’elles viseront à « juger un peu moins, comprendre un peu plus ».

Un parti pris plutôt courageux, vu la tendance dominante sur Internet.

L’équipe nous enjoint à observer les situations et leur contexte avant de juger les situations individuelles, une dynamique opposée à celle d’une société numérique très épidermique dans laquelle réagir est plus gratifiant que répondre.

« L’environnement social n’est jamais simple, toujours complexe. Il faut veiller à ne pas le transformer en champ de bataille, veiller à ce que les groupes ne se définissent pas par opposition à d’autres, veiller à ce que l’estime de soi ne l’emporte jamais sur le respect d’autrui. »

Que répondre à une personne complotiste ?

Voilà le fond du problème. Parce que certains discours conspirationnistes sont particulièrement dangereux, nous ne pouvons pas les laisser passer.

J’aimerais pouvoir te dire qu’il suffit d’envoyer UNE TONNE de sources scientifiques à quelqu’un qui te dit que la Terre est plate pour le ramener à la raison. Malheureusement, c’est loin d’être si simple.

Le très bon documentaire de Netflix sur les platistes La Terre à plat est particulièrement édifiant sur cet aspect.

Les gens qui croient aux théories conspirationnistes n’ont pas confiance dans les sources officielles émanant de l’État. Ils estiment souvent la communauté scientifique biaisée et se méfient des discours d’experts.

Leur faire lire un article du Monde, leur copier une page officielle du gouvernement, ou les mettre devant l’interview d’un scientifique adoubé par la profession aura peu de chances de retourner leur argumentaire.

À chaque fois que j’ai essayé de discuter avec une amie qui croit que le réchauffement climatique n’est pas causé par l’activité humaine, je me suis heurtée à un mur. Et pourtant, elle a fait des études supérieures et elle a bingé tous les docus Netflix sur l’environnement.

Ces croyances sont ancrées à un niveau qui dépasse la simple discussion sur ce sujet précis.

Pour avancer, ce n’est pas la théorie en elle-même qu’il faut attaquer mais la méthodologie du doute de la personne en face de toi qu’il faut réussir à renverser. Et oui, c’est long.

En 2015, le média Spiceee a produit une enquête baptisée Conspi Hunter qui visait à prendre les adeptes de théories conspirationnistes à leur propre piège :

« Nous avons abouti à un scénario selon lequel le virus du sida avait été inventé par la CIA dans sa lutte contre Cuba, et qu’il fallait y voir la véritable raison du blocus économique et sanitaire de l’île, que l’on connaît et qui dure depuis cinquante ans.

Notre scénario poursuivait en expliquant que si le président Barack Obama acceptait aujourd’hui de lever l’embargo, c’était pour récupérer le vaccin développé en secret par les Cubains. »

Piéger les conspirationnistes, mode d’emploi, Revue des Deux Mondes

En créant de toute pièce l’histoire, l’équipe de

Conspi Hunter a pu démontrer aux croyants à quel point il est facile de créer un mensonge viral.

Certains enseignants regorgent aussi d’ingéniosité en proposant à leurs élèves de créer ensemble une théorie conspirationniste à laquelle d’autres élèves pourraient croire.

En décortiquant la mécanique, ils les rendent ainsi plus vigilants sur les informations qu’ils croisent.

Il faut « faire douter les douteurs ». Et leur retourner des questions.

Si l’Homme n’a pas vraiment marché sur la Lune, comment expliquer qu’en cinquante ans, aucune trace de ce complot n’ait jamais été retrouvée chez les dizaines de milliers de personnes qui ont suivi le projet (personnels de la NASA, journalistes, cosmonautes) ?

Tout récemment d’ailleurs, le Pentagone a libéré des images d’Objets Volants Non Identifiés pour contrer les théories conspi de l’ancien chanteur du grouple Blink-182 (oui Kamoulox).

Plus de secret ? Plus de conspiration. Malin.

Je ne vais pas te mentir : cette méthode est longue et demande beaucoup de patience, voire plusieurs essais.

Mais la prochaine fois que ton père ou ta petite cousine t’enverront une vidéo accusant la 5G de propager le virus, tu comprendras peut-être mieux, au fond, les peurs qui les traversent.

Et cette fois, tu trouveras peut-être les mots justes pour les amener à voir le monde comme tu le perçois.

À lire aussi : #OnTeManipule, la contre-attaque anti-complotiste du gouvernement


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Les Commentaires

81
Avatar de Justinemacaron
20 août 2020 à 17h08
Justinemacaron
J'ai cotoyé dans mes merveilleuses années lycée des chrétiens fondamentalistes qui croyaient à un "Lobby LGBT" dont le but était de pervertir le mariage, la religion, la famille et les enfants. Et, si je comprends que la bienveillance est la clé pour changer une opinion, essayer de persuader qqn que mon orientation sexuelle n'est pas "décadente", que je suis une personne digne de respect et que je ne suis pas malade ou en voie de pervertir les enfants, ça peut être extrêmement frustrant voire carrément violent. Tout est dans la perspective: La personne en face de moi considère que mon orientation romantique et sexuelle relève du domaine de l'opinion, alors que, pour moi, elle relève de l'identité et d'expériences que je ne souhaiterais pas à mon pire ennemi. Je m'y suis brûlé les ailes bien trop de fois, alors j'ai décidé d'arrêter de leur parler. Sans pour autant les traiter de "gros débiles complotistes", je ne veux plus me risquer à essayer de leur faire voir les choses à ma manière, car ces personnes sont par essence obtuses et incapables de nuances. Elles ne pourront changer d'avis que si elles mettent en doute leurs propres croyances. Si elles s'autorisent à voir les choses autrement, alors je les accueillerai à bras ouverts. Mais, personnellement, les complotistes, je préfère les éviter.
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